La prophétie, c'est l'histoire

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La Prophétie est histoire/15 - Quiconque obéit aux ordres pernicieux des puissants partage leur faute.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 15/09/2019

« Acab n’est pas né une seule fois pour toutes, mais, ce qui est pire, il naît chaque jour et ne disparaît jamais de notre monde. Non seulement Naboth a été tué. Naboth est humilié tous les jours. Chaque jour, on le piétine »

Ambrogio, La vigne de Naboth

La vigne de Naboth, l'un des épisodes les plus terribles et les plus connus de la Bible, est comme la stèle d’une tombe qui nous demande de nous arrêter et de veiller aux victimes de ceux qui se prennent pour Dieu. Pour apprendre que tout n'est pas négociable.

Dans la Bible, et dans la grande littérature, on rencontre de temps en temps des pages qui ont la même force morale que la stèle d’une tombe. Il en est ainsi des histoires d'Urie le Hittite, de la fille de Jephté, de Agar, de Dina, de Rispa, Tamar, Job, Abel, le serviteur de YHWH, le Crucifié. On les survole souvent, en quête de pages plus édifiantes. Mais il nous arrive d’être saisi aux entrailles. On s'arrête, on se recueille, on se souvient, on prie, on pleure, on prête attention. L'histoire de Naboth et de sa vigne est une page comparable à une stèle, à un monument érigé à la mémoire d’une victime innocente. Elle suscite un questionnement éthique, social, économique et spirituel qui, au cours des siècles, a fait naître des sentiments moraux, des lois, des constitutions. Cette histoire nous a appris l'indignation, nous a fait crier "Ce n'est pas juste !", "Ah, sale monstre !", "Il doit y avoir la justice dans ce monde", "Mon Dieu, pourquoi ? Où es-tu ? Où es-tu ?", "Jamais plus !". Elle a rendu l'homme meilleur, mais aussi Dieu.

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« Naboth, de la ville de Yizréel, possédait une vigne à côté du palais d’Acab, roi de Samarie. Acab dit un jour à Naboth : "Cède-moi ta vigne ; elle me servira de jardin potager, car elle est juste à côté de ma maison ; je te donnerai en échange une vigne meilleure, ou, si tu préfères, je te donnerai l’argent qu’elle vaut. " Naboth répondit à Acab : " Que le Seigneur me préserve de te céder l’héritage de mes pères ! " » (1 Rois 21,1-3). Acab voit la terre de Naboth, il la désire, il veut en faire son jardin potager. Il parle à Naboth et lui propose un contrat. Un contrat apparemment équitable et avantageux, au prix du marché. Mais Naboth refuse, au nom d'une valeur autre qu'économique : cette vigne est l'héritage de ses pères. La loi de Moïse avait une législation spéciale pour la terre : « La terre ne sera pas vendue sans retour, car la terre est à moi et vous n’êtes pour moi que des immigrés, des hôtes » (Lv 25,23). La terre n'était pas une marchandise comme les autres. Si elle était aliénée pour des raisons économiques, elle pouvait être rachetée par un parent (goel), et au cours de l'année jubilaire revenir à son ancien propriétaire. Les terres héritées de la famille étaient alors soumises à des contraintes encore plus grandes. Naboth respecte YHWH et sa loi et n'accepte pas l'offre. En outre, le roi lui avait annoncé qu'il voulait changer la destination de cette terre - il voulait démanteler cette vigne pour en faire un potager. Dans la Bible, un vignoble n'est pas une terre comme les autres. C'est un symbole prophétique de l'alliance (Isaïe), c'est l'image du peuple d'Israël. Pour ces raisons, et peut-être d'autres, Naboth n'accepte pas l'argent du roi. Il ne vend pas cette terre, il ne l’abandonne pas, il décide qu’elle n'est pas sur le marché. Pour lui c’est un bien inaliénable, sa valeur n’est pas négociable. En ne le vendant pas, il veut dire que sa dignité n'est pas à vendre.

« Acab retourna chez lui sombre et irrité, parce que Naboth lui avait dit : "Je ne te céderai pas l’héritage de mes pères." Il se coucha sur son lit, tourna son visage vers le mur, et refusa de manger. » (21,4) Le roi Acab réagit exagérement à ce refus, c'est le moins qu'on puisse dire. Il entre dans un état dépressif qui rappelle celui d'Élie sous un genêt (chap. 19).

La Bible évoque aussi les mauvaises dépressions. La crise d'Élie, née de la persécution de Jézabel, a provoqué deux rencontres avec l'ange, puis le murmure de l'Horeb. La dépression d'Acab, à la suite d’un refus légitime, ne produira que mensonges et mort. Ceux qui, par tâche ou par vocation, ont à aider des personnes en crise doivent absolument distinguer la dépression d'Élie de celle d'Acab. Elles présentent des symptômes semblables, mais leur nature, leurs raisons et leurs effets sont complètement différents. Si, au lieu de sa femme, Acab avait eu un conseiller éclairé, celui-ci aurait dû lui suggérer d'accepter la réalité de ce refus, d’en faire son (petit) deuil et de trouver un autre endroit pour son jardin. Mais, malheureusement pour lui (et pour Naboth), à côté d'Acab, se trouve sa femme Jézabel, le personnage le plus trouble de cette histoire : « Sa femme Jézabel vint lui dire : "Pourquoi es-tu de mauvaise humeur ? Pourquoi ne veux-tu pas manger ?" » Il lui parle alors du refus qu’il vient d’essuyer. « Alors sa femme Jézabel lui dit : "Est-ce que tu es le roi d’Israël, oui ou non ? Lève-toi, mange, et retrouve ta bonne humeur : moi, je vais te donner la vigne de Naboth." » (21, 5-7).

Dans ces propos de la reine, nous revoyons Hérodiade, Lady Macbeth et d'autres épouses de personnages puissants qui, dans ces fréquentes inversions de rôles, prennent énergiquement la situation en main et cherchent rapidement une solution à la place de leurs maris faibles. Le contraire d’une Abigaïl, un commandant Joab au féminin. Jézabel, peut-être pour sauver l'honneur de son mari ("Gouvernez-vous Israël ainsi ?"), au nom d'une conception du pouvoir très différente de celle que souhaite YHWH pour ses rois, trouve la pire issue : « Elle écrivit des lettres au nom d’Acab, elle les scella du sceau royal, et les adressa aux anciens et aux notables de la ville où habitait Naboth. Elle avait écrit dans ces lettres : "Proclamez un jeûne, faites comparaître Naboth devant le peuple. Placez en face de lui deux vauriens, qui témoigneront contre lui : “Tu as maudit Dieu et le roi !” Ensuite, faites-le sortir de la ville, lapidez-le, et qu’il meure ! " » (21, 8-10).

Dans une seule action, elle viole trois commandements de la Loi - ne pas tuer, ne pas convoiter le bien d’autrui, ne pas donner de faux témoignages. Voilà une image claire de la pire face du pouvoir, qui n'a jamais disparu de la terre.

Ces pages nous font revivre le péché de David avec Bethsabée, celui des deux vieillards qui ont tenté de violer Susanne, et tous les péchés et les crimes des puissants qui interprètent leur pouvoir comme l'élimination de toute barrière séparant la partie du tout : le vice le plus profond et le plus terrible du pouvoir est de penser qu'il n'y a pas de limite infranchissable, que tout devient possible. La Bible a combattu cette conception du pouvoir. Sa polémique avec la monarchie est une critique systématique de l’idée de toute-puissance, qui devient du même coup une critique de l'idolâtrie ; chaque fois qu'un gouvernant verse dans la toute-puissance, il s’auto-proclame dieu. C'est pourquoi Jézabel est une idolâtre, elle tue les prophètes de YHWH, elle fait périr Naboth qui a osé mettre une limite à son pouvoir et à celui de son mari.

Naboth, en lui disant non, avait dit à Acab : tu n'es pas Dieu. C'est la lutte la plus vraie entre tout pouvoir absolu et Dieu. Les pouvoirs absolus combattent les religions parce qu'ils veulent être leur dieu. Ils tuent les prophètes et les hommes justes parce que ceux-ci nient leur divinité – Naboth, dans le Nouveau Testament, revit aussi en Jean-Baptiste, et l’un comme l’autre nous disent que la vraie raison de leur mort n'est pas éthique ni économique mais théologique, car ils s'opposent à la toute-puissance d’un souverain qui va nécessairement les tuer.

Dans ce récit, donc, la complicité des "anciens et notables" de la ville est frappante : ils restent silencieux devant la lettre de la reine qui contient explicitement des péchés et des crimes – « Les anciens et les notables qui habitaient la ville de Naboth firent ce que Jézabel avait ordonné dans ses lettres. » (21, 11). Ces notables et ces anciens, qui jusqu'au moment précédant la réception de la lettre et la mise en pratique de ses recommandations pouvaient être d’honnêtes gens (et peut-être l'étaient-ils), deviennent immédiatement complices et coupables, tout comme Jézabel, dès qu'ils exécutent ses ordres. Combien de fois l'avons-nous constaté et vérifié ! La Bible, en soulignant cette complicité, nous dit que ceux qui obéissent aux ordres immoraux de leurs dirigeants partagent leur culpabilité. S'il est vrai que celui qui aide les prophètes a la même récompense qu’eux (comme la veuve qui reçoit Élie), il est également vrai que celui qui aide un monarque meurtrier partage sa faute.

La Bible culmine à travers de nombreux et splendides « oui »: ceux des prophètes, celui de Marie. Sans eux, il n’y aurait pas eu l'histoire du salut, nous n'aurions pas eu de vocations, ni pu accéder ici-bas à des réalités sublimes. Naboth, cependant, nous rappelle la grande valeur du "non" et l’inconsistance des "oui" . Ce récit est assombri par de nombreux «oui » pervers, et éclairé par un seul "non". Combien de personnes sauvent les autres et se sauvent elles-mêmes parce qu'elles ont la force de dire non. Elles pourraient dire oui : la vertu de prudence, le calcul des coûts et des avantages les conduirait à vendre le champ. Elles voient clairement quatre-vingt-dix-neuf raisons de le vendre, et elles trouvent une seule et unique raison « imprudente » de dire non. Parce que cette raison est d'un autre ordre, elle suit une autre trajectoire, elle laisse un autre écho dans l’ âme. Si le non des nombreux Naboths de l'histoire avait disparu, si celui des Naboths encore présents parmi nous aujourd'hui disparaissait, la terre serait un lieu indigne. Les « non » des Naboths sont le levain et le sel de la terre, sans eux nous ne mangerions que du pain sans levain ni saveur.

Naboth a été tué : « Ils proclamèrent un jeûne et firent comparaître Naboth devant le peuple… Alors arrivèrent les deux individus qui se placèrent en face de lui et portèrent contre lui ce témoignage : "Naboth a maudit Dieu et le roi." On fit sortir Naboth de la ville, on le lapida, et il mourut. » (21, 2-13). C’est la stèle de sa tombe.

Alors qu'Acab descend dans la vigne pour en prendre possession, le prophète Élie reçoit cette parole de Dieu : « Lève-toi, va trouver Acab, qui règne sur Israël à Samarie. Il est en ce moment dans la vigne de Naboth, où il s’est rendu pour en prendre possession. Tu lui diras : “Ainsi parle le Seigneur : Tu as commis un meurtre, et maintenant tu usurpes. C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur : À l’endroit même où les chiens ont lapé le sang de Naboth, les chiens laperont ton sang à toi aussi.” » (21,18-19).

La voix des prophètes ne s’éteint pas : dans un monde où Naboth continue d'être tué, où personne ne dénonce les crimes parce que nous sommes tous complices et fautifs, ils continuent - Élie ou Nathan – à crier par vocation : "Tu as tué". Sublime mission ! Mais Naboth est mort. La parole d'Élie et la punition que YHWH promet pour Acab, sa femme et sa lignée ne parviennent pas à ressusciter Naboth. Tout ce qui reste, c'est la stèle de sa tombe : elle est là pour nous, elle ne cesse de nous interpeller.

Jérémie, dans une de ses plus belles pages, nous livre un grand message prophétique en achetant un champ ; ici Naboth nous en offre un autre en refusant de vendre un champ. Aujourd'hui aussi, il y a des contrats avantageux et des non-contrats qui le sont encore plus. Pendant trop longtemps, notre capitalisme a réussi à acheter tous les vignobles convoités pour de l'argent. Il n'a pas trouvé de Naboth pour dire non. Et notre planète est en train de dévier de sa trajectoire. Nous nous sauverons nous-mêmes si nous sommes capables de faire de notre temps celui de Naboth. Si nous apprenons sans tarder à dire non aux nouveaux puissants qui, aujourd'hui plus que jamais, du fait de leurs richesses infinies, se sentent tout-puissants. Car la terre entière est héritage. Naboth répondit à Acab : " Que le Seigneur me préserve de te céder l’héritage de mes pères ! »

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La Prophétie est histoire/15 - Quiconque obéit aux ordres pernicieux des puissants partage leur faute.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 15/09/2019

« Acab n’est pas né une seule fois pour toutes, mais, ce qui est pire, il naît chaque jour et ne disparaît jamais de notre monde. Non seulement Naboth a été tué. Naboth est humilié tous les jours. Chaque jour, on le piétine »

Ambrogio, La vigne de Naboth

La vigne de Naboth, l'un des épisodes les plus terribles et les plus connus de la Bible, est comme la stèle d’une tombe qui nous demande de nous arrêter et de veiller aux victimes de ceux qui se prennent pour Dieu. Pour apprendre que tout n'est pas négociable.

Dans la Bible, et dans la grande littérature, on rencontre de temps en temps des pages qui ont la même force morale que la stèle d’une tombe. Il en est ainsi des histoires d'Urie le Hittite, de la fille de Jephté, de Agar, de Dina, de Rispa, Tamar, Job, Abel, le serviteur de YHWH, le Crucifié. On les survole souvent, en quête de pages plus édifiantes. Mais il nous arrive d’être saisi aux entrailles. On s'arrête, on se recueille, on se souvient, on prie, on pleure, on prête attention. L'histoire de Naboth et de sa vigne est une page comparable à une stèle, à un monument érigé à la mémoire d’une victime innocente. Elle suscite un questionnement éthique, social, économique et spirituel qui, au cours des siècles, a fait naître des sentiments moraux, des lois, des constitutions. Cette histoire nous a appris l'indignation, nous a fait crier "Ce n'est pas juste !", "Ah, sale monstre !", "Il doit y avoir la justice dans ce monde", "Mon Dieu, pourquoi ? Où es-tu ? Où es-tu ?", "Jamais plus !". Elle a rendu l'homme meilleur, mais aussi Dieu.

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La Prophétie est histoire/12 - Trop de "morts" ne ressuscitent pas parce que nous nous berçons d'illusions avec des mots.

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 25/08/2019

« Nous cherchons un autre Dieu, qui ne se vante pas de ce monde si malheureux. Nous devons changer Dieu pour le préserver, et pour qu'il nous garde. »

Paolo de Benedetti Quel Dieu ?

Le miracle d'Élie qui ramène un enfant à la vie nous rappelle le sens profond de la parole qui dans la Bible, dans la vie et dans la prière se fait chair.

Les prophètes se forment aux confins de la vie et la mort. C'est là qu'ils apprennent leur "métier". Tels des funambules entre ce qui est déjà et n’est pas encore, ils sont toujours en équilibre, exposés , postés aux frontières fondamentales et décisives de la condition humaine. La Bible sait que quiconque voit Dieu meurt. Le prophète "voit" Dieu, l'a vu ou du moins l'a entendu le jour de son appel. La vocation prophétique est à la fois le Tabor, le Golgotha et le tombeau vide : voir Dieu, mourir, ressusciter. Le deuxième épisode de la mission d'Élie relate la résurrection d'un enfant. Ici encore on est toujours entre la vie et la mort : « Après cela, le fils de la femme chez qui habitait Élie tomba malade ; le mal fut si violent que l’enfant expira. » (1 Rois 17, 17). Nous avions quitté Élie en train d’accomplir le miracle de la multiplication du pain et de l'huile pour qu’ une veuve et son fils ne meurent pas de faim. Maintenant, le fils de cette veuve (ou peut-être celui d’une autre, car nous ne savons pas si à l’origine il y a un ou deux récits), tombe malade et meurt. Une scène que nous retrouverons aussi plusieurs fois dans le Nouveau Testament et qui aurait été très différente sans Élie.

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La mère est la première à parler : « Alors la femme dit à Élie : "Que me veux-tu, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! "» (17,18). Dans l'Antiquité, la présence d'un religieux - prêtre ou prophète - lors d'événements dramatiques et funestes était très souvent interprétée comme une condamnation et une culpabilité. On voyait souvent dans les signes du sacré une menace, surtout lorsque la personne religieuse était un homme et qu’au centre du malheur était un homme ou une femme pauvre se trouvait . Aujourd'hui encore, lorqu’un grand malheur survient, la religion n'est pas immédiatement perçue comme un sacrement qui soulage et console. Comme pour cette femme, notre première réaction peut être la colère, la peur et des sentiments de culpabilité qui sont toujours les premiers à se manifester dans ces situations douloureuses. Combien de fois avons-nous été témoins des réactions surprenantes de parents envers le prêtre qui entre dans une maison à l'heure silencieuse des démons du deuil. Ce prêtre peut devenir l'image d'un Dieu cruel qui a enlevé un fils ou un frère. Autour de lui se dresse un rideau invisible, mais bien réel, d'embarras ; parfois même des cris s’élèvent, des malédictions et même des jurons. Les prêtres et les religieuses expérimentés savent comment accepter ces malédictions et les lire comme une forme élevée de prière.

Dans ce monde ancestral, la présence d'Élie amène la mère à considérer son malheur comme une irruption de Dieu dans sa vie, comme une conséquence de sa faute. Nous ne savons pas quelle était sa faute, peut-être la condition humaine normale où les anciens voyaient la marque d’une culpabilité radicale. Malgré toute la révélation biblique, suivie du christianisme qui nous a dit que Dieu est agapè, nous aussi nous continuons encore à associer nos malheurs à notre culpabilité – « si je l'avais accompagné », « si je lui avais dit non », « c'est une punition pour ma mauvaise vie »... Le sentiment de culpabilité est la première monnaie avec laquelle nous réglons les comptes de nos funérailles. Il s’impose de lui-même, il est inscrit dans nos chromosomes culturels. La religion économico-rémunératrice est en fait beaucoup plus ancienne et donc enracinée dans le cœur individuel et collectif de la religion de l'amour et de la grâce. C'est pourquoi nous avons besoin de prophètes. Les prophètes sont à nos côtés. Ils se taisent, ils ne prêchent pas et ne font pas de discours consolateurs, ils nous donnent un Dieu libéré des péchés et des mérites, plein de grâce et de miséricorde. Ils le font avec en parlant, mais surtout avec leur corps : par une longue et tenace étreinte, en partageant un repas de larmes et de sel, proches de nous, silencieux, en ces samedis saints qui ne finissent jamais. Il m'a fallu toute une vie - un ami prêtre me l'a confié - pour comprendre que les gens qui vivent de grandes douleurs ne cherchent pas en nous des mots, ils cherchent un corps qui sait comment se tenir debout (stabat).

« Élie lui dit : « Donne-moi ton fils. » (17,19). En présence de la plus grande douleur que la terre connaisse, et qu’il parvient difficilement à supporter, Élie prend le corps de l’enfant dans ses bras. Il ne prêche pas : il agit, il l’embrasse. C'est le seul "mot" que nous aimerions entendre de l'homme de Dieu qui entre dans la chambre de l’enfant. « Élie répondit : … "Il le prit des bras de sa mère, le porta dans sa chambre en haut de la maison et l’étendit sur son lit ". » (17, 19). Cette mère retenait son fils, le "garçon" (yeled) mort, sur sa poitrine. Une scène merveilleuse, d'une humanité sans fin. Si les hommes et les lois ne les en empêchaient pas, les mères continueraient à serrer indéfiniment leur enfant mort sur leur poitrine, en attendant qu'un Dieu ou qu’un prophète passe et le ressuscite. Et si un jour on a pu écrire des paroles immenses sur l'amour de Dieu pour nous, c'est parce qu'on avait vu et appris l'agapè des mères qui tenaient leur enfant contre leur poitrine, qui ne cessaient de le faire - les femmes aiment beaucoup l'icône de la Vierge à l’enfant car ce petit Jésus est aussi l'image de leurs enfants, de ceux qui sont en vie et davantage encore de ceux qui sont morts.

C'est seulement à ce moment qu'Élie commence à prier : « Puis il invoqua le Seigneur : "Seigneur, mon Dieu, cette veuve chez qui je loge, lui veux-tu du mal jusqu’à faire mourir son fils ? "» (17, 20) C'est la prière incomparable des prophètes, d'où il ressort : « Veux-tu aussi faire du mal à cette veuve ? » Elle débute par une protestation, par un reproche à Dieu qui a aussi (et donc pas seulement) blessé celle qui le reçoit. Le Dieu biblique fait le bien, mais aussi le mal. Élie prend le parti de la veuve et de l’enfant, et demande à Dieu de changer, de "se convertir". Il n'a pas consolé cette femme en l'invitant à accepter "la volonté de Dieu" ou son destin. C’est nous qui agissons ainsi, parce que nous ne savons rien faire d'autre. Il n’en va pas de même du prophète qui a eu compassion de cette mère et a protesté contre Dieu en lui demandant de changer. Il le considère responsable de la mort de l’enfant, sans quoi son Dieu serait un fétiche. Tout comme Job, Élie n'a pas recours à la théologie économique et méritocratique pour sauver la justice de Dieu. Il ne pense pas que les hommes soient les seuls responsables de leurs malheurs - toutes les morts d’enfants sont injustes parce qu'ils sont innocents. Élie demande à Dieu de "se réveiller", de se souvenir de son nom qui est différent de celui des idoles, parce qu'il ne veut pas la mort de nos enfants. Les prophètes, par absurdité, préfèrent être excommuniés par Dieu que de sacrifier un enfant. Abraham obéit à Dieu et conduit son fils au mont Moria. Le prophète proteste, s’en prend à Dieu, et ne conduit pas l’enfant sur l'autel - si nous voulons un prophète dans cette terrible scène, nous pouvons le trouver dans le bélier.

Dans les grandes crises et les douleurs insupportables, le prophète se tient à nos côtés et demande à Dieu de se montrer au moins aussi bon qu'une mère. Tout en nous enseignant les paroles de Dieu, il regarde le meilleur des hommes et le signale, l'enseigne à Dieu. Si la Bible nous a finalement donné l'image de Dieu ému par le retour du fils, qui se penche sur la victime sur le chemin de Jéricho, c'est parce que les prophètes avaient osé demander à Dieu de descendre du ciel et de devenir au moins aussi bon que les mères. Pour défendre Dieu les faux prophètes condamnent les hommes. Les vrais prophètes savent au contraire que le seul moyen de vraiment sauver et protéger Dieu est de vraiment protéger et sauver les hommes - surtout les enfants. Les prophètes sont les amis de Dieu, ils ont une intimité unique avec l'absolu. C'est là que réside leur mystère. Cet épisode nous dit que la première tâche des prophètes est d'utiliser leur intimité avec Dieu pour sauver nos enfants.

« Élie par trois fois, s’étendit sur l’enfant en invoquant le Seigneur : "Seigneur, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! " ». (17, 21). L'utilisation qu'Élie fait de son corps pour tenter de "ressusciter" l’enfant est très suggestive. Il s'étend trois fois sur lui de tout son corps, comme pour lui rendre sa vie par contact, par osmose. Les prophètes guérissent et ressuscitent de tout leur corps. Leurs paroles sont différentes et efficaces parce qu’avant tout, ce sont des paroles incarnées, ce sont des paroles de chair. Trop de "morts" ne ressuscitent pas parce que nous ne sommes pas capables d'utiliser tout notre corps et croyons que les mots suffisent (la grande illusion de ceux qui écrivent et peut-être commentent les prophètes est de penser que les hommes ne peuvent être sauvés que par les mots). Le début de l'histoire d'Élie nous appprend que les miracles ne peuvent se produire qu'après s’être étendu trois fois de tout notre corps sur le corps de ceux qui étaient, ou semblaient morts. Trop de morts restent morts ou meurent réellement parce que nous avons peur de nous allonger sur eux, c'est-à-dire de les toucher, de les embrasser ; la culture de l’époque conduisait à penser que les morts ne pouvaient être touchés, qu’ils étaient impurs : tel n’était pas l’avis des prophètes. Saint François nous a laissé des paroles splendides, mais celle qui ressuscita Assise et le monde fut son baiser au corps déchiré du lépreux.

L’expression de la prière va de pair avec celle du corps. Dans certaines Via Crucis, nous pouvons aussi voir les "anges monter et descendre sur le fils de l'homme", mais tant que nous ne voyons pas un corps d'homme, nous ne pouvons reconnaître Dieu : « La femme lui répondit : "Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique." » (17, 24). Pour pouvoir nous sauver, Dieu ne s'est pas fait ange, il s'est fait homme : chair et corps. C'est là que réside la grande valeur du corps dans l'humanisme biblique. Quand la prière se fait chair, nous pouvons surpasser les anges. Élie est le prophète de la prière puissante parce qu'il prie de tout son corps. C'est émouvant de le revoir alors qu'il prie allongé sur le corps de ce garçon. Parce qu'en lui et avec lui, nous voyons d'autres prophètes qui continuent aujourd'hui à faire revivre des enfants, des femmes et des hommes - dans les guerres, dans les camps de réfugiés, dans les mers - en utilisant leur corps comme première prière : partager la même misère, les mêmes maladies, les mêmes résurrections, la même mort. Des enfants continuent de mourir. Leurs mères et leurs pères continuent à désespérer, parfois en maudissant Dieu et ses prophètes. Le geste d'Élie continue de nous rappeler que si un jour nous voulons sauver un enfant de la mort physique ou spirituelle, nous ne pouvons le faire qu'en nous couchant sur lui de tout notre corps. Trois fois, pas une de moins.

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La Prophétie est histoire/12 - Trop de "morts" ne ressuscitent pas parce que nous nous berçons d'illusions avec des mots.

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 25/08/2019

« Nous cherchons un autre Dieu, qui ne se vante pas de ce monde si malheureux. Nous devons changer Dieu pour le préserver, et pour qu'il nous garde. »

Paolo de Benedetti Quel Dieu ?

Le miracle d'Élie qui ramène un enfant à la vie nous rappelle le sens profond de la parole qui dans la Bible, dans la vie et dans la prière se fait chair.

Les prophètes se forment aux confins de la vie et la mort. C'est là qu'ils apprennent leur "métier". Tels des funambules entre ce qui est déjà et n’est pas encore, ils sont toujours en équilibre, exposés , postés aux frontières fondamentales et décisives de la condition humaine. La Bible sait que quiconque voit Dieu meurt. Le prophète "voit" Dieu, l'a vu ou du moins l'a entendu le jour de son appel. La vocation prophétique est à la fois le Tabor, le Golgotha et le tombeau vide : voir Dieu, mourir, ressusciter. Le deuxième épisode de la mission d'Élie relate la résurrection d'un enfant. Ici encore on est toujours entre la vie et la mort : « Après cela, le fils de la femme chez qui habitait Élie tomba malade ; le mal fut si violent que l’enfant expira. » (1 Rois 17, 17). Nous avions quitté Élie en train d’accomplir le miracle de la multiplication du pain et de l'huile pour qu’ une veuve et son fils ne meurent pas de faim. Maintenant, le fils de cette veuve (ou peut-être celui d’une autre, car nous ne savons pas si à l’origine il y a un ou deux récits), tombe malade et meurt. Une scène que nous retrouverons aussi plusieurs fois dans le Nouveau Testament et qui aurait été très différente sans Élie.

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Et la prière se fit chair

Et la prière se fit chair

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La Prophétie est histoire/11 - Dans la logique du Dieu des prophètes, ce qui est donné est reçu et multiplié

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 11/08/2019

« Rompre le pain, écouter un quatuor de Mozart, marcher sous la pluie, il y a en ce moment des êtres qui ne sont pas en mesure de faire des choses aussi simples - parce qu'ils sont malades, parce qu'ils sont en prison, ou parce qu'ils sont si pauvres qu'un pain vaut pour eux une fortune. »

Christian. Bobin Mozart et la pluie

Avec le début du cycle d'Élie, nous entrons dans certains des épisodes les plus célèbres et les plus prisés de la Bible, qui ont beaucoup inspiré les Évangiles. Et nous avons la confirmation de cette nécessité : quand la foi est menacée de l'extérieur, c'est précisément à l’extérieur que le salut doit commencer.

Il y a une profonde amitié entre les pauvres et les prophètes. Sur terre il y a peu de scènes plus belles que les pauvres qui partagent leur table avec le prophète/hôte qui passe et les bénit. C'est le pain des pauvres qui est la première nourriture des prophètes qui, s'ils cessent de le partager, commencent à perdre leur vocation prophétique et leur âme.

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Nous sommes sur le point de rencontrer Élie. À l’occasion des rencontres importantes, il faut se préparer : on se rassemble, on fait silence, notre désir et notre attente participent déjà de la rencontre. La Bible n'est pas une fiction, ses personnages ne sont pas des acteurs. Ce sont des personnes vivantes et réelles, de chair et de sang, qui revivent et ressuscitent chaque fois que quelqu'un les traite comme telles. Cette vie que nous ressentons aussi au contact des grandes œuvres littéraires et artistiques, acquiert dans la Bible une force et une beauté qui sont peut-être uniques - le Verbe un jour s'est fait chair parce que la Parole biblique, différemment mais vraiment, était déjà chair, et l'est toujours.

Élie est le patriarche des prophètes bibliques. Un personnage exceptionnel, aux confins de l’histoire et de la légende, extraordinaire dans ses moments de gloire comme dans ses nuits. Il ne nous a laissé aucun livre, il a peu parlé, les Livres des Rois ne lui consacrent que quelques chapitres ; pourtant la tradition biblique, de nombreuses Églises chrétiennes et l'Islam lui font, tout comme à Moïse et à David, une grande place. C'est un prophète qui a inspiré l'histoire de l'art, de la musique, de la littérature - il suffirait d'évoquer seulement le nom du capitaine Acab de Moby Dick. Très aimé des pauvres, des traditions monastiques, des mystiques et des contemplatifs. Il n'y a pas de nom plus présent qu'Élie dans les Évangiles, et sans lui nous aurions un autre Jésus. Lors de la célébration de la Pâques juive, les familles laissent pour Élie une place en plus et un siège inoccupé, parce qu'il pourrait toujours venir - parce qu'il vient toujours. Le voici : « Le prophète Élie, de Tishbé en Galaad, dit au roi Acab : "Par le Seigneur qui est vivant, par le Dieu d’Israël dont je suis le serviteur, pendant plusieurs années il n’y aura pas de rosée ni de pluie, à moins que j’en donne l’ordre" » (1 Rois 17,1).

Élie entre en scène sans présentation. Comme Abraham, comme Noé. Son nom est très évocateur : « YHWH est mon Dieu ». Il venait de la région de Gàlaad, en Transjordanie, donc du Royaume du Nord. Il est envoyé au roi Acab, un grand idolâtre : « Acab, fils d’Omri, fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur… il prit pour femme Jézabel, fille d’Éthbaal, roi des Sidoniens, et il alla servir Baal et se prosterner devant lui… Par ses actions Acab ne cessa de provoquer l’indignation du Seigneur, Dieu d’Israël, plus encore que tous les rois d’Israël qui l’avaient précédé. » (16,30-33).

Élie annonce à Acab une sécheresse exceptionnelle, qui prendra fin quand il le dira. Il lui transmet une mauvaise nouvelle de la part de YHWH, et se présente comme celui qui remédiera au fléau qu'il annonce. Puis il commence son voyage : « La parole du Seigneur lui fut adressée :"Va-t’en d’ici, dirige-toi vers l’est…" ». (17,2-3). Comme celle d’Abraham, l'histoire d'Élie commence par un "départ". C'est un homme errant et un fugitif. Et, comme Abraham, Caïn et Jacob, lui aussi se dirige vers l’orient. Mais l'Orient pour l'homme de la bible est aussi la direction de l'Exil, la route qui conduit à Babylone. La prophétie est exil, et rien n’évoque davantage l’exil qu’un prophète : éloignement des affections familiales, des amis, de lui-même… le prophète est éternellement dépaysé, car aucun pays n'est vraiment le sien, car il ne retourne jamais chez lui.

Élie s'enfuit parce que, nous le verrons, Acab et son épouse Jézabel le persécutent. Les vrais prophètes sont toujours des fugitifs et constamment en danger, même lorsqu'ils passent leur vie entière au même endroit. Ils suivent et obéissent à une seule voix, et sont donc souvent en conflit avec la voix des puissants. Ils parlent quand la voix de Dieu le leur demande et non quand il convient de parler. Leur parole est libre, et c'est pourquoi ils sont détestés par ceux qui voudraient maîtriser tout ce qui se dit, et ils le sont encore plus lorsqu’il en est ainsi : le prophète devient haïssable lorsqu’il reste le seul à s’exprimer librement dans la ville.

« Il s'en alla et agit selon la parole de l'Éternel » (17, 5). C’est là une autre caractéristique essentielle des véritables prophètes : Élie obéit, il part, il s’en va. Il n'existe pas de prophète sans cette obéissance radicale : « Il alla s’établir près du torrent de Kérith, qui se jette dans le Jourdain. Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande, matin et soir, et le prophète buvait au torrent. » (17, 5-6). C’est l’une des scènes les plus célèbres de la Bible et que l'art a le plus représentée : une splendide image de la providence qui accompagne les hommes et les femmes de Dieu, qui accompagne chacun. Quiconque obéit et part ne meurt pas, parce que cette obéissance engendre une mystérieuse et très réelle fraternité avec la nature et les pauvres - combien de corbeaux et de ruisseaux continuent à nourrir nos prophètes, affamés et assoiffés à cause de la méchanceté des hommes ? Aujourd'hui, je veux voir Élie nourri par le ciel dans les nombreux prophètes qui vivent en ce moment en prison, oubliés de tous – mais pas par Dieu, ni par ses oiseaux.

Ce début de la vie d'Élie qui erre, immergé dans ce cadre de fraternité cosmique, est magnifique. Les grandes traditions spirituelles ont toujours eu l'intuition qu'il existe une loi de l'agapè inscrite dans l'univers, plus profonde et plus vraie que les intentions humaines ; arriver assoiffé près d'une source et boire son eau, est une authentique expérience d'amour échangé avec la terre, et ici nous pouvons utiliser le mot amour/agapè sans rien concéder au romantisme. C'est une métaphore, mais une métaphore incarnée. L'amour présent dans le cosmos est plus grand que la somme des amours des hommes et des femmes ; la fraternité humaine est par elle-même trop petite, même si elle est immense. L'amour n'est pas toujours intentionnel. Il est également présent dans la douceur de l'agneau et dans l'humilité de la vache. Nous ne le voyons pas, mais il est là. Et c'est en nous laissant habiter par cette surabondance, aux confins de l’amour des hommes et celui de la création, que nous pouvons vivre une réelle fraternité avec le torrent et les corbeaux, et prêcher aux oiseaux avec François.

Mais, comme ce fut annoncé à Acab, « Au bout d’un certain temps, il ne tombait plus une goutte de pluie dans tout le pays, et le torrent où buvait le prophète finit par être à sec » (17,7). Et Élie repart : « Alors la parole du Seigneur lui fut adressée : " Lève-toi, va à Sarepta, dans le pays de Sidon ; tu y habiteras ; il y a là une veuve que j’ai chargée de te nourrir" » (17,8-9). Ce sont les pauvres qui nourrissent les prophètes. Après les corbeaux et le ruisseau, voici que c’est une veuve, une étrangère, une phénicienne, adoratrice du dieu Baal, importé de Phénicie par Jézabel, qui se joint au chœur de la fraternité bienfaisante de la terre.

La femme d'Acab avait amené Baal depuis Sidon ; Élie avait amené YHWH à une autre femme de Sidon. Les prophètes sont ainsi : ils vont résolument à contre-courant, dans une direction contraire, et tandis que les dieux étrangers occupent leur terre, ils vont annoncer leur Dieu dans le berceau du paganisme, car ils savent que si leur Dieu est vrai - et ils le connaissent par son nom - il doit pouvoir parler aux païens et être compris aussi par eux. C'est ainsi que le texte commence le cycle d'Élie par la rencontre entre le prophète de YHWH et une femme phénicienne, nous offrant ainsi une icône éternelle de la "foi qui est en sortie", pour nous dire que lorsque la foi est menacée de l'extérieur, c'est à l'intérieur de ce "dehors" que commence le salut.

« Le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : "Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? " Elle alla en puiser. Il lui dit encore : "Apporte-moi aussi un morceau de pain. " Elle répondit : "Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. " » (17,10-12). C'est la condition désespérée de la veuve qui, par ordre de YHWH, doit nourrir le prophète. « Nous le mangerons et ensuite nous mourrons » : voilà qui rappelle à l'esprit du lecteur attentif la scène d'Agar et de son fils Ismaël dans le désert (« Toute l’eau de l’outre vint à manquer… » Genèse 21,15). C'était donc un ange, le premier ange de la Bible, qui sauva la femme et l'enfant. Maintenant c’est un prophète qui va sauver cette femme et son fils : et si les anges étaient les prophètes que nous avons parmi nous, que, comme les anges, nous ne voyons pas ?

« Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie » (17,13-16). Les femmes, surtout les mères et les femmes pauvres, reconnaissent les prophètes. Elles ont un sixième sens, elles interceptent les sons et les voix que les hommes ne perçoivent presque jamais. Cette pauvre femme, dans son désespoir, comprit que cet invité était porteur d’une bénédiction, elle savait qui lui disait "donne-moi à boire". Elle accueillit le prophète comme tel et eut la récompense du prophète.

Élie est un prophète aimé du peuple parce qu'il est prophète de l'eau et du pain. Dans le village où je suis né, le jour de la Saint Étienne, patron de la paroisse, le curé donne encore un petit pain à chaque fidèle. Une tradition très ancienne, qui rappelle la valeur du pain dans un monde de pauvres - aucun prix n'atteint cette valeur. Le pain est le premier cadeau destiné aux pauvres. L'épisode de la veuve de Sarepta nous enseigne aussi autre chose : le pain est le premier cadeau des pauvres. Huit siècles plus tard, le miracle de la multiplication des pains a été possible parce qu'un pauvre homme a fait sa part, en donnant tout ce qu'il avait. Seuls les pauvres connaissent le centuple, et seuls ceux qui donnent tout. C'est le peu-tout qui parvient à devenir "cent fois plus". Le peu de beaucoup ne se multiplie pas, tout au plus il s'additionne. La Providence n'arrive que dans le pot vide et l'armoire sans farine - pas même un instant avant, car elle a besoin de l'espace infini du néant.

Les prophètes nous donnent beaucoup de choses, mais d'abord, si nous sommes pauvres, ils doivent nous donner eau, farine, huile. Et nous les reconnaîtrons à la fraction du pain.

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La Prophétie est histoire/11 - Dans la logique du Dieu des prophètes, ce qui est donné est reçu et multiplié

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 11/08/2019

« Rompre le pain, écouter un quatuor de Mozart, marcher sous la pluie, il y a en ce moment des êtres qui ne sont pas en mesure de faire des choses aussi simples - parce qu'ils sont malades, parce qu'ils sont en prison, ou parce qu'ils sont si pauvres qu'un pain vaut pour eux une fortune. »

Christian. Bobin Mozart et la pluie

Avec le début du cycle d'Élie, nous entrons dans certains des épisodes les plus célèbres et les plus prisés de la Bible, qui ont beaucoup inspiré les Évangiles. Et nous avons la confirmation de cette nécessité : quand la foi est menacée de l'extérieur, c'est précisément à l’extérieur que le salut doit commencer.

Il y a une profonde amitié entre les pauvres et les prophètes. Sur terre il y a peu de scènes plus belles que les pauvres qui partagent leur table avec le prophète/hôte qui passe et les bénit. C'est le pain des pauvres qui est la première nourriture des prophètes qui, s'ils cessent de le partager, commencent à perdre leur vocation prophétique et leur âme.

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Le pain des pauvres est béni

Le pain des pauvres est béni

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La Prophétie est histoire/10 - L'équilibre ne coïncide pas toujours avec la vertu et les bénédictions se trouvent aussi dans les détails.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 04/08/2019

« La voix du Seigneur provoque la délivrance des biches et hâte la naissance de leurs petits. Dans son temple, tous disent : "Gloire à Dieu !" »

Psaume 29

Dans la bible, les questions difficiles et déplacées que les auteurs sacrés ont posé à l'histoire continuent à engendrer une lecture capable de ressusciter cette même histoire. C’est le cas dans le détail qui rachète la triste histoire d'un enfant qui meurt.

L'équilibre est souvent une vertu, mais, comme toutes les vertus, si on l’absolutise, il devient aussi un vice. Lors des crises éthiques et spirituelles, seuls des choix hors norme peuvent nous sauver. Il en fut ainsi pour Dietrich Bonhoeffer lorsqu'en février 1938, il choisit de se joindre au groupe de conspiration anti-nazi de l'amiral Canaris. Ses collègues théologiens plus mesurés ont trouvé mille raisons de prudence pour assister passivement à l'horreur et en sont devenus complices. Son comportement périlleux lui a permis, en prison, de produire la théologie peut-être la plus prophétique du XXe siècle. Et c’est aussi un autre comportement imprudent et déséquilibré qui est à l’origine du Golgotha et du tombeau vide.

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La Bible n'a pas été écrite par un groupe d'intellectuels impartiaux et neutres. La communauté des scribes qui a raconté l'histoire d'Israël y était impliquée et prenait parti. Elle a écrit pour faire ressusciter le passé au cœur d’un exil douloureux. Elle était donc partiale, partisane, excessive, au point d'intervenir sur les sources avec des opérations que nous, modernes, considérerions incorrectes. Le mérite des scribes qui ont composé la grande histoire d'Israël, de la Genèse aux Livres des Rois, était de proposer une lecture forte et donc partiale de leur malheur. Quand nous devons comprendre et nous demander pourquoi notre histoire d'amour est terminée, nous pouvons lire les papiers des avocats et les décisions du juge, mais pour une vraie compréhension, un exercice spirituel de la mémoire est nécessaire, susceptible d’identifier quelques moments, des mots, des gestes, car dans les histoires importantes tous les mots et les jours ne sont pas égaux. Si nous voulons comprendre ce qui est arrivé à notre communauté découragée et desséchée, nous pouvons et devons lire les procès-verbaux des conseils, les statistiques et les annales officielles ; mais pour une compréhension plus profonde, nous devrions apprendre à lire d'autres comptes-rendus, interpréter les signaux faibles qui nous ont échappé, relire quelques paroles malheureuses prononcées à certains moments, les pardons manqués, les péchés d’orgueil et de toute-puissance. Et une fois identifiée une clé de lecture, essayer d'agir sur elle pour changer et ressusciter, conscient que cette clé est partiale, exagérée, excessive.

Pendant et après leurs exils, les communautés idéales construites autour d'une promesse doivent apprendre à se poser des questions radicales sur leur histoire. Et si elles ne le font pas, l'exil se prolonge indéfiniment. Ces questions sont essentielles, même lorsque les réponses sont inadéquates et insuffisantes (comme le sont parfois celles des auteurs de livres historiques). Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment sommes-nous réduits à cette condition ? En quoi nous sommes-nous trompés ? Quand et pourquoi l'alliance s'est-elle brisée ? Si la Bible est arrivée jusqu’à nous comme une réalité vivante, si après des siècles Jésus de Nazareth a pu naître, c'est parce que l’âme authentique de ce peuple a su se poser, et poser à Dieu, des questions difficiles et inconvenantes. Nous nous sauvons nous-mêmes avant tout et peut-être seulement si, lors des crises, nous apprenons à formuler des questions radicales, car ce sont elles qui nous accompagnent et nous nourrissent lorsque le temps passe, lorsque la douleur augmente et que les réponses n'arrivent pas.

Le grand thème qui occupe les chapitres 12-16 du premier Livre des Rois est le motif du schisme du royaume du Nord et les malheurs des premiers rois des deux royaumes. Quelques données historiques sont utiles. Les découvertes archéologiques effectuées sur les terres de la Bible et les régions voisines, montrent une histoire différente, parfois très différente, de celle relatée dans ces chapitres. Elles nous disent qu'après la sortie d'Égypte grâce à Moïse et l'occupation militaire de la terre promise par Josué, les douze tribus de Jacob-Israël ont connu une croissance progressive, jusqu'à l'établissement de la monarchie de Saül, de David et finalement de Salomon où le royaume a atteint sa prospérité maximale et son extension géographique du Nord au Sud. Cet "âge d'or" s'achève avec le schisme de Géroboam, qui amorce un déclin qui culminera avec l'occupation et l'exil babyloniens. L'effondrement de l'unité nationale fut une conséquence de la punition infligée par YHWH en raison de l'idolâtrie et de la corruption du Royaume du Nord (Israël). Les données extra-bibliques (dont le texte de Mario Liverani Beyond the Bible est une excellente lecture) et les inscriptions trouvées dans certaines stèles nous disent des choses différentes. Tout d'abord, il est maintenant presque sûr que certaines des tribus étaient originaires de la région palestinienne bien des siècles avant l’époque de Josué et de la monarchie. La croissance du royaume d'Israël fut une unification/conquête de clans qui furent annexés à un noyau israélite, au début relativement petit (à noter que dans son ensemble le territoire des douze tribus était à peu près aussi grand que la province italienne des Marches), ce qui correspondait peut-être seulement aux tribus d'Éphraïm et de Benjamin, donc le Nord, tandis que le Sud (Juda) serait de formation plus récente. Un personnage clé dans le processus d'élargissement du royaume aurait été Omri (IXe siècle), le fondateur de la Samarie, à qui la Bible ne consacre que quelques lignes (1 Rois 16,22-28). Il était si important qu’après la destruction de sa dynastie, les gens ont continué à parler pendant longtemps de la "Maison d'Omri" pour désigner le peuple d'Israël.

Des données récentes remettent donc en question le récit biblique où il est question d’un seul royaume qui fut plus tard divisé en deux, ce qui conduit à penser que le royaume uni de David-Salomon était un âge d'or mythique mais non historique - et que peut-être certains des exploits attribués par la Bible à David étaient plutôt ceux d'Omri. De plus, tout le récit des livres des Rois adopte le point de vue du Royaume du Sud et donne une image très négative des rois du Nord, accusés d'idolâtrie. En fait, il est très probable que les rois du Nord n'étaient pas plus idolâtres que ceux du Sud. Mais, comme c'est souvent le cas, la Bible conserve aussi quelques traces d'autres traditions venues du "nord" (nous l'avons vu en son temps avec l'histoire de Saul), d'où émergent d'autres explications du schisme (conflit, entre autres, naturel dans les Pays à configuration verticale).

C'est à la lumière de cette explication partisane, fondée sur l'infidélité du Royaume du Nord, qu'il faut aussi lire le récit, empreint d’une beauté tragique, de la visite de l'épouse du roi au prophète Achia : « En ce temps-là, Abiya, fils de Jéroboam, tomba malade. Jéroboam dit à sa femme : "Lève-toi, je te prie : déguise-toi, pour que l’on ne sache pas que tu es la femme de Jéroboam. Va à Silo : là se trouve le prophète Ahias. Emporte dix pains, des gâteaux secs, un pot de miel, et va le trouver chez lui. Il te révélera ce qui adviendra de l’enfant". La femme de Jéroboam fit ainsi. Elle se leva, partit pour Silo et se présenta à la maison d’Ahias. Or Ahias ne pouvait plus voir ; il avait le regard fixe à cause de son grand âge » (1 Rois 14,1-4). Jéroboam connaît le prophète et sait qu'il est au courant de son idolâtrie. Il fait donc déguiser sa femme. Mais le prophète aveugle la reconnaît à la manière dont elle marchait : « Dès que le prophète Ahias entendit le bruit de ses pas dans l’entrée, il dit : "Entre, femme de Jéroboam. Pourquoi te fais-tu passer pour une étrangère ? J’ai pour toi un dur message. " » (14,6). La nouvelle est un immense signe de malédiction : « C’est pourquoi, voici que je fais venir le malheur sur la maison de Jéroboam… Celui qui mourra dans la ville, les chiens le mangeront ;celui qui mourra dans les champs, l’oiseau du ciel le mangera.” » (14,10-11). Et puis il ajoute une phrase, la plus terrible de toutes : « Quant à toi, debout ! Retourne dans ta maison. Au moment où tu entreras dans la ville, l’enfant mourra. » (14,12). « La femme de Jéroboam se leva ; elle partit et revint à Tirsa. Et comme elle arrivait au seuil de la maison, l’enfant mourut. » (14,17). L'enfant Abiya est mort. De temps en temps, la Bible a recours à la mort des enfants pour transmettre des messages aux parents et à nous. C'est son langage. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin sans nous arrêter un peu sous les croix de ces innocents, dans la Bible comme dans la vie.

Une femme déguisée par ordre de son mari, pour couvrir sa honte. Ici, ce n'est pas le roi qui se déguise, comme ce fut le cas avec Saül qui se rendit chez le nécromancien d'Endor (1 Sam 28), dans un autre épisode merveilleux. Le roi reste chez lui, demande à sa femme de se déguiser et l'envoie. Le texte ne nous parle pas des fautes de cette femme, mais dans ce récit tragique, c'est elle qui assume le rôle le plus dur. Elle se déguise pour cacher la honte de son mari - combien de fois le voyons-nous dans nos familles, ou dans nos entreprises, quand c'est une femme qui "se déguise", en raison d’une honte qui n'est pas la sienne, et va parler aux avocats, aux banquiers, aux juges, dans l’espoir de revenir avec une bonne nouvelle.

Cette femme, cette reine, ne dit pas un mot dans cette histoire écrite par des hommes et pour des hommes, où la mort d'un enfant est communiquée sans pitié aucune - comment, et avec quels mots, une prophétesse aurait-elle transmis cette même nouvelle ? Posons ces questions à la Bible, elle grandira avec nous. Une mère déguisée, envoyée chez un prophète, utilisée comme messagère, qui n'a ni le droit de parler ni celui d'exprimer ses émotions. Le texte ne s’intéresse pas à la manière dont cette femme a réagi à la mort de son enfant, il ne nous dit pas si elle a supplié le prophète de demander à son Dieu de changer d'avis - cette mère l'aura certainement fait, parce que les femmes le font tous les jours depuis des milliers d'années. Ce prophète, en revanche, se contente de dire : « Dis à Géroboam », comme si cette vie sacrifiée était l'affaire des hommes, sans la reconnaître en tant que mère en lui annonçant cette "mauvaise nouvelle". Il y a aussi ces aspects impitoyables dans la Bible, nous ne devons pas l'oublier.

Mais dans cette terrible histoire, la Bible « souligne » un détail concernant cette femme : ce sont ses pas. Dans les détails, il n'y a pas que le diable qui se cache. Comme mentionné dans la citation du début, Dieu se trouve aussi dans les détails de la Bible, ainsi que des bénédictions cachées, qui parfois rachètent des malédictions. Le prophète entendit le "bruit de ses pieds" ; quand "tes pieds atteindront la ville, l'enfant..." ; quand ils "franchiront" le seuil de la maison, l'enfant... Les moments décisifs de cette histoire sont marqués et rythmés par les pas de cette femme.

La Bible et les Évangiles sont peuplés de femmes qui marchent, se déplacent, et presque toujours "en hâte". Marie "se rendit en hâte" vers Élisabeth ; Marie de Béthanie va "en hâte" à la rencontre de Jésus pour lui parler de la mort de Lazare ; et "abandonnant rapidement le tombeau avec beaucoup de crainte et de joie, les femmes coururent faire l'annonce à ses disciples. " Elles marchent et courent ; elles aiment avec leurs mains et leurs pieds qu'elles connaissent parce qu'elles en prennent soin : "Marie était celle qui couvrit de parfum le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux". Ce genre d’agapè s'appelle Marie.

La foi et la piété continuent leur course dans le monde parce que des hommes et des femmes continuent à courir le long du chemin. Et dans cette course commune, les femmes, grâce à leurs pieds, courent différemment et davantage.

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La Prophétie est histoire/10 - L'équilibre ne coïncide pas toujours avec la vertu et les bénédictions se trouvent aussi dans les détails.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 04/08/2019

« La voix du Seigneur provoque la délivrance des biches et hâte la naissance de leurs petits. Dans son temple, tous disent : "Gloire à Dieu !" »

Psaume 29

Dans la bible, les questions difficiles et déplacées que les auteurs sacrés ont posé à l'histoire continuent à engendrer une lecture capable de ressusciter cette même histoire. C’est le cas dans le détail qui rachète la triste histoire d'un enfant qui meurt.

L'équilibre est souvent une vertu, mais, comme toutes les vertus, si on l’absolutise, il devient aussi un vice. Lors des crises éthiques et spirituelles, seuls des choix hors norme peuvent nous sauver. Il en fut ainsi pour Dietrich Bonhoeffer lorsqu'en février 1938, il choisit de se joindre au groupe de conspiration anti-nazi de l'amiral Canaris. Ses collègues théologiens plus mesurés ont trouvé mille raisons de prudence pour assister passivement à l'horreur et en sont devenus complices. Son comportement périlleux lui a permis, en prison, de produire la théologie peut-être la plus prophétique du XXe siècle. Et c’est aussi un autre comportement imprudent et déséquilibré qui est à l’origine du Golgotha et du tombeau vide.

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Le mouvement des pieds propre aux femmes

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La prophétie est histoire/9 - Les prophètes tentateurs parlent le même langage que les prophètes honnêtes

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 28/07/2019

« Quelqu'un m'a dit : "Tu ne t'es pas réveillé à ton réveil, mais dans un rêve antérieur. Ce rêve est à l'intérieur d'un autre, et ainsi infiniment. Le chemin que vous aurez à parcourir à reculons est sans fin et vous mourrez avant de vous réveiller vraiment. L'homme se confond peu à peu avec la forme de son destin. »

Jorge Luis Borges, L'écriture du dieu

On peut être de vrais prophètes même sans vertu, mais non sans obéissance à la tâche reçue. C'est l'un des sens de la parabole des deux prophètes des Livres des Rois. Un autre est que seuls les vrais prophètes peuvent s'égarer.

Dans la vie, les motivations comptent, parfois elles comptent beaucoup. Elles nous expliquent les trahisons, la fidélité et l'infidélité, elles en augmentent ou en réduisent les responsabilités. C'est vrai, nous le savons et nous en faisons l’expérience chaque jour sur notre peau et celle des autres. Mais lors de certains événements vraiment décisifs, les comportements comptent plus que leurs motivations. Je peux vous donner et me donner toutes les raisons pour lesquelles j'ai décidé ce jour-là d'écouter une voix qui m'a éloigné de vous, mais ce qui compte vraiment, c'est que j'ai quitté la maison et que je ne suis jamais revenu. Cette vérité anthropologique devient une vérité absolue lorsqu’il s’agit de vocations prophétiques. La parabole du prophète désobéissant et du prophète menteur en est une illustration magnifique.

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Nous voilà en présence d’un événement central dans l'histoire d'Israël. Le Royaume de David et Salomon est divisé, la terre promise est divisée en deux. Les tribus du Nord (Israël) se séparent de celle de Juda. Le Nord du pays suit un nouveau roi, Jéroboam, tandis que le Sud reste avec Roboam, fils de Salomon. Le début du schisme est marqué par l'action d'un prophète, nommé Semaya - les noms des prophètes doivent toujours être dits, car les prononcer est une bénédiction : « Alors, la parole de Dieu fut adressée à Shemaya, homme de Dieu : "Parle à Roboam, fils de Salomon, roi de Juda, à toute la Maison de Juda et de Benjamin, et au reste du peuple : Ainsi parle le Seigneur : ne montez pas, ne faites pas la guerre à vos frères, les fils d’Israël”… Alors ils écoutèrent la parole du Seigneur et ils s’en retournèrent selon la parole du Seigneur. » (1 Rois 12,22-24). Les prophètes continuent à sauver le peuple des fratricides. Et deux prophètes sont les protagonistes de l’un des textes les plus mystérieux de la Bible.

« Voici qu’un homme de Dieu vint de Juda à Béthel, par ordre du Seigneur. Jéroboam se tenait à l’autel et brûlait de l’encens. » (13,1). Un prophète ("un homme de Dieu") du Sud va "par ordre de YHWH" au Nord, pour transmettre à Jéroboam une parole de YHWH sur la destruction future de l'autel de Béthel (13,2) et pour accomplir un signe : « Ce jour-là, il annonça qu’il y aurait un signe. Il dit : "Voici le signe montrant que le Seigneur a parlé : l’autel va se fendre et la cendre qui est dessus se répandra" » (13, 3). Jéroboam lève la main et essaie de l'arrêter (13,4), mais sa main se dessèche. Le roi prie le prophète pour que sa main redevienne saine, et il l'obtient. Alors « Le roi s’adressa à l’homme de Dieu : “Viens avec moi à la maison pour te restaurer, et je t’offrirai un présent." » (13,7). Le prophète répond : « Même si tu m’offrais la moitié de ta maison, je n’entrerais pas chez toi, je ne mangerais pas de pain et je ne boirais pas d’eau en ce lieu. Car il m’a été ordonné par la parole du Seigneur : Tu ne mangeras pas de pain, tu ne boiras pas d’eau, et tu ne retourneras pas par le chemin que tu as pris pour venir. » (13,8-9). La première scène s’achève : le prophète rejette l'offre de cadeau (les dons venant des puissants sont toujours dangereux), et révèle l'ordre qu'il a reçu de YHWH. Et il obéit au "commandement".

Deuxième scène. « Or à Béthel demeurait un vieux prophète. Ses fils vinrent lui raconter tout ce qu’avait fait l’homme de Dieu à Béthel ce jour-là ». (13,11). Le vieux prophète de Béthel alla à la rencontre du prophète de Juda. Il lui dit : « Es-tu l’homme de Dieu venu de Juda ? » Il répondit : « C’est moi » (13,14). Le vieux prophète lui propose la même offrande que le roi : « Viens avec moi, dans ma maison, manger un morceau de pain. » (13,15). Et il reçoit la même réponse : « Je ne puis ni retourner avec toi, ni t’accompagner; je ne mangerai pas de pain et je ne boirai pas d’eau avec toi en ce lieu. Car il m’a été dit par ordre du Seigneur : Tu ne mangeras pas de pain, tu ne boiras pas d’eau là-bas, tu ne prendras pas au retour le chemin de l’aller. » (13, 16-17). Jusqu'à présent, l'histoire a sa propre logique : le prophète de Juda accomplit sa mission, fidèle à son commandement.

Mais voici le tournant narratif : « Il a dit : "Moi aussi, je suis prophète comme toi ; maintenant un ange m'a dit par ordre du Seigneur : qu'il revienne avec toi dans ta maison, afin que tu manges du pain et boive de l'eau". Et aussitôt le texte ajoute : "Il lui a menti". Mais le prophète de Juda revint avec lui, mangea du pain dans sa maison et but de l'eau » (13, 18-19). Le vieux prophète ment - dans la traduction araméenne de la Bible hébraïque (le Targum), le vieux prophète est constamment appelé "menteur". Nous ne connaissons pas le pourquoi de ce mensonge. Le prophète de Juda a cru en la parole du prophète de Béthel (13,19) et au nouvel "ordre", et il a donc désobéi au commandement reçu de Dieu. C’est cette action qui compte dans l'histoire.

Mais nous voici à un second tournant : « Or, tandis qu’ils étaient à table, une parole du Seigneur fut adressée au prophète qui l’avait fait revenir. Il interpella l’homme de Dieu venu de Juda : « Ainsi parle le Seigneur : Puisque tu as bravé l’ordre du Seigneur, que tu n’as pas gardé le commandement du Seigneur ton Dieu… ton cadavre n’entrera pas dans le tombeau de tes pères.» (13,20-22). Le prophète menteur reçoit un authentique signe de Dieu, qui condamne le prophète de Juda.

Et en effet, dès qu'il reprend son voyage, l'histoire subit son troisième rebondissement : « Celui-ci partit. Un lion le rencontra en chemin et le tua. Son cadavre gisait sur le chemin » (13,24). Sachant ce qui s'était passé, le prophète de Béthel dit : « C’est l’homme de Dieu qui a bravé l’ordre du Seigneur. Le Seigneur l’a livré au lion qui l’a broyé et l’a tué, conformément à la parole que le Seigneur lui avait dite » (13,26). Avec cette mort, le vieil homme comprend l'authenticité du prophète désobéissant et aussi de sa propre parole, également confirmée par le comportement contre nature de l'animal (« Le lion n’avait pas dévoré le cadavre, ni rompu l’échine de l’âne. » 13,28). Nous sommes en présence d’un autre passage biblique où les animaux deviennent des alliés de Dieu et parlent aux prophètes.

Soulignons l’importance de la conclusion qui contient la dernière surprise de l'histoire : « Le prophète releva le cadavre de l’homme de Dieu, le disposa sur l’âne et le ramena… Après l’avoir enseveli, il dit à ses fils : Quand je mourrai, vous m’ensevelirez dans le tombeau où est enseveli l’homme de Dieu. À côté de ses os, vous déposerez mes os. Car elle se réalisera, la parole qu’il a proférée par ordre du Seigneur contre l’autel de Béthel » (13,29-32). La mort du prophète et ses circonstances font comprendre au vieux prophète la vérité de la parole apportée par le prophète désobéissant. Le prophète meurt, son message, s'il est vrai, ne meurt pas.

Un récit splendide. La Bible ne cesse de nous offrir des cadeaux inattendus. Que signifie cette parabole ? Nous ne le savons pas avec certitude. Probablement, comme l'a déjà suggéré Karl Barth, ce récit qui se situe au début du schisme israélien révèle un message lié à ce grand traumatisme. On ne peut exclure que le prophète du Nord symbolise Israël, celui de Juda, le royaume du Sud, et que le lion soit l'image de Nabuchodonosor qui a "tué" la tribu de Juda sans la dévorer (mais en la déportant), et qui révèle la vérité de sa mission et de son message lorsqu'elle "meurt".

Mais ce récit peut aussi contenir une clé de lecture des vocations prophétiques, et donc de toute vocation. Le thème le plus fascinant concerne en fait l'obéissance à un appel, la fidélité à une mission. Dans toute la parabole prophétique, l'auteur ne s'intéresse pas aux motivations des personnages. Ce sont les actions qui comptent. Nous ne savons pas pourquoi le roi a invité le prophète chez lui, pourquoi le vieux prophète a menti, ni pourquoi le prophète de Juda a cru le mensonge. Et c'est précisément dans cette sobriété des faits que se cache le joyau de l'histoire.

C’est le comportement qui compte dans les vocations. Les vocations consistent essentiellement et exclusivement en l’appel d'une voix à laquelle une autre voix répond "me voici" (j'ai ajouté le mot "librement", puis je l'ai effacé : la liberté est trop petite pour comprendre une vocation, car celle-ci relève du plan de Dieu). Quand on a rencontré une voix qui nous a donné un "commandement", ce qui compte vraiment, c'est d'obéir à ce commandement. C'est tout ce que l’on a à faire, le reste - qui est là aussi - n'a pas d'importance. Et si je n’obéis pas, parce que je crois un ange ou parce qu'un vieux prophète me trompe et me séduit, ma vocation se gâte. Ce récit des deux prophètes dit encore autre chose : la vocation se dégrade, même si elle est vraie. La désobéissance est l'échec des vrais prophètes - les faux prophètes ne peuvent désobéir, car ils n'ont reçu aucune mission. Seuls les vrais prophètes s’égarent - cette parabole est parsemée de mots liés au chemin : aller, revenir, retourner, partir.

Nous faisons tout pour transformer les vocations en questions morales, et la Bible nous dit sans cesse qu'elles sont autre chose. Elles consistent à partir de Juda avec un message reçu comme un ordre, partir parce que quand une voix appelle on ne peut que partir ; annoncer le message, ne pas accepter les offrandes des puissants, pas même "la moitié de leur royaume", puis accorder une grande attention à la route, parce que toutes les routes ne sont pas bonnes. Et pendant que nous rentrons chez nous, n'écouter ni les prophètes ni les anges de Dieu s'ils nous disent de faire autre chose que la mission que nous avons reçue. Et c'est la tentation la plus forte, beaucoup plus que celle des offrandes des rois et des puissants, parce que les prophètes tentateurs parlent le même langage que les honnêtes. Ce vieux prophète n'était pas nécessairement un faux prophète. Il pouvait être simplement un prophète qui ment (même les vrais prophètes font des péchés et mentent). Ici la Bible n’entend pas nous parler des vertus du vieux prophète, mais nous raconter l'histoire de l'échec d'une véritable vocation prophétique - mais non de son message.

La mort du prophète est inscrite dans sa désobéissance. Cet homme de Dieu venu de Juda était déjà prophétiquement mort pour la Bible quand le lion l'a trouvé sur le mauvais chemin : ce lion a tué un prophète mort - et il n'y avait donc rien à dévorer, car les vocations ne sont pas une chair comestible. L'obéissance est la première vertu des prophètes, peut-être la seule vraiment nécessaire. Un prophète peut être mauvais, menteur, vicieux, mais il meurt s'il cesse d'obéir à son destin et à sa tâche. J'ai connu des prophètes qui, à la fin de leur vie, n'ont apporté avec eux que l'obéissance : tout s'était éteint, même l'agapè, et ils sont arrivés au ciel en apportant l'obéissance à la première voix entendue comme leur seule, magnifique, dot.

Les livres des Rois ne donnent pas de nom à ces deux prophètes. En revanche l'historien juif Flavius Josèphe en donne un à ce prophète raté qui est venu du Sud pour répondre à une voix : Jadon. Appelons-le par son nom une dernière fois, car même un prophète manqué peut être porteur d’une bénédiction.

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La prophétie est histoire/9 - Les prophètes tentateurs parlent le même langage que les prophètes honnêtes

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 28/07/2019

« Quelqu'un m'a dit : "Tu ne t'es pas réveillé à ton réveil, mais dans un rêve antérieur. Ce rêve est à l'intérieur d'un autre, et ainsi infiniment. Le chemin que vous aurez à parcourir à reculons est sans fin et vous mourrez avant de vous réveiller vraiment. L'homme se confond peu à peu avec la forme de son destin. »

Jorge Luis Borges, L'écriture du dieu

On peut être de vrais prophètes même sans vertu, mais non sans obéissance à la tâche reçue. C'est l'un des sens de la parabole des deux prophètes des Livres des Rois. Un autre est que seuls les vrais prophètes peuvent s'égarer.

Dans la vie, les motivations comptent, parfois elles comptent beaucoup. Elles nous expliquent les trahisons, la fidélité et l'infidélité, elles en augmentent ou en réduisent les responsabilités. C'est vrai, nous le savons et nous en faisons l’expérience chaque jour sur notre peau et celle des autres. Mais lors de certains événements vraiment décisifs, les comportements comptent plus que leurs motivations. Je peux vous donner et me donner toutes les raisons pour lesquelles j'ai décidé ce jour-là d'écouter une voix qui m'a éloigné de vous, mais ce qui compte vraiment, c'est que j'ai quitté la maison et que je ne suis jamais revenu. Cette vérité anthropologique devient une vérité absolue lorsqu’il s’agit de vocations prophétiques. La parabole du prophète désobéissant et du prophète menteur en est une illustration magnifique.

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La seule vertu nécessaire

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La Prophétie est histoire/8 - La corruption des sages est particulière et grande, à la dimension de la secrète perversion du bien.

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 21/07/2019

« Dans la vie des empereurs, il y a un moment qui suit l'orgueil de l'immensité des territoires que nous avons conquis : la mélancolie et le soulagement de savoir que bientôt nous renoncerons à les connaître et à les comprendre, une sensation de vide qui nous saisit un soir avec l'odeur des éléphants après la pluie et les cendres du bois de santal qui refroidissent dans les brasiers… C’est le moment désespéré où nous découvrons que cet empire, qui nous semblait récapituler toutes les merveilles, est une débâcle sans fin ni forme, que sa corruption est trop gangrénée pour que notre sceptre puisse y remédier. »

Italo Calvino, Les Villes invisibles, Introduction

L'histoire du déclin de Salomon contient l'un des enseignements anthropologiques les plus précieux de la Bible, et continue de nous inspirer même à travers son caractère dramatique : notre plus beau talent peut devenir la cause de notre perte.

La corruption des justes est différente de celle des méchants. Ceux-ci, pour de nombreuses raisons (pas toutes coupables) ont toujours vécu sous l’emprise du mal. Ils ont grandi le cœur infesté de mauvaises pensées et d’actions qui ont détruit les bons et vrais sentiments qu’abritent tous les cœurs humains. Ces êtres sont rares, mais ils ont toujours existé et existent encore. Leur corruption est très dangereuse et engendre beaucoup de maux et de souffrances. Mais il y a aussi la corruption des justes, et même des sages, qui est d'autant plus considérable et grave que leur droiture et leur sagesse étaient grandes. La Bible nous parle aussi de ce second type de corruption.

L'histoire du déclin moral de Salomon compte parmi les plus célèbres. Celle-ci fait suite, dans le récit, à la description de ses plus grandes réussites; mais en examinant le texte et la Bible entière, nous découvrons que la corruption morale du roi le plus sage avait déjà commencé avec l’expansion de son succès politique et de sa richesse : « En une seule année, le poids de l’or qui parvenait à Salomon était de six cent soixante-six lingots d’or… sans compter les péages des voyageurs, les transactions des commerçants… Car le roi avait sur la mer une flotte de navires de haut bord naviguant avec la flotte d’Hiram… Le roi Salomon devint le plus grand de tous les rois de la terre en richesse et en sagesse. » (1 Rois 10,14-23). Ici encore tout parle de richesse et de sagesse, comme si c’était les deux faces d'une même médaille, comme si le bien-être de Salomon (shalom) était l'effet de sa sagesse. Et en fait, dans la Bible, certains considèrent la richesse comme une bénédiction de Dieu, ce qui lie donc étroitement le succès économique et politique à la justice (voir le livre de Job). Mais dans cette même Bible la tradition prophétique et un courant théologique présent aussi dans l'école des scribes qui, pendant l'exil babylonien, ont écrit une bonne partie des Livres des Rois, considèrent l'accumulation des richesses et l’accroissement du pouvoir politique de manière beaucoup plus problématique.

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Si nous lisons entre les lignes du récit de la magnificence et de la grandeur de Salomon, un fort contraste apparaît entre la description de ce royaume et ce que la loi de Moïse, dans le Deutéronome, recommandait aux rois d'Israël : « Leur argent et leur or, qu’ils ne les multiplient pas à l’excès ! » (Dt 17,17). Les scribes qui ont décrit les richesses de Salomon étaient les mêmes que ceux qui écrivaient le livre du Deutéronome : celui-ci, s'inspirant de la loi mosaïque, la plus haute autorité, critiquait ces mêmes richesses. Ils connaissaient les textes d'Isaïe (chap. 23) et d'Ézéchiel (chap. 26-27) qui avaient condamné le grand commerce de Tyr (dont Hiram était roi), une ville commerciale devenue riche et puissante pour son commerce et ses finances. Nous ne devons jamais oublier que ces textes bibliques ont été écrits à Babylone, qui était aussi une superpuissance commerciale et financière, avec de grandes entreprises et de grandes banques. Ces prophètes et ces scribes ont pu constater de leurs propres yeux les effets de ces nombreuses richesses considérables: usure, dettes, esclavage pour insolvabilité. 

Ce n'est pas par hasard que, durant cet exil, le peuple juif a commencé à élaborer sa propre législation, sans égale, sur l'interdiction du prêt avec intérêts et sur le shabbat, symbole d’un temps libéré de la loi de la richesse et du pouvoir. L'interdiction du prêt avec intérêts et le shabbat ont vu le jour en exil pour dire non à une économie qui tue et exclut, et oui à une économie de vie et de communion. À Babylone, les prophètes et une école de scribes ont alors compris le caractère vain (vanitas) de la richesse et son pouvoir de dévoyer et corrompre tout le monde. Y compris celui qui, comme Salomon, avaient reçu de Dieu la richesse comme récompense pour n'avoir demandé que la sagesse (chap. 3). Ainsi, tandis que ces scribes nous décrivent la richesse éblouissante de Salomon, ils nous montrent aussi les termites invisibles qui sont déjà en train de miner les fondations de ce royaume et du temple même que cette grande richesse avait édifié.

Il ne faut pas se laisser distraire ni confondre par une lecture superficielle ou trop moderne de ce que nous lisons au début du chapitre 11 sur les raisons du déclin de Salomon : « Le roi Salomon aima de nombreuses femmes étrangères : outre la fille de Pharaon, des Moabites, des Ammonites, des Édomites, des Sidoniennes, des Hittites… Mais Salomon s’attacha à elles par amour. Il eut sept cents femmes de rang princier et trois cents concubines ; et ses femmes détournèrent son cœur. » (11,1-3). Ces nombreuses femmes étaient venues dans son harem et à sa cour à la suite d'alliances politiques, essentielles dans ces cultures, pour créer des empires solides et durables – récemment encore, les femmes étaient aussi les premiers leviers de la politique : et il convient toujours de s'attarder sur ces détails du texte, de ne pas perdre une miette de ces douleurs et de se laisser interpeller par elles. En arrivant chez Salomon, ces femmes avaient apporté leur culture et donc leur religion. Les alliances politiques convenues avec leur père et leur famille leurs permettaient (au moins celles issues des familles les plus puissantes) de pouvoir pratiquer à Jérusalem les cultes de leur patrie. On voit alors apparaître des autels aux dieux et déesses étrangers, dont Astarté, la déesse la plus importante du panthéon phénicien, et Moloch, dieu des Ammonites, à qui on sacrifiait aussi peut-être des enfants.

Nous ne savons pas si Salomon était vraiment un "philogynaios" (dans la version grecque de la Bible), c'est-à-dire un coureur de jupons ou un "passionné de femmes" dans le sens où l'était son père (pensez à l'effet sur David de Bethsabée en train de se baigner) et si la luxure a été une raison de sa décadence. Ce qui intéresse le plus les auteurs de ce récit, c'est la dimension religieuse de ce déclin : dans le monde biblique elle est beaucoup plus importante que la luxure et les alliances politiques.

Ce n'est pas par hasard, en effet, que le texte répète ici deux fois un mot clé dans l'histoire et la mission de Salomon : le cœur (leb). Au début de son règne, dans le merveilleux songe de sa vocation, le jeune Salomon avait demandé à YHWH seulement "un cœur qui sait écouter", la plus belle demande qu'un souverain ait jamais adressée à un Dieu. Ce cœur à l'écoute l'avait rendu sage, et de ce fait célèbre partout pour sa sagesse, et aussi riche et puissant. Mais c'est ce même cœur, centre de sa vocation, ce véritable talent, le plus précieux qu'il ait reçu de la vie et de Dieu, qui s'est peu à peu transformé au point de devenir malade et corrompu.

C’est là un grand message de l'anthropologie biblique. Quand pour une alliance politique ou le charme d'une belle femme on brise une alliance qui était au cœur de sa propre vocation, nous sommes au niveau des effets et non des causes. L'acte concret de trahison par lequel une alliance conjugale est rompue est l'effet de quelque chose qui avait déjà commencé dans le cœur quelque temps auparavant, quand, pour accroître richesse et/ou puissance, nous avons commencé à édifier dans notre âme d'autres autels, pour permettre à d’autres dieux d'entrer dans l'intimité d'une alliance exclusive. Si nous n’avions pas déjà fait entrer un autel dans notre maison, nous n’aurions eu aucun lieu où consommer la trahison.

Mais ce n'est pas tout. Ce qui corrompt l’adulte ou l’homme âgé, c'est souvent le grand don reçu au moment de leur jeunesse. Les grandes maladies morales et spirituelles sont toujours des affections auto-immunes. Les virus et les microbes qui viennent de l'extérieur et qui touchent l'âme y apportent des souffrances, des épreuves, des difficultés qui blessent et causent des dommages, mais ne sont pas capables de transformer un cœur de chair en un cœur de pierre. Ils agissent en surface, ils n'entrent pas dans la moelle épinière. Les alchimies du cœur ne proviennent pas de ce qui "entre" dans l'homme, mais de ce qui était déjà là et qui, jour après jour, a d’abord subi une lente transformation, puis une perversion. C'est notre plus beau talent qui devient le premier agent de notre corruption, c'est notre plus grande bénédiction qui devient notre malédiction. Comme il arrive dans les névroses, lorsque ce qui se dégrade n'est pas l'ombre, mais la lumière qui, une fois altérée, s'assombrit et nous plonge dans une nuit très obscure, et cela d’autant plus que la première lumière était intense.

Dans les vocations spirituelles, par exemple, c'est ce cœur d’exception qui, au cours des jeunes années, s’est rendu capable d’accueillir dans son infinie petitesse une présence infiniment grande : sa grande intimité avec Dieu avait réussi à comprendre la voix ineffable et subtile du silence. Et voilà qu’un jour, - graduellement et presque jamais sans l’avoir décidé par un acte intentionnel - ce cœur utilise cette même capacité d'infini et cette excellence spirituelle pour entendre d'autres voix et d’autres silences, pour bâtir d'autres autels, peut-être pour aimer et respecter de nouvelles relations rencontrées sur le chemin.

Les grandes hérésies et les grands schismes, dans les communautés, viennent de personnes porteuses d’une grande vocation : les plus grands détracteurs de Dieu sont ceux qui l'ont connu et vu de très près, car seuls les grands amants sont capables d’une grande haine. Le traître ne vient pas de l'extérieur, c’est l'un des douze, et nous ne savons pas si Judas était l'un des plus brillants et des plus doués du groupe (peut-être que oui, ne serait-ce que parce qu’il tenait les comptes).

YHWH avait parlé « deux fois » (11,9) à Salomon, mais cette insistance même n'était pas suffisante pour éviter la trahison. Elle ne fut pas non plus suffisante parce que Salomon n'avait pas identifié le moment précis où avait débuté sa corruption, encore moins celui où il avait franchi le seuil critique qui rendit ce processus irréversible. C'est souvent le cas. Le vrai drame inhérent au déclin de toute vocation authentique, c’est de ne pas pouvoir reconnaître le moment où se déclenche la dégénérescence du cœur. Si Salomon n'avait eu qu'une seule véritable épouse au lieu de sept cents, celle-ci aurait peut-être pu détecter, dans les yeux ou dans l’âme du roi, ces premiers signes imperceptibles, et peut-être l'aurait-elle sauvé.

Nous-mêmes ne savons pas reconnaître l’aube du déclin, nous la confondons souvent avec la lumière de midi. La voix nous avait parlé deux fois, peut-être dix ou cent fois, et nous lui avions vraiment fait confiance. Mais un jour quelque chose s'est produit, notre cœur a commencé à écouter les conseils et les personnes qu’il ne fallait pas, sans le vouloir ni le savoir. Peut-être ne pouvait-il en être qu’ainsi. Et si Dieu était vraiment plus grand que notre cœur ?

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La Prophétie est histoire/8 - La corruption des sages est particulière et grande, à la dimension de la secrète perversion du bien.

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 21/07/2019

« Dans la vie des empereurs, il y a un moment qui suit l'orgueil de l'immensité des territoires que nous avons conquis : la mélancolie et le soulagement de savoir que bientôt nous renoncerons à les connaître et à les comprendre, une sensation de vide qui nous saisit un soir avec l'odeur des éléphants après la pluie et les cendres du bois de santal qui refroidissent dans les brasiers… C’est le moment désespéré où nous découvrons que cet empire, qui nous semblait récapituler toutes les merveilles, est une débâcle sans fin ni forme, que sa corruption est trop gangrénée pour que notre sceptre puisse y remédier. »

Italo Calvino, Les Villes invisibles, Introduction

L'histoire du déclin de Salomon contient l'un des enseignements anthropologiques les plus précieux de la Bible, et continue de nous inspirer même à travers son caractère dramatique : notre plus beau talent peut devenir la cause de notre perte.

La corruption des justes est différente de celle des méchants. Ceux-ci, pour de nombreuses raisons (pas toutes coupables) ont toujours vécu sous l’emprise du mal. Ils ont grandi le cœur infesté de mauvaises pensées et d’actions qui ont détruit les bons et vrais sentiments qu’abritent tous les cœurs humains. Ces êtres sont rares, mais ils ont toujours existé et existent encore. Leur corruption est très dangereuse et engendre beaucoup de maux et de souffrances. Mais il y a aussi la corruption des justes, et même des sages, qui est d'autant plus considérable et grave que leur droiture et leur sagesse étaient grandes. La Bible nous parle aussi de ce second type de corruption.

L'histoire du déclin moral de Salomon compte parmi les plus célèbres. Celle-ci fait suite, dans le récit, à la description de ses plus grandes réussites; mais en examinant le texte et la Bible entière, nous découvrons que la corruption morale du roi le plus sage avait déjà commencé avec l’expansion de son succès politique et de sa richesse : « En une seule année, le poids de l’or qui parvenait à Salomon était de six cent soixante-six lingots d’or… sans compter les péages des voyageurs, les transactions des commerçants… Car le roi avait sur la mer une flotte de navires de haut bord naviguant avec la flotte d’Hiram… Le roi Salomon devint le plus grand de tous les rois de la terre en richesse et en sagesse. » (1 Rois 10,14-23). Ici encore tout parle de richesse et de sagesse, comme si c’était les deux faces d'une même médaille, comme si le bien-être de Salomon (shalom) était l'effet de sa sagesse. Et en fait, dans la Bible, certains considèrent la richesse comme une bénédiction de Dieu, ce qui lie donc étroitement le succès économique et politique à la justice (voir le livre de Job). Mais dans cette même Bible la tradition prophétique et un courant théologique présent aussi dans l'école des scribes qui, pendant l'exil babylonien, ont écrit une bonne partie des Livres des Rois, considèrent l'accumulation des richesses et l’accroissement du pouvoir politique de manière beaucoup plus problématique.

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L’écoute trompeuse de notre cœur

L’écoute trompeuse de notre cœur

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La prophétie est histoire/7 - Le monde regorge de femmes en chemin, qui savent voir et comprendre.

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 14/07/2019

« Quand Adam sent qu’il va mourir, il envoie son fils Seth au paradis terrestre. Seth reçoit trois rameaux de l'Arbre de Vie. Ces rameaux poussent sur un arbre merveilleux qui résiste à l'épreuve du temps jusqu'à Salomon. Mis de côté, il finit sur le pont de la rivière du Cédron, où a lieu la rencontre entre Salomon et la reine de Saba. La reine prédit qu’un jour le Messie sera crucifié sur ce bois au Golgotha. »

Iacopo da Varazze (Jacques de Voragine), La Légende Dorée

La visite de la reine de Saba nous révèle la signification du don et de la relation que les femmes ont avec la sagesse.

Si nous examinons attentivement notre économie globalisée, nous découvrons que les marchés et les entreprises sont loin d’être étrangers aux cadeaux et à la gratuité. Tout simplement parce que l'économie est un morceau de vie, et là où il y a de la vie, il y a aussi le don, toujours mêlé à d'autres langages. Nous ne le voyons pas, nous ne savons pas comment le dire, mais le don vit et nourrit notre vie et notre économie, chaque jour. Il accompagne notre vie quotidienne, avec sa beauté et ses ambivalences caractéristiques, qui émergent aussi dans la vie de Salomon qui n’a pas manqué d’échanges commerciaux ni de nombreux cadeaux : « Au terme des vingt années pendant lesquelles Salomon avait bâti les deux Maisons, la maison du Seigneur et la maison du roi, Hiram, le roi de Tyr, ayant fourni à Salomon du bois de cèdre et de cyprès, et de l’or selon son bon plaisir, le roi Salomon lui donna vingt villes au pays de Galilée. » (1 Rois 9, 10-11). Le texte nous avait déjà dit que Salomon était entré en contact avec Hiram pour construire le temple et que celui-ci lui avait fourni tout le matériel spécial dont il avait besoin pendant les nombreuses années de travaux. Une œuvre aussi grande, aussi longue et aussi complexe ne permettait pas de prévoir tous les coûts, tous les imprévus et accidents : elle exigeait (et exige toujours) une relation spéciale avec le fournisseur principal, qui, dans le langage biblique est appelée "l'alliance" (5,26).

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Dans toute alliance - commerciale, matrimoniale, politique, et même militaire - les éléments et les conditions d'échanges proprement commerciaux (prix, poids, mesures) sont accompagnés d'autres registres relationnels, et parmi ceux-ci aussi on trouve ceux du don. Les choix linguistiques de l'auteur révèlent cette imbrication, lorsqu'il nous montre une relation entre Hiram et Salomon clairement marquée par le champ lexical du commerce et en même temps ponctué de mots appartenant à celui du don ("donner", "offrir"). Les contrats sont trop fragiles pour reposer sur nos alliances. Il faut un accord (fides), qui ne peut naître qu'en tissant les fils des contrats avec ceux du don - et vice versa : la gratuité seule ne suffit pas à maintenir nos alliances en vie.

Avec les cadeaux, surviennent ponctuellement leurs habituelles ambivalences : « Hiram sortit de Tyr pour aller voir les villes que Salomon lui avait données. Mais elles ne plurent pas à ses yeux. Il s’exclama :"Quelles villes m’as-tu données là, mon frère ! » (9,12-13). Salomon, dans l'échange avec Hiram, lui avait promis quelques villes en contre partie, mais, évidemment, le contrat n'était ni complet, ni l'information parfaite. Hiram n'aimait pas ce cadeau. Il proteste, mais Salomon ne répond pas. L'épisode se termine par la déception de Hiram, sans réponse de la part de Salomon, pour nous dire, peut-être, que tous les malentendus n'ont pas une fin heureuse, pas même au cours de la construction du plus beau temple. La deuxième partie de ce chapitre continue à révéler la signification du don (et bien plus encore), à travers l’un des épisodes les plus célèbres de la Bible : la visite de la reine de Saba. Cette histoire a donné lieu à de nombreuses légendes qui ont traversé tout le Moyen Âge européen et arabe : « La reine de Saba avait entendu parler de la renommée de Salomon, qui faisait honneur au nom du Seigneur. Elle vint donc pour le mettre à l’épreuve en lui proposant des énigmes. Elle arriva à Jérusalem avec une escorte imposante : des chameaux chargés d’aromates et d’une énorme quantité d’or et de pierres précieuses. Quand elle fut parvenue auprès de Salomon, elle lui exposa les questions qu’elle avait préparées, mais Salomon trouva réponse à tout et ne fut arrêté par aucune difficulté. » (10,1-3).

Une femme, une reine, étrangère et païenne, va chez Salomon à la recherche de la sagesse - dans le monde antique résoudre des énigmes était synonyme de sagesse. Autant d’ingrédients susceptibles d’éveiller, chez cet homme de l’Antiquité, charme et suspicion. Est-ce une reine ou une "sorcière" (dans le Testament de Salomon) ? Une femme au pied recouvert de poil de chèvre ou une sage ? Une Sibylle ou bien une amante de Salomon avec qui elle a eu un fils (Menelik), le fondateur des Éthiopiens (dans le Kebra Nagast) ? Diverses traditions ont comblé les lacunes du récit : le nom, le pays, ce qui s’était passé avant, pendant et après la rencontre avec Salomon. Beaucoup de ces noms ont été imaginés : Machedà, Lilith, Upupa, Nicaula, Bilqis. Une figure célébrée également dans l'Islam, qui apparaît dans le Coran (sourate 27) et dans de nombreux récits musulmans, dans les midrash juifs. Reine de Saba : peut-être l'Éthiopie, peut-être le Yémen, peut-être était-elle "la reine d'Éthiopie et d'Égypte" (Flavius Josèphe). Probablement de peau sombre, comme le montrent quelques peintures médiévales (Nicolas de Verdun, 1181). Il y a une ligne qui, en passant par le Cantique des Cantiques ("Je suis noire mais belle" : 1, 5), unit la Reine de Saba à la tradition de la Vierge Noire de Monserrat, Czestochowa ou Einsiedeln. La Bible ne nous parle que d'une femme étrangère et sans nom qui se rend chez Salomon pour recevoir la sagesse et lui offre de somptueux présents. Voilà qui met en valeur le regard fondamentalement positif que la bible porte sur la femme : ici c’est une reine, amoureuse et assoiffée de sagesse, généreuse et dispensatrice de dons. Elle quitte son pays parce qu'elle est attirée par la sagesse, par une autre sagesse venant d'un autre Dieu, mais qui est aussi la sagesse de tous – ici se manifeste encore l'âme universelle de la Bible : si elle est vraie, la sagesse doit être destinée à tous les hommes. Elle se met en route pour la connaître, et donc pour la rencontrer en personne. Écouter des histoires ou lire un papyrus ne suffisait pas, car la sagesse se révèle dans les rencontres personnelles, à travers des dialogues de cœur à cœur. Avec cette femme étrangère venue de loin pour honorer et rencontrer un roi rempli de sagesse (au Moyen Âge, certains commentateurs virent aussi en elle l'image et l'annonce des Rois Mages), Salomon trouva une entente particulière - "il n'y avait pas de mot à ce point mystérieux que le roi ne pût l'expliquer". Les livres des Rois ne relatent aucune autre entente aussi profonde à propos d’aucun autre homme, ni d’aucun roi ni prophète.

Les femmes sont capables de cette intimité particulière avec la sagesse - qui reste généralement mystérieuse pour beaucoup d'hommes qui, au Moyen Âge, voulurent remplacer cette intimité sapientielle par une intimité romantique et érotique. L'histoire de la spiritualité et de la mystique féminine nous parle au contraire de nombreuses femmes semblables à la reine de Saba, capables de faire un long voyage (qui coïncide parfois avec la vie) seulement parce qu'elles sont attirées par la sagesse, séduites uniquement par le charme infini d’un dialogue en tête à tête avec elle, pour rencontrer un roi différent, pour être avec lui, et lui confier "ce qu'elles ont dans leur cœur". Aujourd'hui encore, les monastères et les couvents, mais parfois aussi les familles et les maisons, sont pleins de femmes capables de partir à la recherche de cette sagesse et de ces dialogues. Nous ne nous en rendons pas compte, nous ne le comprenons pas, parfois nous les humilions et les offensons, mais elles continuent à partir à la rencontre, à dialoguer. « Lorsque la reine de Saba vit toute la sagesse de Salomon, le palais qu’il avait construit, les plats servis à sa table, le logement de ses officiers, la tenue du service et l’habillement des serviteurs, ses sommeliers, les holocaustes qu’il offrait à la maison du Seigneur, elle en eut le souffle coupé » (10,4-5).

La description de ce qui a frappé cette reine mérite attention. Au-delà de la sagesse, elle vit « les plats servis à sa table, le logement de ses officiers, la tenue du service et l’habillement des serviteurs ». La façon de s'asseoir, de servir et la tenue des serviteurs : c'est la première fois que dans les livres historiques de la Bible nous trouvons mentionnés de tels détails, il a fallu une femme pour nous les faire voir. De fines observations, que les chefs d'État en visite ne voient généralement pas, et ils se trompent ; car ces détails, qui n'échappent pas au regard de nombreuses femmes, manifestent la sagesse d'une communauté. Les récits des voyages des femmes sont différents. Hier et aujourd'hui - et demain aussi, espérons-le.

«… Elle dit au roi : « Ce que j’ai entendu dire dans mon pays sur toi et sur ta sagesse, c’était donc vrai ! Je ne voulais pas croire ce qu’on disait, avant de venir et de voir de mes yeux ; mais voilà qu’on ne m’en avait pas appris la moitié ! Tu surpasses en sagesse et en magnificence la renommée qui était venue jusqu’à moi. Heureux tes gens, heureux tes serviteurs que voici, eux qui se tiennent continuellement devant toi et qui entendent ta sagesse! » (10,6-8).

Même les femmes ont leur propre façon de "toucher pour croire", et en touchant elles voient deux fois plus ("....même pas la moitié"). Mais ce n'est pas le toucher de Thomas. Leur foi n'a pas besoin de toucher pour croire (le récit évangélique est typiquement masculin) ; les femmes qui n'étaient pas présentes dans la maison quand le Ressuscité est apparu n'avaient pas besoin de mettre leur doigt sur la blessure pour croire. Les femmes n'ont pas besoin de toucher les blessures pour croire, elles savent croire même sans toucher ni voir. Mais la sagesse, elles doivent la toucher du doigt, elles doivent la rencontrer. Le ouï-dire ne suffit pas. Elles ont besoin d'aller, de voir, d'écouter, de parler, de s’entendre appelées par leur nom : "Marie", pour répondre ensuite : "Rabbuni" ; elles savent comment connaître et reconnaître ces noms qui s’interpellent. La conclusion de cette merveilleuse visite est très belle : « Elle fit présent au roi de cent vingt lingots d’or, d’une grande quantité d’aromates et de pierres précieuses ; il n’est plus jamais venu une quantité d’aromates pareille à celle que la reine de Saba avait donnée au roi Salomon.» (10,10). Cette reine est arrivée avec beaucoup de cadeaux, des cadeaux excessifs. Et elle est repartie avec tout autant de présents : «Le roi Salomon offrit à la reine de Saba tout ce qui répondait à ses désirs, en plus des présents qu’il lui faisait avec une munificence digne du roi Salomon. » (10,10). (10,13).

Il n'y a pas d'autre langage face à la sagesse. La sagesse naît et ne s'épanouit que dans la convergence de dons excessifs et démesurés. Quand nous rencontrons la sagesse, soit nous donnons trop, soit nous ne donnons pas assez - c'est pourquoi beaucoup, quand ils découvrent la sagesse, ne peuvent que lui donner toute leur vie. Après le départ de Machedà-Lilith-Upupupa-Nicaula-Bilqis, ces parfums et ces arômes n'arrivèrent plus à Salomon. Mais nous pouvons retrouver leur senteur à travers ceux qu'une autre femme a versés, comme un cadeau excessif et superflu, sur les pieds d'un autre Roi ; ou ceux que d'autres femmes ont utilisés pour embaumer son corps crucifié; ou cette huile qu'un homme en route pour Jéricho a utilisée pour soulager un autre homme. Qui sait combien de reines de Saba voyagent maintenant à travers les déserts et les mers, chargées d'autres présents et d'autres parfums, pour nous ? Mais la sagesse de Salomon n'est pas là pour les recevoir.

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La prophétie est histoire/7 - Le monde regorge de femmes en chemin, qui savent voir et comprendre.

Par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 14/07/2019

« Quand Adam sent qu’il va mourir, il envoie son fils Seth au paradis terrestre. Seth reçoit trois rameaux de l'Arbre de Vie. Ces rameaux poussent sur un arbre merveilleux qui résiste à l'épreuve du temps jusqu'à Salomon. Mis de côté, il finit sur le pont de la rivière du Cédron, où a lieu la rencontre entre Salomon et la reine de Saba. La reine prédit qu’un jour le Messie sera crucifié sur ce bois au Golgotha. »

Iacopo da Varazze (Jacques de Voragine), La Légende Dorée

La visite de la reine de Saba nous révèle la signification du don et de la relation que les femmes ont avec la sagesse.

Si nous examinons attentivement notre économie globalisée, nous découvrons que les marchés et les entreprises sont loin d’être étrangers aux cadeaux et à la gratuité. Tout simplement parce que l'économie est un morceau de vie, et là où il y a de la vie, il y a aussi le don, toujours mêlé à d'autres langages. Nous ne le voyons pas, nous ne savons pas comment le dire, mais le don vit et nourrit notre vie et notre économie, chaque jour. Il accompagne notre vie quotidienne, avec sa beauté et ses ambivalences caractéristiques, qui émergent aussi dans la vie de Salomon qui n’a pas manqué d’échanges commerciaux ni de nombreux cadeaux : « Au terme des vingt années pendant lesquelles Salomon avait bâti les deux Maisons, la maison du Seigneur et la maison du roi, Hiram, le roi de Tyr, ayant fourni à Salomon du bois de cèdre et de cyprès, et de l’or selon son bon plaisir, le roi Salomon lui donna vingt villes au pays de Galilée. » (1 Rois 9, 10-11). Le texte nous avait déjà dit que Salomon était entré en contact avec Hiram pour construire le temple et que celui-ci lui avait fourni tout le matériel spécial dont il avait besoin pendant les nombreuses années de travaux. Une œuvre aussi grande, aussi longue et aussi complexe ne permettait pas de prévoir tous les coûts, tous les imprévus et accidents : elle exigeait (et exige toujours) une relation spéciale avec le fournisseur principal, qui, dans le langage biblique est appelée "l'alliance" (5,26).

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La Sagesse se laisse toucher du doigt

La Sagesse se laisse toucher du doigt

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La Prophétie est histoire/6 - La Bible nous dit et nous répète que le vrai Dieu est le Dieu de tous. Et le Christ aussi.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 07/07/2019

"Job n'accepterait pas de sacrifier facilement son fils, parce qu'il ne voudrait plus échanger ses convictions religieuses contre une soumission aux ordres et aux lois."

Ernst Bloch, L'athéisme dans le christianisme

Salomon achève la construction de son temple, et nous dit aussitôt que la demeure de Dieu n'est pas le temple. C'est cette chasteté religieuse qui différencie la foi de l'idolâtrie.

La tentation de tous les bâtisseurs de temples est le désir d’enfermer Dieu dans la demeure qu'ils lui ont construite. Parce que, dans le domaine religieux, toute théorie et toute pratique courent le risque de transformer la divinité en un bien de consommation. La Bible nous rappelle que la présence de Dieu dans les temples et sur la terre est une présence absente, dans laquelle peut se dérouler l'humble exercice de la foi. Le sacré biblique est un sacré partiel, le temple est un lieu religieux imparfait. Cette nécessaire "chasteté religieuse", qui nous laisse toujours dans le manque et assoiffés du "Dieu qui n’est pas encore", tout en éprouvant une certaine réalité imparfaite de sa présence, a été jalousement gardée et prisée par la Bible ; jusqu’au jour où elle permit aux juifs de vivre leur foi malgré la destruction du temple. Cette pauvreté qui les obligeait à rester dans un temple moins lumineux que ceux des autres peuples, a produit la richesse d'une religion libérée de son lieu sacré et donc rendue possible même au cours des exils. Seules les idoles sont assez petites pour être contenues dans leurs sanctuaires. Le Dieu biblique est le Très Haut parce qu'Il est infiniment plus haut que le toit de chaque temple que nous pouvons lui construire.

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La dédicace du temple a lieu pendant une grande assemblée de tout Israël. La liturgie commence par le transport jusqu'au temple de l'arche de l'alliance, en la retirant de la tente où David l'avait déposée : « Le roi Salomon et, avec lui, toute la communauté d’Israël qu’il avait convoquée auprès de lui devant l’Arche offrirent en sacrifice des moutons et des bœufs : il y en avait un si grand nombre qu’on ne pouvait ni le compter ni l’évaluer. » (1R 8,5). L'arche de l'alliance (qui, comme le texte le rappelle, contenait "seulement" les Tables de la Loi de Moïse) est le sacrement du temps nomade de l'exode et du Sinaï, elle est le lien entre passé, présent et futur. Un autre fil d'or qui relie le nouveau temple à l’histoire ancienne d'Israël est la présence de la nuée : « Quand les prêtres sortirent du sanctuaire, la nuée remplit la maison du Seigneur, et, à cause d’elle, les prêtres durent interrompre le service divin : la gloire du Seigneur remplissait la maison du Seigneur ! » (8,10-11). La nuée, en effet, avait déjà rempli la "tente de la rencontre" lorsque Moïse eut achevé sa construction : « La nuée couvrit la tente de la Rencontre, et la gloire du Seigneur remplit la Demeure. » Mais plus encore : « Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente de la Rencontre, car la nuée y demeurait et la gloire du Seigneur remplissait la Demeure » (Exode 40,34-35).

Le temple commence sa vie publique sous le signe d’une ambivalence radicale. Il est la nouvelle tente de la Rencontre, la nouvelle demeure de l'Arche et des Tables de la Loi, la maison qui garde les racines et l'Alliance. En même temps, la nuée obscure dit que le temple abrite une présence qui, tout en étant vraie, est moins vraie que l'absence du Dieu, qui est le seigneur du temple, parce qu'il n'est pas obligé d'y vivre. La nuée est symbole de la présence de la "gloire de YHWH" et de l'obscurité de notre capacité à le voir et à le comprendre. C'est ainsi que Salomon, dans ce verset qui est peut-être le plus beau et dont le sens est peut-être le plus profond de ce grand chapitre, peut (et doit) s'exclamer : « Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! » (8,27). Ainsi Salomon, le jour même de la consécration du temple, son chef-d'œuvre religieux et politique, répète à plusieurs reprises que la véritable "demeure" de Dieu n'est pas son merveilleux temple. C'est cette capacité d'auto-subversion permanente qui rend la Bible vivante et capable de toujours nous surprendre.

Un autre moyen narratif et théologique auquel recourt le texte biblique pour exprimer cette absence-présence de Dieu est la distinction entre YHWH et son nom. Le nom dans la Bible recouvre beaucoup de réalités, et toutes sont importantes (la Bible est aussi une histoire de noms donnés et changés, dits et gardés secrets). YHWH, le nom que Dieu révèle à Moïse sur le Sinaï, est une révélation parce qu'il révèle et recouvre immédiatement (re-voile). C'est un nom qui en même temps n’en n’est pas un ("Je suis qui je suis"), qui ne se laisse pas manipuler ni prononcer, si ce n’est dans le temple, en des circonstances particulières. Le nom remplit alors la même fonction que la nuée : il dévoile et recouvre, il dit et se tait, éclaire et obscurcit. Chaque fois qu'un Juif entrait dans le temple, il devait revivre quelque chose de la rencontre de Moïse avec le buisson ardent : dialoguer avec quelqu'un qui brûle sans se consumer, qui parle sans être là : « Que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette Maison, sur ce lieu dont tu as dit : “C’est ici que sera mon nom.” Écoute donc la prière que ton serviteur fera en ce lieu ! » (8,29). Dans le temple il y a le nom de Dieu pour nous rappeler que le Dieu qui porte ce nom n'est pas là, parce que s'il y était, il ne serait pas Dieu. Si donc le temple ne contient pas Dieu, mais seulement Son nom, il est alors possible de prier et de rencontrer YHWH partout.

La foi biblique a tout fait pour sauvegarder la co-essentialité de la présence et de l'absence de Dieu. Toutes les déviations idolâtres qu'elle a connues au cours de sa longue histoire ont résulté de sa sortie de la nuée du temple et de l'illusion que le nom de YHWH était YHWH lui-même. Quand la nuée du mystère se dissipe et disparaît, nous pouvons enfin voir les dieux sous un jour très clair précisément parce qu'ils sont devenus des idoles. En voyant hors de la nuée on découvre quelque chose de différent - quelque chose qui nous plaît beaucoup, mais qui n’est pas Dieu. Tant que nous parvenons à rester en manque, en présence d’une nuée qui enveloppe le mystère et d’un nom qui tout à la fois dévoile et voile, nous pouvons espérer qu'au-delà de cette nuée et de ce nom il puisse y avoir une présence vivante ; quand au contraire, pour y voir plus clair, nous n'acceptons plus cette pauvreté d’esprit, quand nous chassons la nuée et voulons voir Dieu face à face, quand en prononçant le nom de Dieu nous pensons le connaître parfaitement, là s’arrête la foi biblique et commence l'idolâtrie.

La foi vit dans l'espace qui se crée entre notre expérience subjective et sincère de Dieu, et la réalité de Dieu en Lui-même: quand cet espace se resserre, celui de la foi aussi s’en trouve amoindri ; quand il s’annule, c’est la foi qui s’annule. La prononciation du nom de Dieu nous sauve tant que nous avons une conscience aigue qu'entre ce nom et Dieu il y a une nuée de mystère qui ne réduit pas la foi mais la rend très humaine et vraie. Sous le soleil, la seule expérience de Dieu que nous pouvons faire se situe à l'intérieur d'une nuée consistante, et le nom auquel Dieu répond est un non-nom qui parvient à l'appeler et à le réveiller tant qu’il sait qu'il l'appelle avec un nom imparfait et impartial et donc vrai. Et puis si, comme le dit l'Apocalypse, «son nom sera sur leur front.» (22,4), alors le nom de Dieu c’est l’autre qui nous le révèle quand il nous regarde en face - et nous le lui révélons.

Dans cet horizon fait de lumière et d'ombre, de proximité et de distance, nous pouvons entrer dans la grande prière de Salomon à l’intérieur du temple. C'est une prière solennelle qui embrasse toute l'histoire du salut, depuis l'Égypte jusqu'à la destruction du temple de Jérusalem et l'Exil, et peut-être au-delà. C'est un chant individuel et collectif ; un chant d'action de grâce, de mémoire et de supplication où sont serties quelques perles authentiques, entièrement centré sur l'expérience de l'Exil : « Si, au pays où ils auront été emmenés captifs, ils rentrent en eux-mêmes, s’ils se repentent, s’ils élèvent vers toi leur supplication dans le pays de ceux qui les ont faits prisonniers, en disant : “Nous avons péché, nous avons commis une faute, nous avons fait ce qui est mal” ; s’ils reviennent à toi de tout leur cœur et de toute leur âme, au pays de leurs ennemis qui les auront emmenés captifs… Toi, dans les cieux où tu habites, écoute leur prière et leur supplication, et rends-leur justice. » (8,47-49).

Elle est merveilleuse cette prière dite par Salomon et écrite par des scribes déportés à Babylone qui en retenaient une leçon essentielle : en exil on se sauve en "rentrant en soi-même" et "en retournant vers toi [Dieu]". Ces deux mouvements fondamentaux, beaucoup plus radicaux et décisifs que le "retour au pays", caractérisent les exils. Car sans le « Je me lèverai et j'irai vers mon père » (Lc 15,18), aucun retour n'est salutaire : dans la Bible comme dans la vie, il ne suffit pas de rentrer chez soi pour mettre fin aux exils, comme nous l'a dit aussi le Troisième Isaïe.

L'expérience de l'exil inspire aussi l'autre splendide prière de Salomon pour l'étranger : « Si donc, à cause de ton nom, un étranger, qui n’est pas de ton peuple Israël, vient d’un pays lointain… prier dans cette Maison, Toi, dans les cieux où tu habites, écoute-le. Exauce toutes les demandes de l’étranger. » (8,41-43). Si la demeure de Dieu est "le ciel" (refrain constant), alors sous le soleil tout homme peut le prier, parce que ce Dieu n'est plus emprisonné dans les frontières nationales et son royaume est la terre entière. Ce sont ces passages inspirés d'une dimension religieuse universelle et inclusive, écrits par un peuple qui reconstruisait autour de son Dieu différent son identité nationale mortellement blessée, qui font que la Bible se différencie d'un livre qui raconte les événements historiques et théologiques d'un peuple parmi d’autres. Ces phrases, ces prières, auraient pu et dû ne pas figurer dans ces livres historiques ; mais elles s’y trouvent, et sont là comme des "fleurs du mal" engendrées le long des rivières de Babylone. Seul un peuple qui avait connu l'humiliation de se sentir étranger dans un grand empire aux dieux prestigieux a pu comprendre que s'il y a un vrai Dieu et si la terre n'est pas seulement peuplée d'idoles, alors celui-ci doit écouter la prière de chaque personne ; car si mon Dieu n'écoute pas l'étranger, il n'a même plus d'oreilles capables de m'écouter, étant simplement une idole parmi d’autres, qui sait bien comment œuvrer dans le seul espace de sa fausse enceinte sacrée. La foi biblique des exilés a compris que son Dieu était différent parce qu'il devenait le Dieu de tous.

L'humanisme biblique et le christianisme nous ont dit et répété que s'il y a un vrai Dieu, ce doit être le Dieu de tous. Nous le savions, mais nous l'avons vraiment compris pendant les guerres, les déportations, les camps de prisonniers, auprès des soldats "ennemis" cachés dans nos maisons, quand nous avons pu lire, dans une immense douleur, le "nom de Dieu" sur le front de ceux qui frappaient à notre porte, de ceux qui arrivaient à nos frontières et dans nos ports. Nos grands-parents et nos parents l'avaient appris, et sur cette leçon de chair et de sang ils ont construit et reconstruit l'Europe. Nous l'avons oublié. Mais peut-être qu’au cours de la traversée du long exil de notre humanité, nous pouvons encore apprendre ce Nom.

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La Prophétie est histoire/6 - La Bible nous dit et nous répète que le vrai Dieu est le Dieu de tous. Et le Christ aussi.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 07/07/2019

"Job n'accepterait pas de sacrifier facilement son fils, parce qu'il ne voudrait plus échanger ses convictions religieuses contre une soumission aux ordres et aux lois."

Ernst Bloch, L'athéisme dans le christianisme

Salomon achève la construction de son temple, et nous dit aussitôt que la demeure de Dieu n'est pas le temple. C'est cette chasteté religieuse qui différencie la foi de l'idolâtrie.

La tentation de tous les bâtisseurs de temples est le désir d’enfermer Dieu dans la demeure qu'ils lui ont construite. Parce que, dans le domaine religieux, toute théorie et toute pratique courent le risque de transformer la divinité en un bien de consommation. La Bible nous rappelle que la présence de Dieu dans les temples et sur la terre est une présence absente, dans laquelle peut se dérouler l'humble exercice de la foi. Le sacré biblique est un sacré partiel, le temple est un lieu religieux imparfait. Cette nécessaire "chasteté religieuse", qui nous laisse toujours dans le manque et assoiffés du "Dieu qui n’est pas encore", tout en éprouvant une certaine réalité imparfaite de sa présence, a été jalousement gardée et prisée par la Bible ; jusqu’au jour où elle permit aux juifs de vivre leur foi malgré la destruction du temple. Cette pauvreté qui les obligeait à rester dans un temple moins lumineux que ceux des autres peuples, a produit la richesse d'une religion libérée de son lieu sacré et donc rendue possible même au cours des exils. Seules les idoles sont assez petites pour être contenues dans leurs sanctuaires. Le Dieu biblique est le Très Haut parce qu'Il est infiniment plus haut que le toit de chaque temple que nous pouvons lui construire.

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Le Nom que l’on doit apprendre

Le Nom que l’on doit apprendre

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La Prophétie est histoire / 5 - Nous tombons en décadence quand la maison du pouvoir se fait plus grande que la place de Dieu

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 30/06/2019

« Le premier mot prononcé par Dieu sur le Sinaï fut Anoki : "Je suis". Ici l'Éternel n'a pas utilisé l'hébreu, mais la langue égyptienne : de même que le roi s'est adressé à son fils qui rentrait chez lui après un long séjour en mer, dans la langue qu'il avait apprise dans un pays étranger, ainsi l'Éternel a choisi la langue qu'Israël parlait à ce moment-là. »

Louis Ginzberg, Les légendes des Juifs

Le début de la construction du temple de Salomon contient de précieux éléments pour comprendre le sens de cette grande oeuvre et des nôtres. Il nous dit en quoi consiste le début de toute vie bonne.

La construction du temple de Salomon est au cœur du message théologique des Livres des Rois et de toute l'histoire de la sagesse, depuis la Genèse jusqu’à la destruction de Jérusalem et l'Exil. Nous devons lire ces pages en sachant que nous entrons dans une terre à part et sacrée, puis ôter les chaussures de nos pieds si nous voulons reconnaître la voix de ce buisson ardent. L'histoire raconte des événements qui ont eu lieu environ cinq siècles avant la rédaction de ce texte. Celui qui l'a écrite vivait pendant l’exil à Babylone. Le temple qu'il avait vu était donc celui qui venait d'être détruit et brûlé par Nabuchodonosor. Ses ors étaient ceux qui avaient fondu sous le feu ou ceux des décors pillés par les Babyloniens et transportés vers leurs temples. De toutes les splendeurs que nous allons découvrir, il ne reste plus pierre sur pierre.

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Pour comprendre l'esprit de ces pages difficiles, tentons un exercice intellectuel. Identifions-nous à l'âme d'un homme qui aujourd'hui doit réaliser un montage-vidéo avec les vieux clips de son mariage et de son repas de noces. Sa femme est partie, elle l’a quitté. La séparation a eu lieu à cause de la mauvaise conduite et des trahisons de son mari - c'est la lecture théologique que ces écrivains ont faite de la destruction du temple et de l'Exil. Elle, "le délice de ses yeux" (Ézéchiel), n'est plus là, il est seul et tout est de sa faute. C’est avec ces sentiments que cet homme voit dans ce court-métrage à quel point cette épouse était bonne et belle (le mot hébreu tov - beau et bon - apparaît plusieurs fois dans ces chapitres). Avec une dernière surprise : la Bible nous dira que la mariée, qui est restée fidèle, pourra non seulement rentrer chez elle, mais aussi redevenir aussi belle que dans le film du mariage. Et tandis qu'elle nous donne cet espoir, elle devient une compagne au cours de nos exils et des projections solitaires et désespérées de nos courts-métrages.

Le récit de la construction du temple commence par une description qui rappelle de très près la condition des Juifs dans les briqueteries d'Égypte : « Le roi Salomon enrôla des hommes de tout Israël pour le travail forcé et les hommes du travail forcé furent trente mille » (1 Rois 5, 27). Les grandes œuvres de l'Antiquité (et probablement beaucoup des nôtres) devraient être racontées par les ouvriers qui les ont réalisées. Même lorsque les cathédrales sont édifiées grâce à des travaux forcés, nous ne pouvons pas nous consoler avec le beau vieux récit du Pèlerin et des trois tailleurs de pierres, où le troisième répond : «Je construis une cathédrale ». Même si la plupart des dizaines de milliers de travailleurs de Salomon avaient su qu'ils taillaient des pierres et travaillaient à la construction du plus beau temple, il n'est pas vrai que cette conscience aurait effacé le caractère inhumain et douloureux de leurs travaux forcés, tout au plus l'aurait-elle atténué. Il est beau et significatif que la Bible ait pris soin de relater et de prendre en compte la situation des bâtisseurs de l’édifice le plus important de son histoire. Ces travaux forcés auraient pu ne pas être évoqués. Par la suite, un éditeur (prêtre ou scribe) a essayé d'amender et de supprimer cette partie (9,22), parce que ceux qui aiment les temples et les palais n'aiment pas se rappeler la peine de ceux qui les ont construits, et font tout pour l'oublier et nous la faire oublier. Au contraire, ces versets ont survécu et sont devenus une "plaque en mémoire de l'ouvrier inconnu" qui, sans l'avoir choisi, a construit à la sueur de son front et dans les larmes le temple de Salomon et la parole biblique. Si nous voulons éviter une lecture édifiante de la Bible qui n’en conserve que quelques pensées pieuses et sans consistance, nous devons de temps en temps lire ces grands récits du point de vue des victimes anonymes.

En plus de ce travail forcé il y a un contrat à l’origine de la construction du temple. En concluant un accord bilatéral avec Hiram, le riche roi de Tyr, Salomon a recours au moyen le plus approprié pour réaliser son œuvre : « Puis Hiram envoya dire à Salomon : "J’ai reçu ton message. Je te donnerai du bois de cèdre et du bois de cyprès comme tu le désires… De ton côté, tu me donneras des vivres pour ma maison comme je le désire." Ainsi Hiram livrait à Salomon, en bois de cèdre et en bois de cyprès, tout ce qu’il désirait. Et Salomon livrait à Hiram vingt mille quintaux de blé pour la nourriture de sa maison, plus vingt quintaux d’huile d’olives concassées : voilà ce que Salomon livrait à Hiram tous les ans. » (5,25).

Travail forcé et échanges commerciaux, hiérarchie et consensus, relations verticales et horizontales : ces éléments sont encore à la base de notre système économique. Les œuvres, petites et grandes, continuent d'être réalisées grâce à des acteurs plus forts, capables d’organiser le travail des plus faibles, pour la satisfaction des désirs de ceux qui échangent dans des relations d'égalité et de réciprocité. Mais, même ici, nous sommes aveugles. Nous parlons de liberté et d'égalité du commerce, mais nous ne parlons pas de l’absence de réciprocité et des nombreuses contraintes que cache le commerce. Nous portons des t-shirts, des chaussures, des sacs, nous mangeons des tomates et des pâtes, nous utilisons des smartphones et des tablettes, nous confions nos économies à des banques..., nous échangeons avec un certain niveau de liberté et d’égalité. Mais nous ne pouvons pas (ou ne voulons pas) voir les visages des ouvriers qui ont produit ces biens, qui ont construit nos petites et grandes cathédrales. Nous ne voyons que trop bien les marchandises (parce qu'il y a tout un empire économico-financier qui travaille à cela jour et nuit), mais nous voyons trop peu les visages d’hommes et de femmes cachés par les emballages des produits que nous consommons. La Bible réussit parfois à nous les faire entrevoir, pour qu’ensuite, nous commencions à les chercher et à les voir sur nos marchés.

« Quatre cent quatre-vingts ans après la sortie des fils d’Israël du pays d’Égypte, la quatrième année du règne de Salomon sur Israël, au mois de Ziv – qui est le deuxième mois –, il construisit la Maison pour le Seigneur. Et la Maison que le roi Salomon construisit pour le Seigneur avait soixante coudées de long, vingt coudées de large et trente coudées de haut. » (6,1-2). Un grand bâtiment - une coudée juive était d'environ 44 cm -, mais surtout riche, beau et de grande valeur : « Le cèdre destiné à l’intérieur de la Maison était sculpté en forme de coloquintes et de fleurs épanouies. Tout était de cèdre : la pierre n’apparaissait nulle part. Et le Saint des saints, au milieu de la Maison, à l’intérieur, Salomon l’établit pour qu’on y dépose l’arche de l’Alliance du Seigneur… Salomon recouvrit d’or fin l’intérieur de la Maison. Il fit passer des chaînes d’or devant le Saint des saints qu’il recouvrit d’or. Et c’est toute la Maison qu’il recouvrit d’or, la Maison tout entière ; et tout l’autel du Saint des saints, il le recouvrit d’or. » (6,18-22).

Nous rencontrons aussi un artiste, appelé par son nom : « Le roi Salomon envoya chercher Hiram de Tyr. Fils d’une veuve de la tribu de Nephtali, et d’un homme de Tyr, artisan en bronze, il était rempli de sagesse, d’intelligence et de connaissance pour faire tout travail du bronze. » (7:13-14). Chiram est un nouveau Besaleel, l'artiste qui avait décoré le tabernacle au cours de l’Exode (Ex 31,2-3). Les trois mots utilisés pour qualifier cet artiste qui a travaillé le bronze sont très beaux : la sagesse, l’intelligence et la connaissance (compétence et habileté). La créativité artistique, comme toute créativité, a besoin de ce précieux don spirituel qu’est la sagesse (au sens biblique du terme), mais aussi d'intelligence, c'est-à-dire de talent naturel, ainsi que de compétence. On peut commencer à peindre et à sculpter avec une seule de ces qualités (chaque vocation mûre se réalise dans le temps), mais la vocation artistique s'accomplit et ne porte de grands fruits que lorsque la sagesse, l'intelligence et la compétence travaillent et créent conjointement.

Hiram « moula les deux colonnes de bronze ; la hauteur d’une colonne était de dix-huit coudées. Un fil de douze coudées en aurait fait le tour ; de même pour la seconde colonne… Il fit la Mer, bassin en métal fondu, de dix coudées de diamètre, car son pourtour était circulaire… La Mer était dressée sur douze bœufs : trois faisaient face au nord, trois faisaient face à l’ouest, trois faisaient face au sud, trois faisaient face à l’est. La Mer reposait directement sur eux » (7, 15-25).

Après le temple (« Il l'a construit en sept ans » 6, 38), le roi a édifié son palais : « Quant à sa maison, Salomon mit treize ans pour la construire et l’achever entièrement. Il a construit le palais appelé la forêt du Liban. Sa longueur était de cent coudées, sa largeur de cinquante coudées et sa hauteur de trente coudées » (7,1-2).

Le temple avait soixante coudées de long, le palais cent ; le temple avait vingt coudées de large, le palais cinquante. Quand ils commencent à construire le temple pour louer et magnifier Dieu, les rois, même les plus sages, finissent par construire des palais royaux plus grands que les temples. Peut-être en toute bonne foi et souvent pour de bonnes raisons, ils bâtissent un palais qui dépasse le temple en longueur et en largeur (peut-être pas en hauteur, pour ne pas être plus grand que le Très Haut, mais, modestement, juste au même niveau). Voilà un autre indice qui nous dit que la construction du chef-d'œuvre de Salomon fut aussi le début de sa corruption.

L'âme très sage du Livre des Rois, très dure avec la monarchie et les rois d'Israël, sait déchiffrer beaucoup de choses à travers ce palais qui dépasse le temple en grandeur. L'auteur de ces pages est peut-être le même que celui de la Genèse et de l'Exode, aux jours du premier amour d'Israël, quand il n'y avait qu'une voix nue, une tente, et un araméen errant, parti en croyant à une promesse.

Toute vie bonne commence avec une voix qui nous appelle quand nous sommes pauvres et simples : on part alors à la suite de cet appel et de sa promesse. Puis, avec le temps, viennent le culte, la religion, la construction du temple, et finalement celle de notre palais, plus grand que le temple destiné à Dieu. Et la décadence commence : nous avons passé toute une vie à construire notre culte, le "temple" et le "palais", applaudis et aimés de tous pour ces œuvres. Jusqu'au jour où nous parvenons à comprendre que la liberté, la vérité, l'amour se trouvaient ailleurs, mais nous l'avions oublié. C’est alors qu’une autre voix nous surprend dans la nuit, dans un rêve ou sur un lit d'hôpital. C'est la voix du premier jour, et nous parvenons à la reconnaître. Elle nous ordonne de démonter le palais, le temple, de redevenir pauvres et de nous remettre en route. Le salut de l’âge adulte est un chemin à rebours, qui, du palais, nous reconduit à la tente nomade. Parce que les voix subtiles du silence ne peuvent pas être entendues dans de hauts temples et de grands palais. Elles ne peuvent parler que lorsqu'elles sont exactement au niveau de nos yeux et de notre cœur.

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La Prophétie est histoire / 5 - Nous tombons en décadence quand la maison du pouvoir se fait plus grande que la place de Dieu

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 30/06/2019

« Le premier mot prononcé par Dieu sur le Sinaï fut Anoki : "Je suis". Ici l'Éternel n'a pas utilisé l'hébreu, mais la langue égyptienne : de même que le roi s'est adressé à son fils qui rentrait chez lui après un long séjour en mer, dans la langue qu'il avait apprise dans un pays étranger, ainsi l'Éternel a choisi la langue qu'Israël parlait à ce moment-là. »

Louis Ginzberg, Les légendes des Juifs

Le début de la construction du temple de Salomon contient de précieux éléments pour comprendre le sens de cette grande oeuvre et des nôtres. Il nous dit en quoi consiste le début de toute vie bonne.

La construction du temple de Salomon est au cœur du message théologique des Livres des Rois et de toute l'histoire de la sagesse, depuis la Genèse jusqu’à la destruction de Jérusalem et l'Exil. Nous devons lire ces pages en sachant que nous entrons dans une terre à part et sacrée, puis ôter les chaussures de nos pieds si nous voulons reconnaître la voix de ce buisson ardent. L'histoire raconte des événements qui ont eu lieu environ cinq siècles avant la rédaction de ce texte. Celui qui l'a écrite vivait pendant l’exil à Babylone. Le temple qu'il avait vu était donc celui qui venait d'être détruit et brûlé par Nabuchodonosor. Ses ors étaient ceux qui avaient fondu sous le feu ou ceux des décors pillés par les Babyloniens et transportés vers leurs temples. De toutes les splendeurs que nous allons découvrir, il ne reste plus pierre sur pierre.

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À la hauteur exacte de nos yeux

À la hauteur exacte de nos yeux

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La Prophétie est histoire / 4 - Dans la vie les symphonies les plus précieuses sont les inachevées, nos véritables chefs-d'œuvre.

Par  Luigino Bruni

publié dans  Avvenire le 23/06/2019

« Je dis " sagesse, sagesse ". Mais j’en suis loin et il y a de la distance. Une profonde profondeur. Qui peut le comprendre? »

Qohèleth 7,23-24

La Sagesse biblique est une trame qui s’entrelace aux faits historiques. Et cela nous rappelle que nous sommes plus grands et plus beaux que les plus belles et les plus grandes choses que nous puissions faire, parce que nous avons été créés par amour et non par utilité.

La sagesse est un fil d'or de la Bible. Ce fut la fleur de l'un des printemps les plus vastes, les plus colorés et éclatants de l'histoire de l'humanité. Ce qui est apparu en Grèce comme philosophie, plus ou moins en même temps qu’en Égypte et au Croissant fertile, est devenu sagesse. Le mythe antique et ses symboles ont atteint un nouvel âge, plus adulte et surtout capable d'exprimer des concepts et des réalités qui auparavant restaient enveloppés dans la lumière aveuglante (et l'obscurité) du mystère du tout. Le Mythe a donné naissance au Logos. L'invention de la parole fut comme une nouvelle révélation de la vie, et donc de l'homme, du monde et de Dieu. Même si les mots de la philosophie ne coïncident pas avec ceux de la sagesse, ils se ressemblent beaucoup. Job n'est pas le "Timée" de Platon, le Cantique des Cantiques n'est pas le "Banquet", mais ils parviennent à se parler et à se comprendre.

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La philosophie naît de l'émerveillement pour un monde qui pourrait ne pas être et qui est ; la sagesse naît au contraire de la découverte que la réalité, si on l’observe bien, contient des règles, des lois, des mots qui révèlent le sens de l’existence et enseignent l’art de vivre. Cette réalité, cependant, ne se limite pas au livre de la nature, parce que pour la sagesse biblique, l'expérience de la Loi et des Prophètes, des paroles révélées qui sont toutes données, est essentielle : c’est une carte pour pouvoir enquêter et pénétrer le monde, Dieu, l’homme. Même si l’homme s’émerveille au contact de la sagesse, le premier enchantement de l'humanisme biblique vient de l'expérience d'un monde habité par YHWH, par sa présence et par sa parole. L'homme biblique rêve d'un homme différent parce qu'il rêve d'un Dieu différent.

C'est pourquoi la sagesse que nous trouvons dans la Bible n'est pas seulement une éthique ou une théologie. Contrairement et plus que la philosophie grecque et que l'éthique asiatique contemporaine, elle est histoire, parce que la présence stable de YHWH dans le monde fait que les événements humains sont vrais et ne sont pas une ombre du monde vrai au-delà du soleil. L'Alliance est un événement décisif dans l'histoire biblique, parce qu'elle a lieu dans le temps et qu'en s’accomplissant elle donne substance et vérité au temps et à l'histoire. La sagesse est donc le fil d’or qui s'entrelace avec la trame des faits historiques pour donner vie à la tapisserie du monde ; c'est aussi la parole humaine qui dialogue avec celle de Dieu dans une conversation intime d'amour qui a duré des millénaires - et qui continue toujours. Cette sagesse est le souffle qui a guidé la plume des auteurs de nombreuses pages bibliques, la clé de lecture de ses Livres qui traitent de sujets très divers (histoire, prophétie, droit, etc.). Aussi est-il important, pour comprendre le sens de l'histoire de Salomon et la parabole de son règne, de les lire à la lumière des premiers chapitres de la Genèse.

Salomon est placé par son Dieu-YHWH au centre d'un nouvel Éden, un jardin de richesses et de shalom. Comme Adam cultivait et gardait la terre qui lui avait été confiée par Elohim, Salomon administre un royaume vaste, paisible et riche : « Le roi Salomon étendit sa domination sur tout Israël » (1 Rois 4,1), le plus grand royaume de l'histoire d'Israël : « Salomon domina tous les royaumes, du fleuve Euphrate, sur la région des Philistins, jusqu’à la frontière d’Égypte » (5,1). Adam, dans la Genèse, amorce son déclin lorsqu’il est à l’apogée de son shalom. Il commence à croire en un autre logos, celui du serpent, et donc à délaisser le discours de la sagesse. Ce déni de sagesse a engendré le geste fratricide de Caïn, celui de Lamek et finalement le déluge. Les premiers chapitres des Livres des Rois montrent aussi que Salomon atteint le sommet de la gloire et de la splendeur : « Juda et Israël... mangeaient, buvaient et vivaient heureux » (4,20). Et pour lui aussi, l’apogée du succès coïncide avec le début de son déclin. Il avait reçu le don de la sagesse et l'avait exercé : «Dieu donna à Salomon une sagesse et une intelligence très grandes, et un cœur aussi vaste que le sable au bord de la mer. Grande était la sagesse de Salomon, plus que la sagesse de tous les fils de l’Orient, plus que toute la sagesse de l’Égypte. Il fut le plus sage des hommes… son nom était connu de toutes les nations d’alentour… Et l’on venait de tous les peuples pour entendre la sagesse de Salomon… » (5, 9-14).

Mais à un certain moment, Salomon abandonne le chemin de la sagesse pour prendre celui du serpent. La Bible ne nous dit pas quand le déclin de son roi le plus sage a commencé. Peut-être parce que beaucoup de sages s’égarent sans s'en rendre compte. Une lecture éclairée de ces chapitres (à la lumière de toute la Loi et des Prophètes) peut cependant suggérer que ce déclin a commencé au moment où Salomon construisait son chef-d'œuvre : le temple de Jérusalem. Son crépuscule a également commencé à midi. Par une mystérieuse loi humaine, l'une des plus vraies, c'est notre chef-d'œuvre qui contient le germe de notre corruption. Car si le "talent" que nous avons reçu est grand (comme l'était celui de Salomon), sa mise en œuvre nous enlève souvent notre innocence. L'achèvement de notre œuvre la plus importante nous vaut le début de notre déclin – « Salomon commença la construction du temple et l'acheva » (6,14). Voilà pourquoi l'une des rares façons de préserver, sur cette terre, quelque chose de la pureté de notre enfance, consiste à ne pas prétendre terminer les œuvres que nous commençons pour de nobles motifs. C'est le shabbat du cœur qui peut sauver les six autres jours et le dernier jour. Lorsque nous parvenons à respecter ce shabbat spécial et invisible, et que nous le faisons en obéissant doucement à une loi intime que nous n'avons pas écrite, mais que nous sentons nôtre et nécessaire, nous ne nous approprions pas pleinement les dons que nous avons reçus et ainsi nous ne devenons pas maîtres de notre vie (la première chasteté, la plus difficile et la plus essentielle, s’applique à nous-mêmes ; elle nous permet, si on la pratique, de ne pas nous dévorer nous-mêmes).

Dans la vie, la plus belle symphonie est celle qui demeure inachevée, c’est notre véritable chef-d'œuvre, parce qu'il n'a pas pris la tournure que nous voulions et pensions. Les plus belles équations scientifiques sont celles que nous n'avons pas réussi à résoudre et que nous laissons en héritage aux jeunes ; la poésie la plus sublime est celle qui nous est parvenue, comme un murmure de l'âme, plusieurs fois en plusieurs nuits et que nous n'avons jamais réussi à écrire une fois éveillés ; c’est cette parole que nous nous sommes dite et répétée intérieurement et qui, lorsqu’elle arrive, nous reste en travers de la gorge en raison d’une douleur excessive, qui se fait seulement pleur et cri - comme au Golgotha, quand le Logos est devenu muet et a dit son chef-d’œuvre. Tout cela peut être appelé, tout simplement, gratuité. Dans la tradition juive, les maisons ne doivent pas être achevées : il faut laisser quelques coins de pièces inachevés, quelques briques découvertes ; en souvenir de la destruction de Jérusalem, et pour se rappeler que la vie est toujours imperfection.

Le jour de son mariage, le juif casse une cruche de verre avec son pied, pour dire que la fête ne doit pas être totale. Seules une fête imparfaite et une maison inachevée peuvent devenir in-finies. En nous mettant à l'école de la sagesse, nous pouvons comprendre aussi l'ambivalence qui accompagne toute la théologie biblique du temple. La tradition sacerdotale doit et veut construire le temple ; la sagesse, au contraire, tout en nous racontant sa construction, rappelle à Salomon et à nous tous que Dieu est plus grand que son temple, et que donc aucun temple ne contient Dieu, mais seulement ses images, que la Loi interdit, car la seule image légitime d'Élohim, c’est nous, qui sommes créés à son "image et ressemblance" : toute autre image de Dieu n’est qu’un gribouillage, - le commandement anti-idolâtrique est fondamentalement anthropologique. Paradoxalement donc, la contamination religieuse et l'idolâtrie que Salomon connaîtra sont déjà implicites dans la construction du temple, elles sont inscrites dans son chef-d'œuvre. Sans la sagesse, nous ne le comprendrions jamais. Quand je commence à construire un temple à mon Dieu, je me dis, peut-être sans m'en rendre compte, qu’il est comme celui dédié aux dieux des autres peuples, et donc banal comme leurs idoles. Commencer la construction du temple c’est donc, aux yeux de la sagesse, le premier pas sur le chemin de la corruption religieuse. Mais cela les Juifs ne l'ont compris que pendant l'exil babylonien, lorsque la destruction de ce temple merveilleux leur a permis de comprendre ce qu'était réellement le temple et qui était réellement YHWH. Quand ils se sont retrouvés sans temple, sans adoration, et avec un Dieu-YHWH défiguré, ils ont découvert la sagesse et ne l'ont plus jamais abandonnée.

Ici se cachent de précieux messages pour chaque credo et chaque religion. Quand les mouvements spirituels et les communautés, fondés en suivant "seulement une voix", commencent à construire des temples et des sanctuaires en l’honneur de leurs fondateurs (physiques ou idéaux), leur corruption est déjà en acte. Ce souffle différent, cette Alliance spéciale, perd son caractère originel ; ce "dieu" différent est en réalité comme toutes les autres "idoles" dont on voulait se distinguer quand tout a commencé. Ce ne sont pas les fondateurs (David) qui bâtissent les temples, mais leurs enfants (Salomon). Mais c'est précisément cette construction du temple, comprise comme la célébration spectaculaire de la grandeur de leur propre charisme (« J’ai voulu te construire une maison sublime » : 8, 13), qui dit qu’en réalité il n'y a rien, dans leur esprit, de différent des autres peuples. La grande construction marque le début de la fin alors que tout apparaît comme le plus grand succès. La corruption de notre cœur, individuel et collectif, débute au moment où nous faisons enfin ce que nous pensions être la plus belle et la plus grande chose à réaliser dans la vie, et nous dit quelque chose de très beau, et pourtant dramatique : que nous sommes plus grands et plus beaux que les plus belles et les plus grandes choses que nous pouvons faire, parce que nous avons été créés par amour et non par utilité, même pas pour être utiles au Royaume et à ses temples.

Et s'il y a vraiment un paradis - et il doit exister, ne serait-ce que pour les pauvres - nous n'y entrerons pas en raison des chefs-d'œuvre que nous avons réalisés, mais pour ce petit morceau d'âme non corrompue que nous avons réussi à préserver pendant la construction de nos plus belles œuvres ; pour ce coin du jardin de notre cœur que nous avons laissé libre et sans rendement, et non à cause des fruits que nous avons récoltés pour nous-mêmes et pour les autres ; nous entrerons au paradis pour l’unique raison d’avancer que nous avons trouvée, non pour les quatre-vingt-dix-neuf autres qui nous ont soufflé de tout abandonner ; pour le talent que nous avons conservé, et non pour les cinq que nous avons investis pour enrichir un patron "exigeant". Pour le péché qui nous a embourbés et humiliés et qu'un jour nous avons enfin accueilli avec miséricorde, et non pour les vertus qui nous ont valu louanges et mérites. Mais cette logique de vie différente, seule la sagesse peut nous l’enseigner.

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La Prophétie est histoire / 4 - Dans la vie les symphonies les plus précieuses sont les inachevées, nos véritables chefs-d'œuvre.

Par  Luigino Bruni

publié dans  Avvenire le 23/06/2019

« Je dis " sagesse, sagesse ". Mais j’en suis loin et il y a de la distance. Une profonde profondeur. Qui peut le comprendre? »

Qohèleth 7,23-24

La Sagesse biblique est une trame qui s’entrelace aux faits historiques. Et cela nous rappelle que nous sommes plus grands et plus beaux que les plus belles et les plus grandes choses que nous puissions faire, parce que nous avons été créés par amour et non par utilité.

La sagesse est un fil d'or de la Bible. Ce fut la fleur de l'un des printemps les plus vastes, les plus colorés et éclatants de l'histoire de l'humanité. Ce qui est apparu en Grèce comme philosophie, plus ou moins en même temps qu’en Égypte et au Croissant fertile, est devenu sagesse. Le mythe antique et ses symboles ont atteint un nouvel âge, plus adulte et surtout capable d'exprimer des concepts et des réalités qui auparavant restaient enveloppés dans la lumière aveuglante (et l'obscurité) du mystère du tout. Le Mythe a donné naissance au Logos. L'invention de la parole fut comme une nouvelle révélation de la vie, et donc de l'homme, du monde et de Dieu. Même si les mots de la philosophie ne coïncident pas avec ceux de la sagesse, ils se ressemblent beaucoup. Job n'est pas le "Timée" de Platon, le Cantique des Cantiques n'est pas le "Banquet", mais ils parviennent à se parler et à se comprendre.

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La maison inachevée est plénitude

La maison inachevée est plénitude

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Prophétie et histoire / 3. - La prière de Salomon devrait devenir le serment de tout dirigeant

par Luigino Bruni

 publié dans Avvenire le 16/06/2019

« Mais vous, spectateurs de l'histoire du cercle de craie, retenez la phrase des anciens : ce qui existe doit appartenir à ceux qui en font bon usage : les chars aux bons conducteurs, et ainsi ils avancent bien, la vallée aux bons cultivateurs, et ainsi elle porte du fruit, les enfants aux femmes maternelles, et ainsi ils grandissent bien .»

Bertolt Brecht, Le Cercle de craie caucasien

Salomon commence sa tâche de roi en demandant à Dieu le don d'un cœur à l'écoute. Et il met immédiatement ce don à l'œuvre pour résoudre le différend entre deux mères au sujet d'un enfant. Était-ce un bon choix ? Et pourquoi ?

Le premier exercice de sagesse de Salomon concerne deux femmes, "deux prostituées", deux pauvres, deux victimes, deux esclaves (telle était la condition des prostituées dans ces sociétés). Deux personnes en détresse qui doivent gérer la crise la plus intime qu'une femme puisse vivre : la mort de son enfant. Deux mères désespérées, engagées dans un affrontement terrible entre la vie et la mort, une dispute entre deux personnes écartelées, luttant pour avoir un enfant, qui dans ce monde dominé par les hommes était souvent la seule joie des mères. Si nous voulons tirer le meilleur profit de ce récit splendide et difficile, nous devons essayer de le lire avec compassion et miséricorde. Pour pouvoir ensuite le reconnaître dans nos foyers et dans nos tribunaux, où chaque jour résonnent des paroles, des discours et des pleurs semblables, ainsi que les mêmes mensonges désespérés prononcés devant des enfants qui risquent d'être déstabilisés.

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« Salomon aimait le Seigneur : il marchait selon les ordres de David, son père. Seulement, il offrait des sacrifices dans les lieux sacrés, et y brûlait de l’encens » (1 Rois 3,3). Le début du règne de Salomon - dont le nom vient du mot hébreu bien connu shalom – se signala immédiatement par des sacrifices offerts sur les hauteurs du Pays de Canaan: « Le roi Salomon se rendit à Gabaon, qui était alors le lieu sacré le plus important, pour y offrir un sacrifice ; il immola sur l’autel un millier de bêtes en holocauste » (3,4). Un sacrifice exceptionnel, gigantesque, exagéré. Le narrateur nous présente aussi le côté lumineux de ce roi si populaire qu'il est devenu une icône de bonne gouvernance, de sagesse et de richesse dans toute la tradition biblique ultérieure, y compris le Nouveau Testament. Salomon passe la nuit dans le sanctuaire, peut-être parce que c'était un lieu sacré réputé pour favoriser l'incubation (théophanie des songes) : « À Gabaon, pendant la nuit, le Seigneur lui apparut en songe. Dieu lui dit : "Demande ce que je dois te donner." » (3,5). Le nouveau roi se présente et se révèle à travers le genre de prière qu'il adresse à YHWH, formulant peut-être la plus belle demande jamais faite à Dieu par un souverain, dans la Bible et dans toute la littérature religieuse : plus que nos réponses, ce sont les questions que nous nous posons à nous-mêmes, aux autres, à la vie, à Dieu qui continuent à mettre en lumière nos qualités morales. Après avoir rappelé à Dieu la justice et la fidélité de son père David (3,6), Salomon déclare son incapacité à accomplir sa mission : « Ainsi donc, je suis un tout jeune homme, ne sachant comment se comporter » (3,7). Cet aveu d'insuffisance assimile Salomon à d'autres grandes figures bibliques juvéniles : Jérémie, Samuel, Joseph... Marie. Voici les termes de sa demande qui fait désormais partie intégrante de l'héritage spirituel de la culture occidentale : «Accorde à ton serviteur un cœur attentif » (3,9).

Une phrase merveilleuse, que nous devrions inscrire dans toutes les écoles d'administration publique, dans les facultés de sciences politiques, les sièges des partis, les palais des gouvernements et des parlements, les conseils d'administration des entreprises. Nous devrions demander à tous les nouveaux ministres de la réciter lors de la cérémonie d'investiture, et qu’ils fassent de cette "prière de Salomon" une réalité semblable au serment d'Hippocrate que prononcent les médecins. Un cœur à l'écoute, « afin qu'il rende justice à ton peuple et distingue le bien du mal ». Je veux croire que YHWH, dans son rêve, a été étonné par la prière de Salomon - l'humanité continuera à s'améliorer tant que les hommes seront capables d'étonner Dieu par des questions plus belles et plus grandes qu'eux. Dieu répond à la prière du jeune roi : «Je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi. » (3,12). Mais il lui accorde aussi ce qu'il n'a pas demandé : « Puisque c’est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, mais puisque tu as demandé le discernement, l’art d’être attentif et de gouverner… je te donne aussi ce que tu n’as pas demandé, la richesse et la gloire, si bien que pendant toute ta vie tu n’auras pas d’égal parmi les rois. » (3,11-13). En n’ayant pas demandé les biens que les souverains demandent et veulent généralement, il les a obtenus. C'est un bel épisode de sérendipité, où les biens économiques et politiques arrivent précisément parce qu'ils ne sont pas recherchés. C'est ce qui doit advenir dans tout bon gouvernement de toute communauté : ne rechercher qu'un "cœur qui écoute", l’unique instrument utile en vue du seul exercice nécessaire : le discernement entre le bien et le mal ; et tout le reste est donné par surcroît. Si nous demandions et cherchions davantage ce cœur qui écoute, la civilisation du centuple deviendrait une réalité.

Mais il y a plus que cela. Un cœur qui écoute ne peut être qu'un don : de la vie, de nos parents, de Dieu. Cela n’est pas enseigné dans les écoles de commerce, ni dans les tristes cours de leadership. Et si c'est un don, on ne peut que le demander, l'attendre, prier pour qu’il advienne. Un homme politique devrait connaître au moins cette prière de Salomon, la réciter tous les jours, la diriger vers le ciel, même s'il pense qu'il est vide ; car s'il apprend à demander ce don, il prend conscience de son indigence, qui seule peut engendrer l'humilité et donc la sagesse. Au terme de cet incroyable dialogue, "Salomon se réveilla : voici, c'était un songe" (3,15). Sa réaction (et celle de l'homme biblique) est contraire à celle que nous aurions dans des circonstances semblables. Quand nous nous réveillons après un très beau rêve, ce réveil emporte avec lui la valeur de cette expérience et ses messages - "Dommage, c'était seulement un rêve !". Mais pour l'homme de la Bible, si un dialogue avec Dieu survient pendant un rêve, ces paroles acquièrent un niveau de vérité supérieure – oh, si nous réapprenions à rêver de Dieu ! La sagesse reçue en cadeau, un cœur qui écoute, voilà qui devient aussitôt un exercice de bonne gouvernance dans l'une des histoires à juste titre les plus célèbres et les plus étonnantes de la Bible : l'enfant que se disputent deux mères. L'auteur a probablement trouvé cette histoire parmi celles de son époque ou celles des anciennes traditions orientales : nous en connaissons de nombreuses variantes, qui ont également influencé un auteur comme Bertolt Brecht.

Les protagonistes sont deux femmes - deux mères, "deux prostituées" - un enfant vivant, un enfant mort, le roi est appelé à juger : « Un jour, deux prostituées vinrent se présenter devant le roi. L’une des femmes dit : « De grâce, mon seigneur ! Moi et cette femme, nous habitons la même maison. Et j’ai accouché, alors qu’elle était à la maison. Or, trois jours après ma délivrance, cette femme accoucha à son tour. Nous étions ensemble : personne d’autre dans la maison ; il n’y avait que nous deux dans la maison ! Une nuit, le fils de cette femme mourut : elle s’était couchée sur lui. Elle se leva au milieu de la nuit, prit mon fils qui reposait à mon côté – ta servante dormait – et le coucha contre elle. Et son fils mort, elle le coucha contre moi. » (3,16-20). L'autre mère nie cette version des faits : « Non ! Mon fils est celui qui est vivant, ton fils celui qui est mort.» (3,22). Toutes deux se disputent devant le roi qui, après avoir écouté, parle et propose la très célèbre solution "Salomon" : « Le roi dit alors : "Celle-ci affirme : Mon fils, c’est le vivant, et ton fils est le mort. Celle-là affirme : Non ! Ton fils, c’est le mort, et mon fils est le vivant ! " Et le roi ajouta : " Donnez-moi une épée ! " On apporta une épée devant le roi. Et le roi poursuivit : " Coupez en deux l’enfant vivant, donnez-en la moitié à l’une et la moitié à l’autre. " » (3,23-25). La solution paradoxale atteint son objectif : les deux femmes révèlent des informations qui n'ont pas encore émergé. « Mais la femme dont le fils était vivant s’adressa au roi – car ses entrailles s’étaient émues à cause de son fils ! – : "De grâce, mon Seigneur ! Donnez-lui l’enfant vivant, ne le tuez pas !". L’autre protestait : "Il ne sera ni à toi ni à moi : coupez-le !"» (3,26). Le roi résolut alors le problème : « Prenant la parole, le roi déclara :"Donnez à celle-ci l’enfant vivant, ne le tuez pas : c’est elle, sa mère !" » (3,27). Une histoire dramatique et merveilleuse, qui peut nous dire beaucoup de choses.

Tout d'abord, ce récit nous permet de connaître la sentence de Salomon, mais il ne nous fournit pas beaucoup de preuves pour comprendre qui était réellement la mère de l'enfant vivant. En lisant l'histoire, on pourrait imaginer d'autres scénarios. La femme gagnante pouvait être seulement plus humaine et généreuse que l'autre, ou même plus intelligente. Connaissant la sagesse de Salomon, elle aurait pu anticiper le raisonnement du roi et faire ainsi le meilleur choix pour augmenter ses chances d’avoir l'enfant pour elle-même. Ces considérations, propres à ceux qui ont été formés à la logique économique et stratégique de la " théorie des jeux ", n'étaient assurément pas celles de l'auteur du texte biblique. Il (ou eux) veulent nous dire que le choix de Salomon est le plus sage parce que c'est le choix en faveur de la vie. Une façon aussi de faire l’éloge de cette femme qui fait passer la vie de l'enfant avant son bonheur individuel. La Bible ne veut pas « qu’on porte la main contre un enfant » (Ex 22,12), elle ne veut pas qu’il meure - et quand il meurt (parce que nous ne parvenons pas toujours à sauver les enfants) c'est toujours une nuit obscure de la Bible, de Dieu et des hommes. L'humanisme biblique est l'humanisme de la vie, c'est pourquoi Salomon a fait le choix le plus sage.

Mais à travers ces mots, nous pouvons comprendre encore plus de choses. Les enfants ne sont pas la propriété de leur mère. Ils appartiennent à tous, et donc à personne. La première loi de la terre est la vie des enfants, qui vaut infiniment plus que les querelles et les droits des adultes. Enfin, si c'était une femme qui avait écrit les Livres des Rois, elle aurait peut-être raconté cette histoire différemment. Elle n'aurait pas fait dire à Salomon : "Apportez une épée", car avec les enfants, on ne doit pas utiliser des épées, même pour jouer. Il aurait adressé des paroles plus humaines à la seconde mère et fait preuve de compassion envers elle, en comprenant d’abord son drame, et c’est seulement ensuite qu’il l’aurait jugée sur son (probable) mensonge. Il aurait ensuite donné un nom à ces deux femmes, car la première dignité des victimes, c’est d’être appelées par leur nom. Peut-être n'aurait-il pas mentionné leur métier (un terme péjoratif qui n’ajoutait rien à l’économie du récit), et peut-être aurait-il donné un nom à l'enfant vivant, et aussi à l'enfant mort, car les femmes appellent toujours leurs enfants par leur nom. Le cœur des femmes écoute de manière différente. Mais l’histoire n’a pas été écrite par les femmes, ni par les mères. Nous pouvons cependant la lire et la relire avec elles, pour essayer de surprendre Dieu par nos questions.

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Prophétie et histoire / 3. - La prière de Salomon devrait devenir le serment de tout dirigeant

par Luigino Bruni

 publié dans Avvenire le 16/06/2019

« Mais vous, spectateurs de l'histoire du cercle de craie, retenez la phrase des anciens : ce qui existe doit appartenir à ceux qui en font bon usage : les chars aux bons conducteurs, et ainsi ils avancent bien, la vallée aux bons cultivateurs, et ainsi elle porte du fruit, les enfants aux femmes maternelles, et ainsi ils grandissent bien .»

Bertolt Brecht, Le Cercle de craie caucasien

Salomon commence sa tâche de roi en demandant à Dieu le don d'un cœur à l'écoute. Et il met immédiatement ce don à l'œuvre pour résoudre le différend entre deux mères au sujet d'un enfant. Était-ce un bon choix ? Et pourquoi ?

Le premier exercice de sagesse de Salomon concerne deux femmes, "deux prostituées", deux pauvres, deux victimes, deux esclaves (telle était la condition des prostituées dans ces sociétés). Deux personnes en détresse qui doivent gérer la crise la plus intime qu'une femme puisse vivre : la mort de son enfant. Deux mères désespérées, engagées dans un affrontement terrible entre la vie et la mort, une dispute entre deux personnes écartelées, luttant pour avoir un enfant, qui dans ce monde dominé par les hommes était souvent la seule joie des mères. Si nous voulons tirer le meilleur profit de ce récit splendide et difficile, nous devons essayer de le lire avec compassion et miséricorde. Pour pouvoir ensuite le reconnaître dans nos foyers et dans nos tribunaux, où chaque jour résonnent des paroles, des discours et des pleurs semblables, ainsi que les mêmes mensonges désespérés prononcés devant des enfants qui risquent d'être déstabilisés.

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L’écoute sans pareille du cœur

L’écoute sans pareille du cœur

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 La prophétie est de l'histoire / 2 - La petite et dure dernière volonté d'un grand roi confirme que personne n'est comme Dieu.

 Par Luigino Bruni

 publié dans  Avvenire le 09/06/2019

«  David était un homme excellent, doué de toutes les vertus que l'on peut trouver chez un roi. Il était prudent, doux, compréhensif envers ceux qui avaient des problèmes, juste et humain. Et il n'a jamais péché, sauf pour la femme d'Urie. »

Giuseppe Flavio, Antiquités juives : 390-39

Nous allons au cœur de l'histoire de Salomon, et nous continuons l'intrigue et la tricherie. Qui, à contre-courant de la lumière, nous révèlent d'autres messages essentiels de l'humanisme biblique.

Les grands récits bibliques continuent à nous parler parce que, bien qu'ils nous dépassent, ils nous ressemblent. C'est en exil que les communautés humaines peuvent mettre par écrit leurs ressources narratives les plus précieuses. La grande souffrance de ces années, la patrie "si belle et perdue", les humiliations, le travail forcé, les grandes prières des Psaumes chantées le long des fleuves de Babylone, ont engendré dans le peuple une nouvelle et très profonde pietas (piété), un regard nouveau sur toute l'humanité. C'est dans les déserts que l'on apprend la valeur de l'eau ; c'est au contact des limites des hommes et des femmes blessés et humiliés que l'on apprend la valeur infinie des êtres humains. Notre souffrance et celle des autres transforment l'éthique en miséricorde, la seule qui nous rend capables de chanter les blessures humaines parce que nous savons y voir des bénédictions. Il faut toute une vie, et encore, pour apprendre à rencontrer Dieu dans les péchés du monde.

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Nous avions laissé Adonias, le fils aîné du roi David et prétendant au trône de son père, dans un banquet sacré avec les chefs de son "parti", rival de celui de Salomon, l'autre fils de David. Toutes les religions et tous les cultes anciens connaissaient la sacralité du repas. La nourriture, dans de nombreuses civilisations, a été le premier cadeau offert aux dieux. Les animaux sacrifiés étaient consommés et cette nourriture devenait souvent un sacrifice de communion entre les membres de la communauté. Le sang et la violence de ces animaux sacrifiés deviennent un lieu et un langage pour le dialogue des hommes avec les dieux et des hommes entre eux. La nourriture prise ensemble, intrinsèquement liée à la vie, était en fait une ressource essentielle, une réalité distincte et différente de la nutrition; il fallait donc la soustraire aux lois de la force et des capacités individuelles et la partager en communauté - dans le clan, la tribu et la famille chacun devait se nourrir, nourrir aussi et surtout les plus faibles : c'est la première norme évolutive qui protège les sociétés de la disparition.

Il n'est donc pas surprenant que dans la Bible et d'autres textes sacrés anciens, les meurtres et les crimes se produisent pendant les repas sacrificiels, parce que l'acte même du sacrifice portait en lui une dimension intrinsèque de violence et de mort (bien que, paradoxalement, liée à la vie). Comment ne pas s'étonner qu'aujourd'hui de nombreuses rencontres d'hommes politiques et d'hommes d'affaires aient lieu au cours d'un repas, alors que la nourriture et la commensalité aident à la création de biens relationnels qui à leur tour huilent la dynamique décisionnelle, que de nombreux conflits et séparations commencent à la table ou avec des aliments préparés et rejetés, et que des relations blessées et mortes renaissent à l’occasion d’un repas pris en commun, où nous renaissons compagnons, cum panis.

Le vieux roi David ne retrouve pas sa vigueur malgré Abisàg, sa dernière belle concubine. Une autre femme, son épouse Bethsabée, arrive à son chevet. Mais avant le prophète Nathan l’avait entretenue au sujet du banquet-sacrifice d'Adonias, interprété par le prophète comme une tentative pour se proclamer le nouveau roi : « Nathan dit à Bethsabée, la mère de Salomon : « N’as-tu pas appris qui est devenu roi ? Adonias, fils de Hagguith ! Et notre seigneur David ne le sait pas ! Maintenant, va : laisse-moi te donner un conseil… Va, entre chez le roi David et dis-lui : “N’est-ce pas toi, mon seigneur le roi, qui l’as juré à ta servante : Oui, Salomon ton fils régnera après moi et c’est lui qui s’assiéra sur mon trône ? Pourquoi donc Adonias est-il devenu roi ?”» 1 Rois 1, 11-14.

Nous avions déjà rencontré Nathan dans le second livre de Samuel, après le crime commis par David contre Urie le Hittite, pour lui ravir Bethsabée. Dans l'un des épisodes les plus forts et les plus émouvants de la Bible, le prophète avait accusé David en lui racontant la parabole des brebis du pauvre, et avait permis que le roi reconnaisse son péché (« J'ai péché contre le Seigneur » (2 Sam 12, 13). Maintenant Nathan semble être une personne très différente. Dans la lutte fratricide pour la succession, il est clairement du côté de Salomon, et complote. Convaincu de la précarité de l'état de santé du roi, il invente probablement l'histoire du serment de David à Bethsabée (" ton fils sera roi après moi "), dont il n'y a aucune trace dans les livres de Samuel. Il agit donc comme un prophète de cour, un Richelieu, comme un habile intriguant de palais. Pourtant, l'histoire précédente nous avait révélé sa nature de prophète authentique. Même un vrai prophète peut accomplir des actions moralement douteuses et ambiguës. La Bible nous dit que les prophètes sont eux aussi des hommes fragiles et peut-être pécheurs. Ce ne sont pas leurs faiblesses et leurs péchés qui en font des faux prophètes. La prophétie ne relève pas de la moralité des personnes. Il y a eu, et il y a encore, des faux prophètes moralement irréprochables, qui sont faux non pas parce qu'ils sont menteurs ou de mauvaise foi, mais parce qu'ils parlent au nom d'une voix qui, objectivement, n'existe pas ; comme il y a eu et comme il existe, dans la Bible et dans la vie, de vrais prophètes qui ont commis des crimes et des péchés mais qui étaient et sont habités par une voix vraie et qu’ils retransmettent sincèrement à leur peuple. Ce serait trop simple si la conduite morale d'une personne suffisait à nous révéler la vérité de sa vocation - la vocation et la sainteté d'une personne sont deux choses distinctes, même si elles interagissent souvent entre elles (mais pas toujours et pas de la même manière chez tous). Cette distinction est la principale raison pour laquelle les communautés peinent à reconnaître les vrais prophètes et les confondent avec les faux, de bonne ou mauvaise foi.

Bethsabée écoute les conseils de Nathan, va voir son mari David et lui raconte l'histoire d'Adonias. Pendant que les deux parlent dans la chambre, Nathan arrive (comme promis), renforçant la version de Bethsabée. Et cette fois encore David continue d'écouter, de croire et d'obéir aux femmes : « Le roi David répondit alors : Appelez-moi Bethsabée ! (...) Et le roi fit ce serment : oui, je l’ai juré par le Seigneur Dieu d’Israël : Salomon ton fils régnera après moi, et c’est lui qui s’assiéra sur mon trône à ma place. Cela, je le ferai aujourd’hui même ! » (1,28-30).

Nathan savait probablement qui était Bethsabée pour David, cette belle femme qui l'avait enchanté et qui avait bouleversé sa vie. Et, en fin stratège, il utilise l'arme la plus puissante pour manipuler David. De nombreuses années s'étaient écoulées depuis que David l'avait vue de sa terrasse. Elle avait vieilli, mais certains charmes, comme la lumière particulière des yeux, ne vieillissent jamais. Certaines beautés, au moins une, ne sont pas altérées par le temps, leur charme dure toute une vie. Si ce n'était pas le cas, nous ne pourrions pas, au cours du dernier adieu, retrouver le même regard que lors de la première rencontre.

David ordonne à Nathan et au prêtre Sadoc d'oindre le roi Salomon (1,34-35). Les intrigues de Nathan ont réussi. Dans cet épisode décisif de l'histoire d'Israël, nous trouvons une autre constante narrative du récit biblique. Dans beaucoup de choix décisifs, la volonté divine ne suit pas les règles de la Loi, le premier devient le dernier, et le dernier le premier. Ces renversements de l'ordre naturel des choses par le divin se produisent presque toujours quand un prophète et/ou une femme interviennent. La prophétie est un principe qui perturbe les lois de l'ordre établi et qui déstabilise le mouvement naturel des communautés. Sans les prophètes (et quelques femmes), les forts et les puissants ne seraient jamais destitués de leurs trônes, les derniers resteraient les derniers pour toujours, la vie ne nous surprendrait jamais et tout serait extrêmement ennuyeux et prévisible, les humbles ne seraient jamais élevés, aucun pauvre ne s’entendrait appeler "béni".

Après avoir consacré Salomon, David meurt et laisse son testament : « Je vais dans le chemin de tout homme sur terre. Sois un homme fort et bon. Observe la loi de YHWH, ton Dieu, en agissant selon ses voies et en exécutant ses lois, ses commandements, ses normes et ses instructions, comme il est écrit dans la Loi de Moïse » (2, 2-4). David livre ses dernières volontés. Le compositeur et psalmiste, poète et amant de Dieu, termine sa vie en donnant des instructions pour régler les comptes encore ouverts avec des personnages bien connus de ceux qui ont lu les Livres de Samuel: « Et de plus, tu sais toi-même ce que m’a fait Joab, fils de Cerouya… Tu agiras selon ta sagesse et tu ne laisseras pas ses cheveux blancs descendre en paix au séjour des morts… Envers les fils de Barzillaï de Galaad, tu agiras avec fidélité… Mais voici près de toi Shiméï, fils de Guéra, benjaminite de Bakourim. C’est lui qui m’a maudit d’une malédiction terrible... » (2,5-9).

Nous pouvions nous attendre à ce que le testament de David, le très aimé de la Bible, soit différent et plus édifiant. D'autres patriarches étaient morts en nous laissant des recommandations profondément humaines et spirituelles. David, quant à lui, reste imprégné d'ambiguïté morale jusqu'à la fin. C'est un autre langage, efficace, par lequel la Bible nous dit : personne n'est comme Dieu. Ainsi, les hommes, même les plus grands, ne doivent-ils pas devenir des idoles. Dans la Bible, le combat contre l’idolâtrie se manifeste aussi à travers ces fresques à caractère éthique, souvent très réalistes, concernant les plus grands personnages, hommes ou femmes, de l’Écriture. Une manière, pour ces fresques, de les rendre meilleurs : elles guérissent leurs blessures morales en nous les montrant.

Enfin, les propos de David sur Shiméï, le benjamite du parti vaincu de Saul, sont frappants. David, après de nombreuses années, ressent encore au moment de sa mort, le poids des malédictions prononcées contre lui. Dans l'humanisme biblique, les mots ont du poids. Les paroles créent, fertilisent, font revivre, celles de YHWH et - différemment, mais réellement - les nôtres aussi. La bénédiction de Dieu et celle d'un ami sont le plus grand don que nous puissions recevoir, quand une parole bienveillante nous parvient, nous aime, nous change, devient le vent-ruah qui ressuscite la chair de notre cœur desséché. Les mots ne sont pas vanitas - souffle et fumée - parce qu'ils agissent dans notre âme et dans notre corps ; parce qu'ils sont chair. Mais la Bible est trop vraie pour ne pas en assumer le prix : nous recevons les paroles bienveillantes comme des bénédictions qui nous réconfortent alors que les mauvaises engendrent malédiction et nous blessent. Celles-ci restent en vie, elles agissent dans notre cœur comme une bactérie morale. Shiméï avait prononcé des paroles terribles contre David. Elles résonnaient encore à son chevet, toujours présentes en ces instants ultimes. Elles lui faisaient encore mal, peut-être parce que c'étaient des paroles de vérité (« Toi, David, tu mérites la guerre que ton fils Absalom mène contre toi, parce que toi aussi tu as combattu ton "père" Saul »). Seules les paroles vraies, mais prononcées sans amour, sont capables de nous maudire. Les mots porteurs de vérité doivent être manipulés avec une infinie précaution. Ce sont des testaments, parce qu'ils ont pouvoir de vie ou de mort.

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 La prophétie est de l'histoire / 2 - La petite et dure dernière volonté d'un grand roi confirme que personne n'est comme Dieu.

 Par Luigino Bruni

 publié dans  Avvenire le 09/06/2019

«  David était un homme excellent, doué de toutes les vertus que l'on peut trouver chez un roi. Il était prudent, doux, compréhensif envers ceux qui avaient des problèmes, juste et humain. Et il n'a jamais péché, sauf pour la femme d'Urie. »

Giuseppe Flavio, Antiquités juives : 390-39

Nous allons au cœur de l'histoire de Salomon, et nous continuons l'intrigue et la tricherie. Qui, à contre-courant de la lumière, nous révèlent d'autres messages essentiels de l'humanisme biblique.

Les grands récits bibliques continuent à nous parler parce que, bien qu'ils nous dépassent, ils nous ressemblent. C'est en exil que les communautés humaines peuvent mettre par écrit leurs ressources narratives les plus précieuses. La grande souffrance de ces années, la patrie "si belle et perdue", les humiliations, le travail forcé, les grandes prières des Psaumes chantées le long des fleuves de Babylone, ont engendré dans le peuple une nouvelle et très profonde pietas (piété), un regard nouveau sur toute l'humanité. C'est dans les déserts que l'on apprend la valeur de l'eau ; c'est au contact des limites des hommes et des femmes blessés et humiliés que l'on apprend la valeur infinie des êtres humains. Notre souffrance et celle des autres transforment l'éthique en miséricorde, la seule qui nous rend capables de chanter les blessures humaines parce que nous savons y voir des bénédictions. Il faut toute une vie, et encore, pour apprendre à rencontrer Dieu dans les péchés du monde.

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Chaque parole authentique est un testament

Chaque parole authentique est un testament

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La prophétie, c'est l'histoire / 1 - N'ayez pas peur de la vie et de la chair des mots pour raconter l'homme et Dieu

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 02/06/2019

« Ben Bag Bag, un ancien maître de la Michnà, a déclaré: "Tournez et retournez tout ce qu'il y a dedans [dans la Torah]" (Avot 5,22). Tout est dans la Torah, mais vous devez la retourner et la retourner encore et toujours: Dieu a parlé, mais l'homme doit le commenter. »
Paolo De Benedetti
, Introduction au judaïsme

C'est ici que commence le commentaire des Livres des Rois : on entre immédiatement dans les ambivalences, les ambiguïtés et les tricheries de David et Salomon. Ils nous disent que le salut n'a pas besoin de pureté ni d'innocence pour agir et nous inviter à recommencer.

Moïse, après que son peuple eut construit et adoré le veau d'or sur les pentes de l'Horeb, entra dans une crise profonde. En présence de ce grand échec, il sentit le besoin de fortifier sa foi et demanda à son Dieu-YHWH : «Fais-moi voir ta gloire » (Exode 33:18). De temps en temps, après les rébellions, les trahisons et les infidélités, les nôtres et celles des autres, cette demande de Moïse ressurgit fortement en nous. Nous ressentons le besoin de voir à nouveau la "gloire" que nous avons contemplée le premier jour, pour continuer à croire et à vivre. Et, parfois, notre prière est exaucée. La lecture de la Bible est une possibilité concrète et merveilleuse de contempler à nouveau la "gloire" pendant et après des crises individuelles ou collectives, quand le souvenir de ce que nous avons vu hier ne nous suffit plus, et qu'en nous émerge et nous surprend invinciblement cette formidable et belle demande : laisse-moi voir ta gloire. La Bible est aussi cette théophanie qui se présente à nous chaque jour, et qui attend seulement que nous l’appelions.

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L’inizio dei "Libri dei Re" contiene anche la conclusione della vita del re Davide, iniziata con i libri di Samuele. E quindi continua anche lo spettacolo di inganni, imbrogli, omicidi, fratricidi, violenze, e con esso la radicale tendenza dell’ebreo antico a non aver paura dell’ambivalenza della propria storia né della storia umana; un’ambivalenza e una ambiguità che caratterizzano anche la storia sacra, che è una narrazione dell’azione di Dio intrecciata con la storia di uomini e quindi anche dei loro peccati.


Le début des "Livres des Rois" contient également la fin de la vie du roi David, qui a commencé avec les Livres de Samuel. On y retrouve donc le spectacle des tromperies, des tricheries, des meurtres, des homicides, des fratricides, de la violence, et avec lui la tendance radicale du juif ancien à ne pas avoir peur de l'ambivalence de sa propre histoire ou de l'histoire humaine ; une ambivalence et une ambiguïté qui caractérisent aussi l'histoire sainte, ce récit de l'action de Dieu qui se mêle à celle des hommes et donc aussi à leurs péchés.

Les Livres des Rois ont été écrits, ou du moins achevés, au cours des premières années de l'exil à Babylone, donc après la tragédie historique de 587 avant JC : la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor et la destruction du temple de YHWH. Ses destinataires furent ceux qui étaient en exil à Babylone, mais aussi ceux qui étaient restés à Jérusalem, ainsi qu’une importante communauté émigrée en Égypte. Des conditions différentes les unes des autres, mais toutes traversées et marquées par des questions nouvelles, essentielles et urgentes, que se posait alors le peuple d'Israël et qui sont toujours les nôtres : est-il logique de continuer à croire en Dieu-YHWHH qui a été vaincu ? Un Dieu vaincu peut-il rester un vrai Dieu ? L'Alliance et la promesse n'étaient-elles qu'illusion et tromperie ? Avons-nous encore, en tant que peuple, une mission universelle à accomplir ou notre temps est-il révolu ? Quelle religion et quel culte après la destruction du temple de Salomon ? Et si les seuls vrais dieux étaient ceux, plus simples, des autres peuples ? Les récits des patriarches, de Moïse, le Sinaï, le passage de la Mer Rouge ont-ils encore quelque chose à nous dire ? S'agit-il simplement de souvenirs anciens ou d'un dépôt pour notre avenir ?

L'histoire des Livres des Rois tente de répondre à ces questions (et à d'autres). Ce sont des livres de théologie narrative et historique, qui accordent une grande importance à la prophétie - ce n'est pas par hasard que nous trouverons dans ces livres de nombreux chapitres consacrés à deux éminents prophètes de la Bible : Élie et Élisée. Ces livres relatent une histoire et une théologie prophétique, ils sont tout à la fois histoire et prophétie, car dans la Bible l'histoire et la prophétie sont liées. L'histoire humaine est le lieu où Dieu communique ses messages par les paroles et les gestes des prophètes. Si vous voulez connaître Dieu, apprenez à lire l'histoire humaine : c'est peut-être le premier et le principal message de la Bible, qui devient aussi une carte et un dictionnaire pour s'orienter dans cette difficile lecture - chaque étude de textes bibliques étant aussi et surtout un exercice d’interprétation de l'histoire contemporaine.

Ce peuple juif, détruit, blessé à mort, qui souffrait de la faim et du travail forcé, traversé par des conflits religieux et politiques, que fait-il pour redécouvrir le sens du passé et imaginer un avenir possible qui soit encore relié à ce passé révélateur ? Il commence à écrire une histoire. Dans sa profonde dépression collective, ce peuple à part s’est mis à raconter l'histoire de son passé pour ressusciter au présent. C'est un message splendide pour nous qui sommes les héritiers de ces auteurs bibliques et qui vivons aujourd'hui des temps semblables. Lorsqu’après les plus grandes épreuves, nous voulons et devons recommencer, quoique blessés et découragés, nous pouvons toujours, petit troupeau dispersé et effrayé, essayer d’y arriver en racontant une histoire. Dans notre désarroi collectif et notre dépression, nous pouvons cesser de pleurer et essayer de nous relever en puisant dans le dernier capital qui nous reste : notre histoire, notre héritage et le don. On peut tracer un fil d'or et reconstituer dans l’obscurité des broderies lumineuses. Et ensuite, comme dans la technique japonaise du Kintsugi, utiliser l'or de ce fil retrouvé pour recomposer les différentes pièces du vase brisé, où les cicatrices deviennent la partie la plus noble de cette nouvelle création. Nous ne comprenons pas la Bible, ni de nombreuses histoires communautaires, sans prendre très au sérieux la narration du passé comme une recréation de l'avenir.

C’est avec ce regard, qui est aussi une prière, que nous commençons alors notre lecture : « Le roi David était vieux, avancé en âge ; on le couvrait de vêtements, et cela ne le réchauffait pas. Ses serviteurs lui dirent : "Que l’on cherche pour mon seigneur le roi une jeune fille, une vierge. Elle se tiendra devant le roi et prendra soin de lui. Elle se couchera tout contre toi, et cela tiendra chaud à mon seigneur le roi." On chercha une belle jeune fille dans tout le territoire d’Israël. On trouva Abishag la Sunamite, et on la fit venir chez le roi. La jeune fille était vraiment très belle.» (1 Rois 1,1-4).

Au début des Livres des Rois, nous trouvons David vieux, alité et incapable de "se réchauffer". La vigueur sexuelle des rois était un élément très important dans le monde antique. Un roi impuissant était un signe et un message de l'impuissance de son royaume. Réactiver cette virilité éteinte était donc une question politique et non médicale. Et une nouvelle femme, jeune et "extraordinairement belle" à insérer dans le harem de la cour, semblait aux yeux des fonctionnaires la meilleure solution - mais cela n'a pas marché : le roi n'eut même pas de relations avec la belle Abishag : «Elle prit soin du roi et fut à son service, mais le roi ne s’unit pas à elle.» (1,4). Avec David revient le féminin, qui avait été une constante, pour le meilleur et pour le pire, de la vie de David - pour la beauté d'une femme, Bethsabée, David avait commis son plus grand péché ; mais peut-être que dans la Bible aucun homme ne savait, autant que lui, comment comprendre, écouter les femmes et dialoguer avec elles.

Une première lecture de cet épisode bien connu nous amène à entrer en sympathie avec ce vieux roi qui, à la fin de sa vie, tente de répondre à la mort par un dernier appel de la vie. Eros contre thanatos. Et, à travers David, ce personnage de la Bible très affectionné, peut-être pouvons-nous essayer de regarder les nombreux hommes (et les quelques femmes) qui, dans la dernière saison de leur vie, cherchent des compagnons plus jeunes en croyant ainsi éviter la mort qui avance inexorablement à l'horizon… et grâce à cette empathie envers David, peut-être pouvons-nous essayer de ne pas les condamner, mais leur faire parvenir un rayon de compassion humaine (la Bible est aussi une banque où l’on peut emprunter, sans intérêt, des paroles bienveillantes sur la faiblesse humaine).

Mais cette attention envers David ne peut pas nous empêcher de nous intéresser à Abishag, cette jeune fille, cette femme, cette personne fragile utilisée par la politique des courtisans (des façons de faire communes à différentes cultures et époques). De temps en temps, nous continuerons à lire les récits bibliques, en nous plaçant du côté des victimes et souvent des femmes. L'épisode de l’impuissance de David apparaît sous un autre jour si on le regarde avec les yeux de cette jeune fille, peut-être très jeune, qui est arrachée à sa famille et conduite à la cour pour y faire office de chaufferette du roi. Essayons de rester un peu près d'elle, et, à travers elle, auprès des nombreuses filles qui continuent à « réchauffer » les puissants sans l'avoir choisi, entraînées dans ces alcôves en raison de leur pauvreté et de manigances. Et puis si nous y parvenons, sans être trop affectés, continuons à lire la suite de l'histoire : «Or, Adonias, fils de Hagguith, cherchait à s’élever. Il disait : "C’est moi qui régnerai"… De plus, il avait très belle apparence. C’est lui que sa mère avait enfanté après Absalom. Il entra en pourparlers avec Joab, fils de Cerouya, et le prêtre Abiatar : tous deux se rangèrent à la suite d’Adonias. Mais ni le prêtre Sadoc, ni Benaya, fils de Joad, ni le prophète Nathan, ni Shiméï et Réhi, ni les Braves de David ne furent avec Adonias.» (1, 5-10).

Adonias est l'un des fils survivants de David, le frère aîné de Salomon. Comme son frère Absalom, tué pendant la guerre civile contre David, il était grand et beau, et faisait valoir son droit d’aînesse en se proposant comme candidat à la succession sur le trône de son père. Puis nous trouvons des personnages clés déjà rencontrés dans les livres de Samuel, en particulier Ioab, le général sanguinaire de David, et Simei, celui qui avait maudit David en fuyant Jérusalem pendant la guerre civile contre son fils Absalom. Et, dans le parti opposé, Nathan, qui joue son rôle de prophète de cour, également ambivalent comme le monde du pouvoir dans lequel il vit - nous verrons qu'il ne suffit pas de ne pas être un faux prophète pour ne pas être un prophète partisan et ambigu. Encore des repas pris en commun qui, au lieu d'être des moments de convivialité, de fraternité et de communion, sont pervertis et deviennent des lieux de conflits, homicides et fratricides, qui impliquent aussi David et Salomon. Peut-être pour nous dire que si David et Salomon, malgré leurs nombreux péchés et tromperies, ont été choisis par Dieu, ont parlé avec lui, ont eu sa sagesse et sa bénédiction, nous pouvons, nous aussi, espérer parler avec les anges, et être bénis par Dieu et sa sagesse, malgré l'ambivalence de notre condition humaine. La Bible continue à nous aimer de cette manière, avec ces messages porteurs d’une extraordinaire espérance charnelle et spirituelle, divine et humaine, sainte et pécheresse. Comme David, comme Salomon. Comme nous.

Nous n'entrerons pas dans la grande beauté et sagesse des Livres des Rois si nous avons peur des péchés des hommes et des femmes, si nous les lisons pour y trouver une parole pure, dépourvue de nos souillures humaines. Les Livres des Rois (et toute la Bible, l’Ancien et le Nouveau Testament) ne sont ouverts qu'à ceux qui ne sont pas scandalisés par l'humanité tout entière, ni par leur propre humanité et celle des autres, parce que c'est depuis les profondeurs des malédictions que ces Livres nous conduisent sur les sommets de leurs véritables bénédictions. Il y a trop de paroles de vie qui ne nous parviennent pas parce que, effrayés par leur enveloppe de douleur et de péché, nous les bloquons et ne les laissons pas entrer dans notre chair pour la guérir et la racheter. Nous allons résolument essayer de nous laisser toucher par ces Livres, sans craindre leur humanité, ni l’épaisseur toute charnelle de leurs mots. Nous pouvons alors nous attendre à tout.

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La prophétie, c'est l'histoire / 1 - N'ayez pas peur de la vie et de la chair des mots pour raconter l'homme et Dieu

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 02/06/2019

« Ben Bag Bag, un ancien maître de la Michnà, a déclaré: "Tournez et retournez tout ce qu'il y a dedans [dans la Torah]" (Avot 5,22). Tout est dans la Torah, mais vous devez la retourner et la retourner encore et toujours: Dieu a parlé, mais l'homme doit le commenter. »
Paolo De Benedetti
, Introduction au judaïsme

C'est ici que commence le commentaire des Livres des Rois : on entre immédiatement dans les ambivalences, les ambiguïtés et les tricheries de David et Salomon. Ils nous disent que le salut n'a pas besoin de pureté ni d'innocence pour agir et nous inviter à recommencer.

Moïse, après que son peuple eut construit et adoré le veau d'or sur les pentes de l'Horeb, entra dans une crise profonde. En présence de ce grand échec, il sentit le besoin de fortifier sa foi et demanda à son Dieu-YHWH : «Fais-moi voir ta gloire » (Exode 33:18). De temps en temps, après les rébellions, les trahisons et les infidélités, les nôtres et celles des autres, cette demande de Moïse ressurgit fortement en nous. Nous ressentons le besoin de voir à nouveau la "gloire" que nous avons contemplée le premier jour, pour continuer à croire et à vivre. Et, parfois, notre prière est exaucée. La lecture de la Bible est une possibilité concrète et merveilleuse de contempler à nouveau la "gloire" pendant et après des crises individuelles ou collectives, quand le souvenir de ce que nous avons vu hier ne nous suffit plus, et qu'en nous émerge et nous surprend invinciblement cette formidable et belle demande : laisse-moi voir ta gloire. La Bible est aussi cette théophanie qui se présente à nous chaque jour, et qui attend seulement que nous l’appelions.

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Pour apprendre à ressusciter

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