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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 08/03/2015
Dieu a créé l’homme comme la mer créa les continents : en se retirant.
Friedrik Holderlin
Les grands changements, capables de régénérer le corps entier et de donner vie à un nouveau printemps, ne sont jamais amorcés ni guidés par les élites au pouvoir en sortie de crise. Cette dynamique est connue et vaut pour tout, donc aussi pour ces réalités que nous avons appelées communautés et mouvements charismatiques (nés d’un charisme, du don d’un "autre regard" sur le monde).
[fulltext] =>La tâche la plus difficile, mais vraiment fondamentale, de qui doit gérer une réalité charismatique vivante mais en déclin, est de comprendre, si possible au bon moment, qu’il doit avant tout, en se retirant, activer la création d’espaces de liberté et de créativité qui permettent l’émergence de nouvelles dynamiques et de nouvelles personnes. Personnes nouvelles à reconnaître dans le fils plus jeune qui fait paître le troupeau loin de la maison, dans un enfant d’une petite ville de Judée, dans un frère rejeté et vendu comme esclave. Quand, au contraire, les classes dirigeantes pensent, en toute bonne foi, qu’elles doivent elles-mêmes gérer le changement, elles finissent presque inévitablement par aggraver le mal qu’elles voudraient soigner.
Les réalités que des ferments idéaux font éclore sont de deux types : celles qui naissent dès le début en tant qu’organisations, et celles qui le deviennent après être nées comme mouvements.
La floraison et la durée des premières, que nous avons appelées les Organisations à Mouvance Idéales (OMI), dépendent de la capacité de créer de bonnes structures, des œuvres et des organisations robustes, souples, efficientes. Car, si le projet des fondateurs ne se fait pas "œuvre", rien ne survit à la génération des promoteurs.
Il se passe le contraire pour les organisations qui sont nées comme mouvements : le mouvement charismatique décline si, devenu organisation, il ne parvient pas à renaître comme mouvement, en renouvelant et démantelant courageusement ses propres formes organisationnelles, pour se remettre en route vers de nouvelles terres. Dans ces réalités aussi vient le temps de l’organisation, mais si l’on se bloque dans cette phase, la force prophétique du charisme s’atténue gravement, jusqu’à disparaître parfois. La vitalité prophétique d’un mouvement charismatique se vérifie au fait qu’il génère de nombreuses OMI, sans devenir lui-même une OMI, car dans ce cas l’Organisation dévorerait la Mouvance Idéale.
Un mouvement devenu organisation peut connaître un nouveau printemps charismatique quand, dans l’une au l’autre zone marginale de son "règne", des minorités créatives commencent à reconstituer les conditions pour que revive le "miracle" même de la fondation du charisme : le même enthousiasme, la même joie, les mêmes fruits. Le processus par lequel ces minorités deviennent majoritaires s’appelle réforme, seul remède au blocage de réalités collectives encore en vie mais stériles. Ce qui est vraiment nécessaire au renouveau d’un mouvement transformé en organisation et qui veut redevenir mouvement, c’est que les dirigeants comprennent qu’il leur faut favoriser à nouveau la liberté et l’innovation, pour que d’autres qu’eux suscitent un printemps charismatique, une renaissance comme mouvement. Comment donc – question cruciale – gérer les processus de renouveau dans ces communautés-mouvements qui, nombreuses encore - grâce à Dieu - et bien qu’en difficulté, désirent et peuvent assurer leur avenir ?
Il faut tout d’abord – condition préalable – ne pas aggraver la maladie qu’on s’efforce de guérir. Aux premiers signes de déclin, les responsables pensent en général qu’il faut changer les structures et travailler sur l’organisation elle-même. Pour alléger une organisation qui s’est trop développée (pathologie auto-immune dont nous avons parlé les dimanches précédents), on continue de concentrer énergie et travail sur les aspects organisationnels.
Mais l’histoire et l’actualité des mouvements et des communautés charismatiques nous montrent que les crises sont en fait un problème de « demande » (plus personne n’est attiré par le charisme), problème dû, dans les années précédentes, à des erreurs d’ « offre » (trop de structure et manque de créativité). Quand le mouvement se développe, les personnes plus créatives, à cause du renforcement des structures qui les concentre à l’intérieur de l’organisation, s’éloignent des périphéries et perdent contact avec les gens et les dynamiques de leur temps. Et alors que des changements sont nécessaires, les organes de gouvernement continuent de se centrer sur eux-mêmes et sur les structures, créant de nouvelles commissions et de nouveaux bureaux.
On travaille intensément pour alléger les structures, libérer des énergies et redonner aux membres du souffle et du temps, sans prendre conscience qu’ils ne sont plus en mesure, pour la plupart, d’annoncer vraiment le message et d’attirer de nouvelles vocations, parce que c’est le message charismatique qui est en crise, et avec lui le souci de l’annoncer et de le proposer dans un monde qui semble ne plus en avoir besoin. Il faut, pour se reprendre, impliquer et activer les lieux où la créativité est à l’œuvre, aux limites mêmes de l’empire. Il est vrai que tout cela se reçoit avant tout en don (charis), mais c’est aussi une affaire de sagesse organisationnelle, de profonde intelligence spirituelle, prophétique et rénovatrice.
C’est comme si – usons d’une métaphore imparfaite mais utile peut-être – une fabrique d’automobiles dont les ventes seraient en crise, se concentrait, pour redémarrer, sur l’offre seule (licenciements, simplification de l’organisation, unification structurelle, fermeture de filiales), alors que son vrai problème serait celui de la demande, car ses modèles, qui ont fait son succès, sont aujourd’hui boudés du public. Il lui faudrait donc plutôt investir dans la conception de nouveaux modèles en adaptant la mission et la tradition de l’entreprise au "marché" tel qu’il est. Si l’on fait passer du personnel administratif au service commercial sans renouveler les "modèles", ils seront les premiers à souffrir de frustration et d’insuccès parce qu’ils ne croient plus dans les modèles qu’ils s’efforcent de vendre.
On fait fréquemment l’erreur de penser, pendant cette crise, que le peu d’attractivité du message n’est dû qu’à des facteurs externes à la communauté, sans s’apercevoir que ses causes sont déjà internes et profondes. On ne comprend pas que les membres et les vocations de la communauté ont besoin de reprendre vie, en se racontant de vieilles histoires toujours nouvelles, pour être de nouveau capables d’attirer de nouvelles personnes. Beaucoup de nouvelles "évangélisations" surviennent quand, en racontant à d’autres la bonne nouvelle, nous réussissons de nouveau à la ressentir vivante en nous aussi. C’est ainsi que renaît une histoire d’amour à la fois nouvelle et ancienne, un nouvel eros, de nouveaux désirs, une nouvelle générosité, de nouveaux enfants.
Si l’on pense au contraire qu’on peut soigner le ‘mal’ en s’occupant d’abord de l’hypertrophie structurelle et seulement ensuite en produisant de "nouveaux modèles", les premiers à se décourager sont les "concessionnaires". En temps de crise les énergies morales sont rares, et il est capital de bien choisir dans quelles priorités les investir : il serait fatal de se tromper dans l’ordre temporel et hiérarchique des interventions. Parce qu’en changeant les structures avant de repenser la mission du charisme, on risque concrètement d’orienter le changement dans la mauvaise direction.
Les mouvements et les communautés charismatiques ne vendent pas d’automobiles, mais eux aussi vivent et font bien vivre dans la mesure où ils sont capables d’actualiser leur message et leur charisme, en l’insérant dans le langage et les désirs du temps présent, pour ainsi attirer aujourd’hui les meilleurs. Ici aussi les "nouveaux modèles" naissent de l’étude, du talent des designers et des concepteurs, mais ils naissent avant tout de la fréquentation des nouvelles périphéries habitées de nouveaux besoins, de l’écoute des familles et des jeunes, de la rencontre en corps-à-corps avec des personnes en chair et en os. Mais ce n’est pas en se regardant narcissiquement qu’on acquiert à nouveau le sens du propre charisme et de la propre vocation, ni en créant une structure nouvelle à cet effet. En général, dans ces crises, ce ne sont pas les technologies, les savoir-faire ou les bons ingénieurs qui manquent, mais surtout le contact avec le monde qui d’année en année s’est trop éloigné. Le charisme ne peut donc refleurir qu’en se remettant à rencontrer les gens le long des routes, oublieux de ses organisations pour s’occuper des blessures et des souffrances des hommes et des femmes d’aujourd’hui, surtout des plus pauvres – être loin des pauvres est le premier signe de crise des réalités charismatiques. Les "modèles" peuvent et doivent être renouvelés, parce que le charisme n’est pas l’automobile, mais l’entreprise de construction d’automobiles, qui, pour vivre et grandir, doit être capable de se rénover, de changer, et d’interpréter de façon créative sa propre mission dans le temps présent.
Après le grand déluge, le livre de la Genèse (ch. 11) nous raconte l’histoire de Babel. L’humanité sauvée par Noé, au lieu de suivre le commandement de Dieu et de se disperser à la surface de la terre, s’arrête, se construit une forteresse, avec une seule langue, sans diversité. Voilà qu’après les grandes crises arrivent à point nommé la tentation de Babel : on a peur, on se défend, on tend à préserver sa propre identité, on se regarde, on perd en biodiversité. Le salut est dans la dispersion, dans la diversité des langues, dans la marche sans délai vers de nouvelles terres.
La grande transition se termine avec ce 10ème épisode. Nous l’avons ouverte avec le destin du capitalisme, nous la concluons avec celui des charismes. Dimanche prochain nous reprendrons avec Job la lecture de la Bible. Nous y chercherons des paroles plus grandes que les nôtres, et nous efforcerons d’écrire et de nous raconter de nouvelles histoires génératrices de vie et d’avenir.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 01/03/2015
Pour me cacher de toi j’ai éteint ma lumière, mais tu m’as surpris par les étoiles.
Rabindranath Tagore
Les communautés et mouvements générateurs ont été ceux qui ont mis leurs membres en condition de répéter, sous différentes formes, l’expérience même du fondateur. Les mêmes miracles, la même liberté, les mêmes fruits. L’histoire du christianisme en est l’éloquente démonstration : la fécondité de l’expérience chrétienne, ce sont les milliers de communautés et de mouvements nés de la même souche, qui ont revécu dans le temps et l’espace les expériences des premiers temps : pains qui se multiplient, estropiés qui marchent, crucifiés qui ressuscitent. Les expériences charismatiques génératrices d’avenir ont été plurielles, pluralistes, vergers aux nombreux arbres, jardins aux centaines, aux milliers de fleurs toutes semblables et différentes, fleuries du même humus, aux couleurs pareilles et si diverses. La semence assume les caractéristiques du terrain qui la nourrit, générant des personnalités toujours nouvelles, qui enrichissent la terre.
[fulltext] =>Chaque membre d’une communauté charismatique authentique possède des caractéristiques propres qui le différencient des types d’individus communs de notre temps (salarié, fan d’un écrivain, militant d’une association humanitaire). Tous ces types sont souvent aussi présents dans les communautés et mouvements charismatiques, mais on trouve à leurs côtés des personnes très différentes. Ce n’est pas quelque chose d’extérieur que ces personnes ont rencontré en rencontrant un charisme-idéal, c’est elles-mêmes. Ce fait, très commun dans les mouvements spirituels, se vérifie aussi, à des degrés divers, dans certaines réalités civiles, politiques, culturelles.
Il est en effet des femmes et des hommes qui, au contact avec une spiritualité ou un idéal, ressentent immédiatement une profonde affinité intérieure avec ce qu’ils rencontrent. Ces personnes vivent déjà quelque chose de ce charisme qui les saisira ; elles en sont "porteurs sains" jusqu’à leur entrée en contact avec la communauté où vit et agit ce charisme. Quand un jeune étudie la chimie et commence à travailler dans une entreprise, il apprend, en étudiant et en travaillant, un métier qui le fait devenir quelque chose qu’il n’était pas avant ces études et ce travail. Par contre, quand une jeune fille se sent appelée en rencontrant le charisme de St François, elle ne devient pas franciscaine, parce qu’elle l’était déjà ; autrement dit, elle devient ce qu’elle était déjà. On peut apprendre un métier, pas une vocation : Van Gogh a appris les techniques picturales, mais il était déjà Van Gogh.
C’est le grand mystère des charismes et de toutes les vocations humaines dont le monde est rempli. Dans la rencontre décisive de notre vie, nous faisons une expérience bien plus "ontologique" que psychologique et émotive. Un jésuite ne reçoit pas son charisme de St Ignace ou des autres jésuites, mais, mystérieusement et réellement, il le trouve en lui-même et s’aperçoit qu’il est là, en sommeil, dans la "cellier" de l’âme, en attente seulement qu’on l’appelle par son nom.
La rencontre d’un charisme ouvre une dimension latente mais réelle, et suscite un processus de reconnaissance : la personne se ‘reconnaît’ et s’ouvre, par cette rencontre, à une nouvelle connaissance, à une nouvelle révélation de soi et du monde. Sans cela disparaîtraient le mystère et l’attrait des vocations ; nous finirions en partisans et bénéficiaires des mesures incitatives, et nous serait barré l’accès à la vraie liberté et à la vraie gratuité. Celles-ci naissent de la conscience qu’en suivant un charisme on suit le meilleur de nous-mêmes, certes avec d’autres et en relation fondamentale avec le fondateur. Ce jeu du ‘devenir ce qu’on est déjà’, de rencontre entre le dehors et le dedans, se retrouve, si l’on y regarde bien, dans toute vraie relation d’amour : en rencontrant l’autre on reconnaît en fait quelqu’un qui, mystérieusement, était déjà présent quelque part dans notre vie, où il nous attendait, silencieux, d’être "remarqué". Tout cela advient de façon plus radicale encore dans les authentiques expériences idéales en communauté.
Deux conséquences s’ensuivent. D’une part, beaucoup sur terre ne s’ « éveillent » pas, faute d’avoir rencontré quelqu’un, ou une communauté, capable d’activer ce qu’il y a en eux de plus profond. D’autre part, les rencontres vocationnelles ne se limitent jamais à une seule rencontre. Il peut y avoir pour certains (une sœur, un artiste…) une rencontre décisive, mais elle ne sera pas la seule, et on éteindrait toute lumière née de la rencontre principale si l’on privait les personnes d’autres rencontres identitaires. Pour éviter que la première rencontre, capitale, ne devienne une prison, il en faut d’autres.
Vivre sur les pas d’un charisme (religieux ou civil) est donc une affaire très délicate. La mutuelle reconnaissance idéale entre la personne et la communauté risque toujours de produire des névroses mutuellement narcissiques.
La gestion de la déception est dans cette expérience un élément crucial. La déception est en effet inévitable pour qui se met en route sur les pas d’un charisme, parce que rien, dans l’histoire, n’est à la hauteur de l’idéal. Il fallait que l’idéal de la communauté et l’idéal que nous avons en nous, soient plus grands que la réalité pour "allumer" en nous quelque chose. Toute bonne maturité est faite aussi de déception quant aux promesses de la jeunesse.
Mal gérée et mal acceptée, une déception produit deux scénarios possibles, tous deux dangereux : (a) la réduction de l’idéal à la réalité, (b) l’interprétation idéologique de la réalité pour la faire coïncider avec l’idéal.
Le premier scenario est l’erreur des communautés et des personnes qui, face aux premières déceptions (collectives surtout), réduisent la portée idéale du charisme et le changent pour qu’il soit plus gérable et facile : on réduit YHWH à un veau d’or. Son inévitable conséquence est l’incapacité du "nouvel" idéal, ainsi redimensionné, à attirer des personnes à grande aspiration idéale, car elles ne s’y reconnaissent plus.
Le second n’est pas moins dangereux et nocif. Il se manifeste quand, pour éviter que les personnes attirées par de grands idéaux, forcément irréels, ne finissent déçues, on construit une véritable idéologie. Au lieu de s’éduquer ensemble à l’acceptation et à l’habitation de l’ « écart » entre les promesses de l’idéal et les possibilités du réel, on prend pour idéal la réalité même, toute réalité, en la réinterprétant sans cesse, et l’on fait porter à la non-correspondance de l’individu la responsabilité de "l’écart". Ce faisant, on n’accueille pas le fait que la déception fait naturellement et nécessairement partie du chemin de croissance de la personne ; on la nie et on la noie dans l’idéologie ; et on empêche le plein épanouissement des membres, qu’on continue de consoler et de maintenir dans une condition infantile, qui ignore la déception puisqu’elle vit dans l’illusion.
Dans le premier scénario, l’écart "idéal-réalité" s’annule par réduction (de l’idéal) ; dans le second, il s’annule par agrandissement (de la réalité). En somme, on ne propose pas la seule vraie possibilité de franchir positivement cette étape décisive de toute existence : une éducation à l’habitation de cet écart, en soignant les inévitables délusions du devenir adulte, sans effacer les vérités, ni de l’idéal, ni du réel.
Une réalité collective née d’un charisme-idéal aura un avenir dans la mesure où on y développe vraiment les rapports entre le fondateur, la communauté, l’interprétation du charisme et chacune des "vocations". Le profil charismatique de la société est une expression et une continuation de la vocation prophétique, dont la Bible offre des modèles incomparables. La prophétie des communautés et des mouvements charismatiques n’appartient cependant pas au seul fondateur ou à la seule communauté dans son ensemble : toute personne qui a reçu le même charisme incarne cette prophétie, la vit, la développe par son être même. En tout franciscain, dominicain, salésien… revivent Isaïe, Jérémie, Osée ; en lui ressuscitent leurs paroles, leur indignation, leur critique aux pouvoirs établis de toute époque, y compris la nôtre. Et en lui revit Moïse, le plus grand prophète, et sa vocation typique de libérateur d’un peuple esclave du pharaon et de ses idoles. L’expérience de la prophétie n’est pas réservée aux élites intellectuelles ou professionnelles : il y a, parmi les prophètes qui m’ont aimé et "éveillé", des ouvriers, des paysans et des femmes issus du primaire.
On peut dire qu’une organisation à mouvance idéale vit bien et fait bien vivre ses membres et le monde, quand elle génère cent, voire mille Moïse. Quand, au contraire, les communautés et mouvements réservent ce rôle de libérateurs à leurs leaders, en assignant à leurs membres le rôle du peuple qu’on libère et conduit à travers le désert, alors les vocations s’éteignent, les fleurs se fanent, la force prophétique du charisme s’amenuise. Et notre terre s’assombrit. Il est peu de plus belles gens sur terre que des jeunes qui répondent à un appel… mais peu de plus tristes expériences que de voir ces vocations se faner à l’âge adulte.
Les charismes sont vivants tant qu’ils rendent les personnes libres ; personnes qui, à la voix émanant d’un buisson alors qu’ils paissent leur troupeau, la reconnaissent comme celle qui les habite en profondeur depuis toujours (sinon elles ne la reconnaîtraient pas comme bonne et ne lui obéiraient pas). Elles partent alors pour l’Égypte, voient les plaies, la mer s’ouvrir, la manne descendre du ciel, Myriam danser. Et elles continuent de nous indiquer une terre promise au-delà de notre horizon.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 01/03/2015
Pour me cacher de toi j’ai éteint ma lumière, mais tu m’as surpris par les étoiles.
Rabindranath Tagore
Les communautés et mouvements générateurs ont été ceux qui ont mis leurs membres en condition de répéter, sous différentes formes, l’expérience même du fondateur. Les mêmes miracles, la même liberté, les mêmes fruits. L’histoire du christianisme en est l’éloquente démonstration : la fécondité de l’expérience chrétienne, ce sont les milliers de communautés et de mouvements nés de la même souche, qui ont revécu dans le temps et l’espace les expériences des premiers temps : pains qui se multiplient, estropiés qui marchent, crucifiés qui ressuscitent. Les expériences charismatiques génératrices d’avenir ont été plurielles, pluralistes, vergers aux nombreux arbres, jardins aux centaines, aux milliers de fleurs toutes semblables et différentes, fleuries du même humus, aux couleurs pareilles et si diverses. La semence assume les caractéristiques du terrain qui la nourrit, générant des personnalités toujours nouvelles, qui enrichissent la terre.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 22/02/2015
EDeux hommes étaient restés au camp ; l’un s’appelait Eldad et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux… Ils se mirent à prophétiser dans le camp. Un jeune homme courut l’annoncer à Moïse : "Voici Eldad et Meldad qui prophétisent dans le camp". Moïse lui répondit : "Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Puisse tout le peuple de Yahvé être prophète !"
Livre des Nombres, 11.
Les organisations, les communautés, les mouvements sont des organismes vivants : ils naissent, grandissent, meurent, tombent malades, se soignent. Une maladie, que dimanche dernier nous avons appelée auto-immune, est particulièrement grave et difficile à soigner, parce qu’on interprète ses premiers symptômes comme des signes de succès et de bonne santé. Comme dans toute maladie auto-immune, les mêmes facteurs qui avaient fait grandir et avaient protégé une OMI (organisation à mouvance idéale), commencent à un moment donné à infecter le corps social qu’ils avaient pendant longtemps nourri.
[fulltext] =>Pensons à la question cruciale des structures et de la bureaucratie des OMI. La naissance de l’organisation, des œuvres et des institutions du "charisme" sont un signe de la fécondité et de la solidité de l’expérience. Leur apparition est vue et saluée comme une bénédiction. Au début ces structures, nées de rencontres, de besoins et de demandes externes faites aux OMI, étaient le fruit de la vie, et elles étaient à son service. Mais à un moment donné c’est de l’intérieur qu’on les a produites pour anticiper de futurs besoins et des "demandes" potentielles. Ainsi les structures centrales et auxiliaires grandissent ; une bureaucratie interne naît et se développe, absorbant une quantité croissante d’énergies, de forces humaines et spirituelles pour gérer les structures nées du premier succès. Se développe alors progressivement un personnel de bureau à temps plein, croissance hypertrophique qu’on ne perçoit pas comme un signal de déclin, mais comme une force et un succès de l’organisation-mouvement.
Sans structures et institutions nos idéaux resteraient des expériences passagères, dont l’histoire ne garderait aucune trace. Mais les structures et les institutions bureaucratiques peuvent finir, comme dans le mythe d’Œdipe Roi, sans le vouloir ni le savoir comme dans la tragédie, par manger le père qui les a fait naître.
Cette loi "du début du crépuscule de midi", nous la retrouvons dans beaucoup de réalités humaines, surtout celles qui excellent, les plus grandes. Elle est à l’œuvre, par exemple, dans les personnes particulièrement talentueuses.
L’écrivain, l’artiste, atteint le sommet de son épanouissement grâce aux rencontres, aux lectures qui le nourrissent dans sa période de formation et de croissance. Mais c’est alors que le succès peut finir par dévorer le talent. L’écrivain cesse de se nourrir de biodiversité et, rassuré et comblé par son propre succès, il commence à se nourrir de lui-même, à s’auto-consumer. Il feuillette les livres des autres auteurs en partant de la dernière page, cherchant son nom dans l’indice des citations. C’est le narcissisme, l’amour de son image, et la noyade dans le lac de son propre talent. Il ne ressent plus le besoin d’apprendre, d’écouter, de se laisser mettre en discussion par la critique. La créativité commence alors son déclin, que masque au début le crescendo des fans, des lecteurs, des récompenses et des faveurs de l’opinion. En réalité c’est le début du couchant.
On s’en sort si on est capable de s’en apercevoir et d’agir en conséquence, tandis que tout et tous ne parlent que de triomphe. Mais si l’on attend pour réagir que le soleil soit couché, le processus, trop avancé, devient irréversible. Comme dans les autres maladies auto-immunes, le traitement peut venir de l’extérieur de l’organisme : seul, on voit seulement qu’il est midi. Les autres voient plus vite et davantage, non pas les partisans mais les pairs, surtout s’ils ont le courage de risquer le sort (probable) du grillon parlant de Pinocchio.
Quelque chose de semblable advient dans les grandes et meilleures OMI, qui ressemblent beaucoup aux artistes, aux personnes géniales ; d’ailleurs il n’y a rien au monde de plus créatif, sublime et exaltant que les OMI. La tâche la plus importante de leurs fondateurs et/ou responsables, est de réussir à discerner au sommet du succès sa potentielle autodestruction, et d’agir en conséquence par des choix organisationnels drastiques et douloureux (par exemple, en découragent l’homologation des membres, en réduisant la distance entre le leader et le groupe, en combattant l’auto-référentialité, en ne se complaisant pas dans l’écho de soi renvoyé par les adhérents, en favorisant chez eux l’autonomie de pensée…).
Mais l’histoire nous montre qu’ils font presque toujours le contraire, qu’ils construisent des organisations et des structures hiérarchiques pour orienter toute l’activité et l’être de chacun à la montée en puissance et au développement de ces succès et consensus.
Comment éviter ces tristes dénouements, qui s’autoproduisent et que personne ne voudrait ? Comment ne pas se complaire dans le succès et s’auto-condamner ainsi à la stérilité ? Tout dépend de la capacité des leaders à éviter une erreur aussi commune que fatale : le réductionnisme identitaire. Ils commettent cette erreur quand, pour orienter toutes les énergies morales des membres aux buts de l’organisation, ils tendent au monopole sur les personnes. Ils créent des individus "à une seule dimension" identitaire, et réduisent, souvent sans le vouloir, leur richesse anthropologique et motivationnelle. C’est oublier que chaque personne, surtout si elle est douée, est excédentaire par rapport à la mission de l’organisation ou du mouvement, si grande soit-elle. En cela réside la dignité de chacun, au-delà de tout paradis qu’on lui promet.
S’il est essentiel pour toute OMI d’éviter cette erreur, c’est crucial pour les communautés spirituelles, car elles vivent de personnes à vocation identitaire dominante, ancrée à un "pour toujours". Le risque est grave de ne pas reconnaître que l’identité dominante n’est jamais le seul axe de la personne, que son épanouissement au-dedans et au-dehors de l’OMI dépend du jeu de la mutuelle fertilisation des nombreuses dimensions dont sa vie est faite. Le paradoxe de la gratuité vaut aussi pour cela : pour que les personnes s’épanouissent et enrichissent l’organisation, les autres et le monde, il faut se garder de les posséder, de les utiliser, consumer, instrumentaliser, pas même pour les plus nobles finalités.
Tout adepte d’un "charisme" s’épanouit en fonction de sa manière personnelle de correspondre à la vocation qu’il a reçue, s’il trouve et cultive son propre "charisme" dans celui qui le précède.
Tous les membres de l’OMI doivent éviter l’erreur du "monopole", en premier lieu les responsables : ils doivent résister à cette tendance, même envers ceux qui, en forte recherche identitaire globalisante, n’attendent que cela. S’ils n’y résistent pas, ces personnes finissent par perdre leurs capacités, leur richesse anthropologique, morale, spirituelle. Comme ces dénouements ne sont pas intentionnels, il est difficile de les prévenir et de les guérir ; il est donc important d’en parler.
Quand font défaut cette gratuité et cette chasteté organisationnelles, les personnes qui suivent une vocation "fonctionnent" pendant quelques années ou décennies, puis tombent inévitablement et radicalement en crise. Elles trouvent alors leur salut dans la sortie, ou en renonçant à s’épanouir – le monde des ordres religieux et des communautés charismatiques nous en montre dans les faits toujours plus d’exemples.
À un moment donné, ces personnes se trouvent devant une bifurcation : ou bien elles se réapproprient leur vie dans son intégrité en allant s’épanouir au-dehors de l’OMI, ou bien elles se contentent d’une vie limitée, sans éros ni désir, même si c’est par vertu et fidélité à soi-même (cela produit de l’excellence morale chez l’individu, mais rarement dans l’OMI).
Cette chasteté et cette gratuité organisationnelles sont très rares et délicates : elles requièrent de la part des responsables de savoir accueillir des développements vocationnels inédits, imprévus, et l’ouverture de nouvelles frontières ; non seulement de savoir apprécier et goûter de bonnes exécutions orchestrales de partitions déjà connues, mais aussi de se laisser surprendre par de nouvelles partitions, musiques et danses. Les OMI qui ont su vivre pendant de nombreuses générations, ont su faire naître non seulement de bons interprètes mais aussi des "compositeurs" de nouvelles mélodies sur la dominante du thème originel, des créateurs même de concerts et de symphonies qui ont continué à embellir la terre et le ciel.
L’histoire et la vie nous disent – c’est là un grand message d’espérance – que ces nouveaux concerts, danses et symphonies peuvent aussi fleurir au sein d’OMI déjà affectées par la maladie auto-immune. La vie est en effet imprévisible et plus intéressante que la description qu’on en fait, et les organisations et communautés peuvent un jour, comme les personnes, se réveiller guéries ou en voie de guérison. De plus, les réalités humaines sont peuplées de milieux de vie, de lieux et de périphéries où certains "prophétisent", même aux limites des campements.
Le salut est possible dans les situations les plus périlleuses, parce qu’une troisième possibilité se présente toujours. De nombreuses personnes (j’en connais quelques unes) ont le don mystérieux, mais réel, de faire une expérience semblable à celle que Jésus propose à Nicodème : de "vieux" redevenir "enfant". On peut devenir adultes en restant "enfants", on peut grandir au sein de l’OMI sans devenir cyniques ou désenchantés. On est alors comme une cellule souche capable de faire renaître l’organisme tout entier. Cette troisième option est toujours possible, en tout contexte, dans toutes les OMI et toutes les communautés. Tous les jours.
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Par Luigino Bruni
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 15/02/2015
"Je ne fais que suivre un commandement divin, sachez-le : je suis même convaincu que la mission divine que j’accomplis soit le plus grand bien qui ait jamais été fait à cette ville".
Platon, Apologie de Socrate
Beaucoup d’entreprises et d’organisations naissent pour se saisir d’une opportunité de marché, répondre à un besoin, assurer un service. D’autres, par contre, sont l’émanation de la personnalité, des passions et des idéaux d’une ou plusieurs personnes qui, dans l’organisation qui est la leur, incarnent les paroles et les projets les plus importants de leur vie.
[fulltext] =>De ces ‘autres’ organisations et communautés la terre est pleine, et en elles se développent beaucoup de belles et grandes choses de notre vie : les motivations s’y concrétisent en projets, les projets entrent dans l’histoire, et l’histoire s’enrichit de couleurs et de saveurs. Mais seuls des membres créatifs et innovateurs peuvent faire en sorte que ces réalités survivent au fondateur. Or, une fois assurés la croissance et le développement de ces organisations et communautés, ceux-là même qui les ont suscités leur donnent des structures de gouvernement qui inhibent toute nouvelle créativité et les mènent au déclin. C’est une loi fondamentale du mouvement de l’histoire : la même créativité qui a généré des organisations et des communautés se met à produire en leur sein des anticorps contre les nouvelles créativités et innovations pourtant nécessaires à leur survie. Grave maladie auto-immune qui frappe nombre d’entre elles.
Sa racine est dans la crainte de perdre l’originalité et l’identité spécifiques du "charisme" du fondateur. Par crainte d’édulcorer, contaminer et détériorer la pureté originelle de la mission de la communauté-organisation, on décourage les personnes plus créatives parce qu’on les perçoit comme une menace pour l’identité. Alors, au lieu d’imiter et de prolonger la créativité du fondateur, on maintient les formes dans lesquelles elle s’est concrétisée et manifestée. On confond le noyau immuable de l’inspiration originelle avec la forme d’organisation historique qu’elle a assumée dans sa phase de fondation, et on ne comprend pas que le salut de l’inspiration originelle consisterait à changer les formes pour rester fidèles à la substance du noyau initial. Tout finit dans l’immuable, le figé, le flétri.
Les symptômes de cette maladie sont multiples. Le plus évident est l’émergence d’une incapacité générale d’attirer de nouvelles personnes qui soient créatives et dotées de qualités. Le plus profond est une carence en eros, passion et désir, qui se manifeste dans une paresse organisatrice collective. Si les désirs et les passions des nouveaux membres sont canalisés dans les formes historiques qu’ont prises les désirs et les passions du fondateur, on finit par désirer les fruits de l’arbre, et non l’arbre qui les a produits. Qui gouverne une organisation et veut qu’elle perdure, devrait dire à ses gens créatifs et aux jeunes : "Ne désire pas seulement les fruits d’hier qui te fascinent aujourd’hui. Sois nouvel arbre".
Quand un arbre (OMI, organisation à mouvance idéale) a produit de bons fruits, sa seule véritable possibilité de survie est de devenir verger, bois, forêt ; de s’exposer au vent et d’accueillir dans ses branches les abeilles qui disséminent ses semences et ses pollens et génèrent une nouvelle vie. Saint François vit encore après des siècles parce que son charisme a généré des centaines, des milliers de nouvelles communautés franciscaines, à la fois toutes semblables et diverses, toutes de François et toutes expressions du génie des nombreux réformateurs et réformatrices qui, par leur créativité, ont fait de ce premier arbre un verger fécond.
Il n’est pas garanti que la créativité des nouveaux venus produise les mêmes fruits que le fondateur, avec la même saveur, ni même qu’ils soient bons –"vous ferez des œuvres plus grandes encore". La mort est par contre certaine si l’on n’a pas le courage d’affronter ce risque vital. Une OMI peut mourir de stérilité, mais aussi de sa mutation en quelque chose qui n’a plus rien à voir avec l’ADN et les idéaux du fondateur – comme cela advient, par exemple, en trop d’œuvres d’ordres religieux redressées par des entreprises qui ne visent que le lucre et la rente, sans plus aucun rapport avec l’ADN charismatique originel. En tout domaine, le chemin de la continuité et de la créativité fidèle au rêve des fondateurs existe, mais il passe dans un territoire où se mêlent le risque, la confiance et la sagesse dans le gouvernement, alchimie aux résultats toujours imprévisibles.
La responsabilité de la culture et des choix de gouvernement est spécialement engagée dans ces phases cruciales, notamment dans celle du passage de la génération fondatrice à la suivante, mais aussi quand les temps requièrent des changements profonds et courageux. À l’origine de la maladie auto-immune se trouve presque toujours l’erreur des dirigeants de n’impliquer les membres les plus innovateurs que pour des fonctions et des rôles d’exécution, où leurs talents ne peuvent s’épanouir. On se trouve là au cœur de la pathologie, et donc de son traitement. En temps de fondation, temps de pure créativité - qui peut durer des décennies - les OMI attirent d’excellentes personnes, porteuses de talents et de ‘charismes’ en synergie avec celui du fondateur. Le gouvernement du fondateur et de ses premiers collaborateurs fait alors preuve de sagesse s’il permet aux personnes créatives de développer leur diversité, sans les transformer en seuls serviteurs du charisme du leader. Car à défaut de valoriser les diversités et à force de mobiliser les meilleurs talents dans la culture uniforme du développement de l’organisation, l’OMI finit par perdre en biodiversité et en fécondité, et court à sa perte.
Prévenir et soigner cette forme de maladie auto-immune est particulièrement difficile, parce qu’il s’agit du développement pathologique d’un processus au départ vertueux et nécessaire à la naissance, à la croissance et au succès de l’organisation.
Durant la première phase de vie du fondateur ou de la fondatrice, beaucoup d’OMI vivent la plus haute forme de créativité que l’homme puisse expérimenter, la seule à y ressembler étant celle des artistes, à qui d’ailleurs il / elle ressemble beaucoup. C’est la saison de la créativité pure, absolue, explosive, débordante. Pour incarner dans une institution cette grande créativité, il faut des personnes qui réalisent, répandent, consolident et concrétisent cette énergie, qui canalisent ce flux de la nouvelle source. De tous les membres est requise une certaine créativité, mais on peut la qualifier de second degré : elle s’exprime dans la recherche des formes, des modes et des moyens de réalisation et d’incarnation de la créativité originelle et originale dans de nouveaux espaces géographiques, dans de nouveaux milieux et secteurs d’activités.
Mais la première, et souvent la seule, vertu requise des membres des OMI dans cette phase initiale, est la fidélité absolue et inconditionnelle à l’inspiration originelle : toute créativité et force vitale lui sont subordonnées et sont mises en conséquence à son service. Sans ce jeu de fidélité absolue et de créativité subsidiaire, de nombreux mouvements spirituels et communautés qui ont rendu le monde plus beau et continuent de l’embellir chaque jour ne seraient pas nés ; ni de nombreuses associations et entreprises sociales qui doivent leur naissance et leur croissance au "bon génie" des ‘prophètes’ de notre temps.
Durant cette première phase, la direction de l’association oriente donc la créativité des meilleurs membres vers des fonctions de gouvernement et de responsabilité "fidèles". En même temps, on assiste au fil des ans à l’attrait de nouveaux membres, que la littérature économique qualifie de "conformistes", personnes heureuses de s’aligner sur les goûts, les valeurs et la culture dominante du groupe, valeurs justement requises et nécessaires dans cette phase de développement.
Mais quand le fondateur, la fondatrice ou la génération de la fondation passent, ces organisations et communautés se retrouvent avec des membres éduqués à la seule fidélité et à la créativité de second degré, alors que c’est la première créativité qui serait nécessaire dans cette nouvelle phase, cette même créativité fondatrice qui les avaient tous attirés. Personne parmi les créatifs n’est attiré par des imitateurs conformistes. On tombe ainsi dans des ‘trous de pauvreté’ qui s’autoalimentent. Car, d’une part, fait défaut parmi les membres de l’organisation cette créativité génératrice et libre (de premier degré), puisqu’elle avait été découragée. Et, d’autre part, ces ‘vertus négatives’ qui avaient été fondamentales dans la première phase créent à présent une culture trop peu vivante et dynamique pour attirer de nouvelles personnes créatives, pourtant nécessaires à un nouveau printemps. Cela explique pourquoi l’arc historique de la plupart des organisations à mouvance idéale suit la parabole de leurs fondateurs, et que le changement de génération y signe le début du déclin.
Mais le déclin n’est pas leur seul destin, parce que la maladie auto-immune des organisations peut être prévenue, ou au moins traitée, le seul traitement valable étant d’en prendre conscience au début du processus. L’histoire passée et présente nous enseigne que parfois les mouvements fleurissent après la mort du fondateur, que les communautés renaissent d’une génération à une autre, et que l’arbre, loin de mourir, se multiplie en verger.
Les organisations, comme toute vie authentique, peuvent vivre plusieurs saisons en mourant et renaissant plusieurs fois. Mais apprendre à renaître, c’est d’abord apprendre à mourir. Qui veut au contraire sauver sa propre vie, la perd. C’est la loi de la vie, celle aussi des organisations qui naissent de nos plus grands idéaux.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 15/02/2015
"Je ne fais que suivre un commandement divin, sachez-le : je suis même convaincu que la mission divine que j’accomplis soit le plus grand bien qui ait jamais été fait à cette ville".
Platon, Apologie de Socrate
Beaucoup d’entreprises et d’organisations naissent pour se saisir d’une opportunité de marché, répondre à un besoin, assurer un service. D’autres, par contre, sont l’émanation de la personnalité, des passions et des idéaux d’une ou plusieurs personnes qui, dans l’organisation qui est la leur, incarnent les paroles et les projets les plus importants de leur vie.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 08/02/2015
"Dans le monde des idées comme dans celui des affaires, on assiste à une véritable liquidation. On trouve tout à un prix si dérisoire, qu’on se demande s’il restera encore quelqu’un pour nous offrir quelque chose".
Søren Kierkegaard, Crainte et appréhension
C’est le jeu et le tressage des différences qui fait la beauté de la vie sociale. La terre ne doit pas sa beauté à la seule variété des papillons et des fleurs. Une grande beauté vient aussi des différentes formes d’économies, d’entreprises, de banques. Plus grande encore la beauté des différences entre personnes, de la rencontre entre leurs divers talents, de leur dialogue sur ce qui les motive.
[fulltext] =>On doit beaucoup d’ « œuvres d’art » civiles, qui continuent d’embellir notre terre, à des motivations tout autres que celles des incitations économiques, à des ‘pourquoi’ plus profonds que les ‘pourquoi’ monétaires. Si leurs fondateurs avaient obéi aux règles bien établies du business, nous n’aurions pas aujourd’hui les nombreux Cottolengo où sont aimés nos enfants nés spéciaux, ni les milliers de coopératives nées du désir de vivre et d’avenir de nos pères, mères et grands-parents. Ces œuvres nées d’idéaux plus grands ont résisté au temps et aux idéologies, et elles traversent les siècles ; nées de grandes motivations, elles ont généré des choses grandes, durables, fertiles. La vie économique et civile est vie humaine, et a un extrême besoin de toutes les ressources de l’homme et de ses motivations les plus profondes. Une économie réduite à pure et simple économie s’égare et ne génère ni vie, ni bonne économie.
Une des tendances plus radicales de l’humanisme immunitaire du capitalisme contemporain est le besoin de contrôler, canaliser, normaliser les motivations plus profondes de l’être humain, surtout celles où prennent racine notre sens de la gratuité et notre liberté. De fait, nos comportements échappent au contrôle des organisations quand nous faisons vivre nos passions, nos idéaux, notre esprit. Nos actions deviennent imprévisibles parce que libres, et mettent donc en crise les protocoles et les descriptions de tâches au travail. Elles mettent surtout en crise la direction qui, par sa fonction même, doit rendre contrôlable et prévisible le comportement de l’organisation. Pour gérer un groupe important de personnes différentes et les orienter toutes vers les objectifs simples de l’entreprise, il faut opérer une forte homologation et standardisation des comportements, pour inhiber leur créativité (que tous disent pourtant souhaiter).
Les motivations intrinsèques sont, de fait, les plus puissantes et donc les plus déstabilisantes ; elles nous affranchissent du calcul coûts-bénéfices, et nous rendent capables de faire les choses pour le seul plaisir intrinsèque de l’action. Sans motivations intrinsèques, nous n’aurions ni recherche scientifique, ni poésie, art, vraie spiritualité ; nous n’aurions pas ces nombreuses entreprises, communautés et organisations qui naissent des passions et des idéaux des fondateurs, et qui vivent parce que et tant que quelqu’un continue de travailler pour autre chose que l’argent. Les motivations intrinsèques sont essentielles à toute vraie créativité. Mais – nous le voyons malheureusement chaque jour - elles sont aussi à la racine des pires comportements des êtres humains.
L’esprit moderne, en particulier l’esprit économique, a donc, par peur des possibles effets déstabilisants des grandes motivations humaines, choisi de se contenter des seules motivations instrumentales et extrinsèques. Nous avons abandonné à la démocratie la gestion du jeu public des différences et des identités, en les expulsant des entreprises. Notre culture organisatrice cherche à remplacer par des primes incitatives les diverses motivations humaines, à réduire les multiples ‘pourquoi’ à un unique et très simple ‘pourquoi’. Dans nos entreprises nous avons réduit les blessures, la vulnérabilité, diminuant par le fait même les bénédictions, le bien-être.
Alors que l’incentivus était l’instrument à vent qui donnait le ton à l’orchestre, la trompette qui appelait la troupe à la bataille, la flûte du charmeur de serpents », les mesures incitatives sont devenues le grand instrument de contrôle et de gestion de personnes dont on réduit et désamorce les multiples motivations pour les aligner sur les objectifs des organisations. L’économie et les sciences du management ont fini par se contenter des motivations humaines moins puissantes – qu’elles instrumentalisent en promettant aux cadres nouvellement embauchés un paradis qu’elles ne peuvent ni ne veulent donner. La modernité est aussi à ce prix.
Ce nivellement des motivations est dangereux, parce que l’ « homme à une seule dimension » ne fonctionne pas bien, et n’est surtout pas heureux. Mais là où l’expulsion des motivations plus profondes est fatale, c’est dans les organisations nées et alimentées par des idéaux, des charismes, des passions : les OMI, Organisations à Mouvance Idéale. Ces organisations ‘différentes’ ont fondamentalement besoin de la présence d’un quotient, même petit, d’employés, dirigeants, fondateurs aux motivations intrinsèques, doués donc d’un "code génétique" différent de celui que dessine et met en œuvre la théorie managériale dominante. Ces personnes œuvrent dans des entreprises sociales et civiles, des communautés religieuses, de multiples ONG, mouvements spirituels et culturels ; dans le domaine de l’environnement, de la consommation critique, des droits de l’homme ; et il n’est pas rare qu’on les voit parmi les fondateurs d’entreprises familiales, comme dans une bonne partie de cette économie ‘normale’ faite d’artisans, de petits entrepreneurs, de coopératives, de banques éthique et territoriales.
Ces organisations et communautés n’existeraient pas sans la présence de ce ‘levain’, personnes créatives, génératrices et souvent déstabilisantes pour l’ordre en place, parce qu’elles sont mues de l’intérieur, par un ‘charisme’ qui les pousse à agir selon leur daimon (bon génie). Leurs motivations intrinsèques ont deux principales caractéristiques. D’une part, comme elles aiment écouter les mélodies intérieures, elles réagissent peu aux incitations économiques de la théorie managériale, pas plus qu’au charme extérieur des appels de la flûte. D’autre part elles sont infiniment sensibles aux dimensions idéales de l’organisation qu’elles ont fondée ou dans laquelle elles travaillent pour des raisons non seulement économiques, mais identitaires, idéales, vocationnelles.
La gestion des personnes à motivations intrinsèques est cruciale quand ces organisations traversent des temps de crise et de conflits, dus par exemple à un changement de génération ou de leadership, ou au décès et à la succession du fondateur. Ce sont des moments délicats dans toutes les organisations, spécialement dans les OMI, à cause d’une erreur trop fréquente : la ‘non compréhension’ des instances et des protestations provenant des membres plus motivés. Les responsables ou conseillers de ces OMI doivent savoir apprécier ces motivations plus profondes, différentes des incitations, sous peine de faillir aux objectifs espérés, et d’aggraver la crise de ces personnes comme de l’organisation.
Pendant les crises de ‘qualité idéale’, les premiers protestataires sont en général les plus intéressés à sauvegarder la qualité qui se perd. Mais si les dirigeants et responsables interprètent ce type de protestation comme un simple coût, et donc la repoussent au lieu de l’accueillir, les premiers à partir sont justement les meilleurs – comme j’ai cherché à le montrer dans quelques études réalisées avec Alessandra Smerilli. Ces personnes peu sensibles aux incitations, au contraire très sensibles aux dimensions idéales et éthiques, sont prêtes à beaucoup donner au-delà du contrat, tant que ‘cela en vaut la peine’, tant que sont vives et reconnues ces valeurs dans lesquelles elles ont beaucoup investi. Certains, même dans les entreprises, attribuent une telle valeur symbolique et éthique à ce qui inspire leur travail, qu’ils sont prêts à (presque) tout pour cela. Mais dès qu’ils s’aperçoivent que l’organisation concernée devient une autre chose, toute la récompense intrinsèque qu’ils recevaient de ce travail (ou activité), s’amenuise jusqu’à disparaître ou même devenir négative. On rejoint en cela l’antique intuition (qui remonte au moins à St François) selon laquelle la vraie gratuité a non pas un prix zéro (gratis), mais un prix infini.
La gestion des crises dans les OMI est véritablement un art. Il requiert surtout, de la part des responsables, de savoir distinguer divers types de gêne et de protestation, et savoir surtout valoriser celle qui provient de celui qui garde et porte les valeurs idéales de l’organisation. L’idéologie néo-managériale, au contraire, qui nivelle tout sur un seul registre motivationnel, est incapable de comprendre les divers types de protestation ; elle n’est pas à même de comprendre que, derrière une menace d’abandon, peut se cacher un cri d’amour.
Les personnes aux motivations intrinsèques ont en général une grande résilience, elles sont fortes dans l’adversité. Elles réussissent à rester longtemps dans la protestation (Albert Hirschman qualifie de loyal qui proteste sans quitter). Elles ne sortent et n’abandonnent qu’après avoir perdu tout espoir que l’organisation puisse retrouver ses idéaux perdus, adressant par leur sortie même un ultime et extrême message aux dirigeants pour qu’ils revoient leur position. Il est donc sage pour une OMI de savoir retenir les personnes loyales, en donnant droit de citoyenneté à leur protestation, en la valorisant sans la considérer comme un coût ou une cause de friction.
La biodiversité au sein des organisations diminue sérieusement, et le nivellement des motivations produit également une augmentation de malaise et de mal-être au cœur du capitalisme. Mais ceux qui aiment et vivent dans des communautés et organisations à mouvance idéale doivent défendre et sauvegarder les motivations intrinsèques, aujourd’hui menacées d’extinction. On peut peut-être résister des années dans une multinationale sans y donner place à des motivations idéales, mais les OMI meurent vite quand on y réduit toutes les passions aux tristes mesures incitatives.
En toute personne les motivations sont multiples, ambivalentes et entremêlées. La culture et les instruments de gestion peuvent favoriser l’émergence et la durabilité des motivations plus profondes et idéales, ou alors augmenter le cynisme d’un système où chacun se contente des mesures d’incitation, cesse de trop demander à l’organisation, et finit par ne plus rien lui demander.
Nous sortirons meilleurs de cette grande transition en créant des organisations davantage bio-diversifiées, qui nivellent moins les motivations, et donnent plus d’espace à la personne toute entière. Des organisations où les employés soient un peu moins faciles à contrôler et gérer, mais plus créatifs, plus heureux, plus humains.
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Les grandes transitions / 6 – L’avenir est dans la créativité, sans cynique homologation
Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 08/02/2015
"Dans le monde des idées comme dans celui des affaires, on assiste à une véritable liquidation. On trouve tout à un prix si dérisoire, qu’on se demande s’il restera encore quelqu’un pour nous offrir quelque chose".
Søren Kierkegaard, Crainte et appréhension
C’est le jeu et le tressage des différences qui fait la beauté de la vie sociale. La terre ne doit pas sa beauté à la seule variété des papillons et des fleurs. Une grande beauté vient aussi des différentes formes d’économies, d’entreprises, de banques. Plus grande encore la beauté des différences entre personnes, de la rencontre entre leurs divers talents, de leur dialogue sur ce qui les motive.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 01/02/2015
« Communitas est un ensemble de personnes unies non par une "propriété", mais par un devoir ou une dette ; non par un "plus" mais par un "moins", par un manque, une limite qui apparaît comme une charge, ou même comme une déficience pour celui qui en est "affecté", contrairement à celui qui en est "exempt" ou "exempté" ».
(Roberto Esposito, Communitas)
Les communautés et les organisations qui sont restées créatives et fécondes ont su vivre avec la vulnérabilité ; elles ne l’ont pas éliminée entièrement de leurs territoires, mais en ont pris soin. La vulnérabilité (du latin vulnus : blessure), comme beaucoup d’autres paroles vraies sur l’homme, est ambivalente, parce que la bonne vulnérabilité vit à côté de la mauvaise, et souvent les deux s’entremêlent. La bonne vulnérabilité est au cœur de toutes les relations humaines génératrices, car si je ne mets pas l’autre en mesure de me ‘blesser’, la relation n’est pas assez profonde pour être féconde.
[fulltext] =>La bonne vulnérabilité se vit dans les relations d’amour, avec les enfants, entre amis, dans les communautés ordinaires de notre vie. Nous savons aujourd’hui que les équipes de travail les plus créatives sont composées de personnes qui reçoivent une ouverture de crédit authentique, risquée par conséquent. La capacité à générer nécessite en tout domaine liberté, confiance, risque, toutes choses qui rendent vulnérables ceux qui les concèdent. Ce sont les rapports qui se risquent à la blessure relationnelle qui génèrent la vie. Dans les familles, les écoles, les milieux éducatifs, nous n’aiderons aucun enfant à devenir une personne libre sans lui accorder une confiance vulnérable, celle-là même qu’adultes, nous devons savoir donner et recevoir pour nous épanouir au travail.
Mais la culture des grandes entreprises mondialisées cherche aujourd’hui l’impossible : elle veut la créativité des employés sans accueillir la vulnérabilité des relations. Pensons à la ‘subsidiarité managériale’, selon laquelle le manager ne doit intervenir dans les décisions d’un groupe qu’il coordonne que pour les activités qui empireraient sans son ‘secours’. Pour que leurs employés donnent le meilleur d’eux-mêmes, les grandes entreprises s’aperçoivent en effet qu’elles doivent faire en sorte que, dans leur travail, ils se sentent libres protagonistes. Il n’est de créativité que dans la liberté, mais pour que la subsidiarité fonctionne, il faut que les employés et les groupes de travail jouissent d’une vraie confiance à leur égard, et qu’ils puissent donc en abuser. Peu de choses sur terre donnent autant de joie que la participation à la libre action collective entre pairs.
Pour que cette belle et antique idée de subsidiarité ne reste pas qu’un principe inscrit dans les bilans sociaux, il est impératif que la direction se fie vraiment au groupe de travail, sans vouloir tout contrôler par crainte des abus de confiance et des ‘blessures’. D’ailleurs, si celui qu’on ‘délègue’ perçoit qu’en réalité la confiance n’est qu’un instrument, une technique pour davantage de profit, la subsidiarité cesse de produire ses effets. La subsidiarité dans les entreprises nécessite un système de propriété non capitaliste, où la délégation ne procède pas d’en haut vers les employés, mais dans la direction opposée (comme en politique, où est né le principe de subsidiarité).
En fait, la subsidiarité qui procède d’en haut est une autre chose : elle fonctionne au gré et à la convenance des propriétaires, quand cela leur importe peu qu’elle échoue. Seules d’authentiques motivations associées à d’adéquates institutions permettent à la subsidiarité et aux formes participatives de survivre aux crises dues aux abus de confiance. En réalité ce sont les entreprises démocratiques et participatives (comme les coopératives), qui pratiquent ‘naturellement’ la subsidiarité : le ‘peuple’ (les employés-associés) y est ‘souverain’ et la délègue vers le haut à des managers et directeurs.
En d’autres termes, la subsidiarité et la confiance fonctionnent vraiment quand elles sont risquées et vulnérables. Une pièce de monnaie peut symboliser les relations humaines, avec sur une face les joies de la rencontre libre dans la gratuité, sur l’autre les multiples images de nos blessures que génèrent ces joies.
Mais – autre paradoxe de notre système capitaliste - la culture enseignée dans toutes les écoles de management hait la vulnérabilité, que, pour diverses raisons, elle considère comme son grand ennemi. À travers les siècles, la civilisation occidentale a nettement séparé les lieux de la bonne et de la mauvaise vulnérabilité. Elle n’en a pas accepté l’ambivalence, créant ainsi la dichotomie. Elle a associé la bonne vulnérabilité, source de bénédictions, à la vie privée, à la famille et à la femme, première figure de la blessure génératrice. Dans la sphère publique, entièrement construite sur le registre masculin, la vulnérabilité est toujours mauvaise. C’est ainsi que la vie économique et celles des organisations se sont fondées sur l’invulnérabilité. Laisser voir blessures et fragilité sur les lieux de travail fait passer pour incompétent et subir discrédit et désapprobation. Les dernières décennies du capitalisme financier ont accentué la nature invulnérable de la culture du travail dans les grandes entreprises mondialisées, qui expulse toute vulnérabilité.C’est toujours par l’immunité que la vulnérabilité a été éliminée des communautés. L’immunité est aujourd’hui la principale caractéristique des grandes entreprises capitalistes. Toute culture invulnérable est aussi immunitaire : si je veux éviter que la relation avec toi me blesse, je dois t’empêcher de me toucher en construisant un système de relations qui évite tout risque de contamination. L’immunité est l’absence d’exposition au contact avec l’autre. L’immunitas est la négation de la communitas : l’âme de la communitas est le munus (don et devoir) réciproque, celle de l’immunitas est l’ingratitude réciproque, l‘absence et le contraire du don (in-munus, immune).
Toutes les communautés immunitaires sont radicalement hiérarchiques : elles augmentent les distances verticales et horizontales entre les personnes pour qu’elles ne se touchent pas, pour mieux les gérer et les orienter à leurs fins. La première fonction de la hiérarchie est d’éviter que les personnes se mêlent pas entre elles (le mot casta en portugais signifie : non contaminé), pour que seuls les semblables se touchent, et non les différents. Toutes les sociétés de castes sont immunitaires : il y est sévèrement prohibé de toucher les différents : les membres de la même caste ne se touchent qu’entre eux. Ces sociétés sont peu créatives et innovantes. Seule la biodiversité est génératrice.
Cette absence de contact entre personnes différentes provoque la décadence des élites dans les sociétés de castes, y compris dans nos entreprises mondialisées. Les ordres mendiants des 13ème et 14ème siècles furent facteurs de grandes innovations et de développement économique, social, politique et spirituel, parce qu’ils ont mis à l’écart de leurs sociétés les castes immunitaires du haut moyen âge, afin d’accueillir dans leurs couvents pauvres et riches, de divers régions et pays. Ces nouvelles communautés furent capables d’énormes innovations parce qu’elles mirent ensemble marchands et pauvres, banquiers et artisans, artistes et mystiques. Cette biodiversité fut source de créativité et d’innovation, car on n’y avait pas peur des blessures et des stigmates de la fraternité. La fraternité est anti-immunitaire, comme nous l’a montré François d’Assise en embrassant le lépreux. La solidarité philanthropique est presque toujours immune, la fraternité jamais.
À la racine de toute civilisation immunitaire et de castes, une distinction fondamentale s’opère entre pur et impur : des activités, des personnes, des choses sont pures et peuvent être touchées, d’autres sont impures et ne peuvent être touchées que par les castes inférieures. Mais dans toutes les sociétés de castes immunitaires, il y a aussi une profonde interdépendance entre les castes. Les bramini ont besoin des paria (et vice-versa), parce que la division du travail est radicale dans ces sociétés, du fait même qu’elles sont immunitaires. De là vient l’indispensable présence des médiateurs, dont la fonction est de mettre en contact ceux qui ne peuvent pas se toucher entre eux.
On le voit, les grandes entreprises capitalistes sont aujourd’hui la claire image des sociétés de castes immunitaires. Les managers y sont ces médiateurs qui mettent en contact les différentes ‘castes’ de l’entreprise sans que personne touche les différents, les impurs. On ne s’y touche qu’entre égaux (trop parfois, et mal, entre collègues hommes et femmes). Les membres des rangs ‘inférieurs’ ne peuvent être touchés par les supérieurs qu’au moyen d’instruments et de techniques, pas directement. Dans les grandes entreprises on se mêle de moins en moins, même quand on travaille en espace ouvert, car les pouvoirs et les salaires y sont aussi bien séparés.
Notre capacité de générer se perd, en tout milieu, quand on cesse de se rencontrer et de s’embrasser, surtout avec les pauvres. Les personnes ne sont plus créatives quand, les années passant, elles perdent contact avec ceux qui sont différents. La même chose se passe parmi les élites des organisations, des institutions et donc aussi des entreprises : la culture immunitaire qui les prévient de toute contamination en provoque la stérilité et la décadence. Pour une grande part, notre capacité à générer, notre énergie, notre force, dépendent du contact avec une autre humanité, d’autres cultures, vies et corps. L’espérance et l’excellence naissent et renaissent dans les lieux où l’on vit en promiscuité, là où on se rencontre entre gens riches en humanité, où on se nourrit des multiples mets du village.
Une profonde crise du capitalisme se profile, due à la décadence des élites qu’appauvrit l’immunité, en les privant de la féconde vulnérabilité des relations pleinement humaines. La peur des blessures relationnelles est en train de créer une culture mondialisée immunitaire, que véhiculent partout les grandes entreprises.
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Un grand défi des prochaines années sera la survie même des organisations. Car la culture immunitaire-invulnérable aura pour apothéose l’élimination des organisations, la disparition des lieux on l’on vit et travaille ensemble, la création à leur place de postes de production décentrés où chacun travaillera chez lui, grâce à des technologies toujours plus sophistiquées. Consommateurs sans magasins, opérations bancaires sans banques, écoles en ligne sans enseignants ni étudiants, et même hôpitaux sans infirmières ni médecins, grâce à des robots très efficaces et des télé caméras. Ce sera l’élimination définitive de la vulnérabilité ; nous aurons enfin trouvé l’arbre de la vie, mais ce sera un arbre sans fruit, ou aux fruits sans saveur. Et la faim de fruits savoureux nous fera encore nous rencontrer, nous embrasser, et vivre.La grande transition / 5 – Face aux logiques de caste, faire croître des alternatives génératrices
Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 01/02/2015
« Communitas est un ensemble de personnes unies non par une "propriété", mais par un devoir ou une dette ; non par un "plus" mais par un "moins", par un manque, une limite qui apparaît comme une charge, ou même comme une déficience pour celui qui en est "affecté", contrairement à celui qui en est "exempt" ou "exempté" ».
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Les communautés et les organisations qui sont restées créatives et fécondes ont su vivre avec la vulnérabilité ; elles ne l’ont pas éliminée entièrement de leurs territoires, mais en ont pris soin. La vulnérabilité (du latin vulnus : blessure), comme beaucoup d’autres paroles vraies sur l’homme, est ambivalente, parce que la bonne vulnérabilité vit à côté de la mauvaise, et souvent les deux s’entremêlent. La bonne vulnérabilité est au cœur de toutes les relations humaines génératrices, car si je ne mets pas l’autre en mesure de me ‘blesser’, la relation n’est pas assez profonde pour être féconde.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 25/01/2015
"Nous devrions nous habituer à réfléchir à fond sur le fait que mon ‘je’ est communion. Si nous pouvions définir les communautés comme des individus qui s’efforcent de devenir personne tout en se retrouvant en un temps et un lieu donnés, nous sentirions l’insuffisance radicale des communautés, et nous tendrions sans cesse à les dissoudre, pour les transcender dans la communion".
Giuseppe Maria Zanghi, Quelques réflexions sur la personne
Dans tous les passages d’une époque à une autre, la première indigence est celle des paroles. Dans l’ère de transition rapide que nous vivons, le monde du travail souffre aussi du manque de poètes, d’artistes, de maîtres de spiritualité qui nous donnent de nouvelles paroles pour comprendre nos joies, nos souffrances, nos espoirs. Le langage nous manque pour dire tout ce que nous vivons, pour en parler et en prendre soin.
[fulltext] =>Dans les décennies qui nous précèdent, nous avions appris à nous raconter les joies et les souffrances des usines et des campagnes. Au siècle dernier, le fait d’avoir généré littérature, poésie, cinéma, chansons, spiritualité de la campagne, de l’usine, des artisans, des entrepreneurs et des employés… nous a donné des paroles pour comprendre les blessures et les bénédictions de ce grand humanisme du travail. En le chantant, en le racontant, nous l’avons compris, avons vécu ses fêtes, élaboré ses luttes et, ce faisant, presque toujours, nous avons survécu. Nous n’aurions pas survécu sans l’amour des poètes, des artistes et des charismes du travail, sans leurs paroles. La poésie, l’art, les spiritualités sont surtout le don de paroles nouvelles, plus grandes, pour dire nos expériences, qui sinon resteraient muettes, mal dites, mal vécues.
S’il est un lieu où la carence en paroles nouvelles est particulièrement forte et évidente, c’est la vie dans les grandes entreprises et organisations. Les dirigeants, notamment, se trouvent écrasés dans un véritable étau relationnel qu’ils n’arrivent pas à nommer. D’un côté les travailleurs leur adressent une demande infinie de reconnaissance. D’un autre, leur propre travail n’est pas reconnu. Quand nous travaillons vraiment, nous ressentons tous que notre travail quotidien dépasse largement ce que prévoit le contrat. Aucune entreprise ne se satisfait de l’exécution des contrats, et à aucun travailleur ne suffit son salaire pour donner le meilleur de lui-même. L’entreprise a besoin de ce que justement elle ne peut acheter du travailleur : son enthousiasme, ses passions, sa joie et son désir de vivre, sa créativité ; son âme et son cœur.
Mais tout cela est pure liberté, et l’entreprise ne peut en disposer que si le travailleur le donne. Car aucune prime n’équivaut au don de soi dans le travail – au contraire, elle le détruit. Autrement dit, l’entreprise a vraiment besoin de ce que le contrat de travail et ses instruments de contrôle et d’incitation ne peuvent lui procurer : le don. Or le don ne vit que dans la réciprocité. Là est la racine de l’immense, constante, croissante demande d’estime, de reconnaissance, d’attention de la part des employés, le plus souvent insatisfaite. Cette réalité, évidente à tous, reste presque toujours muette par manque de paroles et de catégories pour l’exprimer.
C’est la culture même des grandes entreprises et organisations (voir mon dernier éditorial) qui crée et alimente l’écart entre la demande et l’offre d’estime et de reconnaissance dans les entreprises, car elles demandent tant à l’employé qu’il abandonne progressivement ses autres milieux de vie. C’est ainsi qu’à cet être symbolique et avide d’infini qu’est la personne, on ferme toutes les fenêtres de l’âme hormis celle du travail, à travers laquelle on lui promet de voir des paysages et des horizons qui ne peuvent réellement être vues que des autres fenêtres. Et dans l’entrelacement de ces existences, le manager devient la première victime de la maladie relationnelle que, parfois inconsciemment, il a lui-même causée.
Que faire ? Les études sur le bien-être au travail commencent à nous dire que la première forme essentielle de réciprocité réclamée par les travailleurs est d’être "vus" de leurs responsables, qui devraient donc être davantage présents sur les lieux de travail. En voyant le travail et l’employé qui travaille, on verrait aussi tout le don qu’il y met. Ce regard est la première demande de réciprocité des travailleurs, pour que soient rendues visibles ces dimensions essentielles du travail que personne ne voit, que ne voient pas ceux qui devraient les reconnaître, ou que voient avec défiance ceux qui regardent pour contrôler. Le regard des collègues et notre propre regard sont importants, mais ils ne suffisent pas.
Dans les communautés de travail, comme dans les autres, les regards ne sont pas tous les mêmes. Or toutes les fonctions et responsabilités comptent, et le travail doit être vu surtout par celui qui est responsable de mon travail. Mais comme le mettent aujourd’hui en lumière des chercheurs français comme Norbert Alter et Anouk Grevin, la théorie comme la pratique du management dans les grandes organisations enlèvent toujours plus aux dirigeants la possibilité de voir le travail, parce qu’ils sont "forcés" de passer leur temps dans des papiers et à l’ordinateur, de mettre au point des graphiques, des indicateurs et des contrôles, d’évaluer en entretiens "institutionnels" d’une demi-heure un travail de douze mois qu’ils n’ont pas vu dans sa réalité ordinaire. Ces instruments sophistiqués voient les traces du travail, les opérations, mais ne permettent pas de voir l’expérience toute humaine et spirituelle du travailleur. On finit ainsi par ne plus apprécier les aspects les plus importants du travail, qui requièrent surtout que la vie ait un sens. La bonté de la vie dont on faisait et dont on fait encore l’expérience dans beaucoup d’entreprises artisanales, avec ses fatigues et ses contradictions, tient au fait que l’entrepreneur travaille ensemble avec ses employés, formant une compagnie solidaire, un cercle vertueux de reconnaissance. La meilleure manière de reconnaître le don que représente tout travail est de le regarder dans sa réalité quotidienne.
Mais les dirigeants aussi sont des travailleurs, et eux aussi ont besoin de réciprocité, de reconnaissance, d’être "vus". Mais dans les grandes entreprises anonymes, aux propriétaires distants, fragmentés, parfois inexistants, personne n’est là "au dessus" du manager pour voir son travail, le reconnaître, le remercier. Il se retrouve ainsi assailli de demandes d’attention et de réciprocité, sans avoir à son tour personne pour reconnaître son travail et l’en remercier. Son organisme employeur devient un grand producteur d’ingratitude, de quelque chose de toujours plus insupportable, même quand on cherche à y suppléer par des salaires élevés.
Il nous faut donc apprendre de nouveau à regarder et voir le travail, tout le travail, et le travail de tous. Mais auparavant, et plus radicalement, nous devons avoir le courage, tous ensemble, de réaliser deux opérations qui s’avèreraient révolutionnaires.
D’abord, les entreprises devraient aider leurs employés, tous leurs employés, à rouvrir ces fenêtres existentielles qu’elles ont elles-mêmes contribué à obscurcir. Pour s’épanouir la vie des travailleurs a besoin de la lumière de toute la maison, sinon la pièce où ils travaillent perd en luminosité. Nous ne pouvons pas attendre de notre seule carrière et de nos seuls dirigeants la satisfaction de notre besoin de reconnaissance, d’estime, d’amour, de ciel ; ce serait transformer nos entreprises en églises sans dieu et sans culte, comme cela se fait en toute idolâtrie. Mais si, frustrés et déçus, nous cessons de beaucoup (pas tout) attendre du travail, alors la vie s’étiole et s’éteint. C’est en laissant le soleil entrer dans tous les domaines de la vie que nous redonnerons au travail l’air et la lumière.
Mais une seconde opération est nécessaire, plus radicale encore, plus difficile, décisive. Pendant des siècles nous avons appris à travailler et à gérer des opérations complexes dans les maisons et dans les monastères. Les premières organisations sont nées pour les accouchements : entraides des femmes pour la vie, mains de femmes au service de la naissance. Femmes, mains, vie : ingrédients trop absents de notre culture de l’organisation, toute basée sur le registre masculin et privée de la culture des mains et de la sagesse qui la caractérise.
La culture du travail dans les organisations complexes s’est ensuite développée et a mûri dans les abbayes, grâce à des siècles de ora et labora : esprit au service des mains, mains alliées de l’esprit, ensemble ferments du travail. Les premiers managers des grandes organisations se sont formés à la lecture des manuscrits de Cicéron et d’Augustin. Nous guérirons les blessures relationnelles dans nos entreprises si nous en confions le soin à de nouveaux managers, humanistes ceux-là, personnes expertes en humanité, capables d’écoute, d’attention, d’intériorité, de s’occuper des nombreux tourments des organisations.
Les écoles de management sont exclusivement centrées sur les instruments et les techniques, alors qu’elles devraient faire étudier l’art, la poésie, la philosophie, la spiritualité, en séances qui aient lieu dans les usines, avec les yeux sur le travail, et le nez dans son odeur et ses parfums, hors du décor synthétique des salles de conférences des hôtels.
Le marché de demain, au dehors comme au-dedans des entreprises, aura un besoin vital de personnes entières, qui sachent cultiver et activer ces dimensions fondamentales de l’être humain que depuis des millénaires nous appelons le don, la réciprocité, l’intériorité, qui rendent la vie digne d’être vécue, au travail comme à la maison.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 25/01/2015
"Nous devrions nous habituer à réfléchir à fond sur le fait que mon ‘je’ est communion. Si nous pouvions définir les communautés comme des individus qui s’efforcent de devenir personne tout en se retrouvant en un temps et un lieu donnés, nous sentirions l’insuffisance radicale des communautés, et nous tendrions sans cesse à les dissoudre, pour les transcender dans la communion".
Giuseppe Maria Zanghi, Quelques réflexions sur la personne
Dans tous les passages d’une époque à une autre, la première indigence est celle des paroles. Dans l’ère de transition rapide que nous vivons, le monde du travail souffre aussi du manque de poètes, d’artistes, de maîtres de spiritualité qui nous donnent de nouvelles paroles pour comprendre nos joies, nos souffrances, nos espoirs. Le langage nous manque pour dire tout ce que nous vivons, pour en parler et en prendre soin.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 18/01/2015
Sachons voir qu’Il y a une religion dans le capitalisme, car il sert essentiellement à satisfaire les mêmes préoccupations, tourments et inquiétudes auxquels répondaient précédemment les dites religions.
Walter Benjamin, Le capitalisme comme religion, 1921
En ce temps où de divers bords on réfléchit, parfois même profondément, à la précarité des modèles économiques et financiers mis en place au cours des dernières décennies, il y a un aspect qui pèse trop dans notre vie politique, démocratique et sur notre santé pour qu’on le néglige à ce point. Il s’agit de la culture managériale des organisations, en passe de devenir une véritable idéologie mondiale, développée et enseignée dans les principales universités et mise en œuvre par capillarité dans les multinationales et les sociétés mondiales de conseil en gestion. Cette idéologie pénètre de nombreux domaines de la vie sociale, en se présentant comme une technique libre des valeurs, qui a su recycler les codes symboliques que la civilisation occidentale a associés au cours de siècles à la bonté de la vie et à la richesse.
[fulltext] =>Ainsi acceptons-nous, sans sourcillement éthique, que nos relations soient toujours plus imprégnées et gérées par ces nouveaux acteurs de la globalisation. Les ‘social media et network’ dans lesquels nous "vivons" et par lesquels passe une grande part de notre vie relationnelle, sont gouvernés à but lucratif par des entreprises leaders de cette nouvelle culture.
Mais les murs de ces entreprises commencent à se lézarder et il faudrait prendre cela très au sérieux si on veut éviter l’effondrement de l’édifice. On enregistre une aggravation de la fragilité relationnelle et émotive des employés et des dirigeants des entreprises, surtout des grandes à dimension mondiale. Les dirigeants souffrent de plus en plus d’anxiété, dépression, stress, insomnie, et consomment de plus en plus de médicaments psychothérapeutiques. Des managers brillants qui réussissent se réveillent un matin sans énergie, incapables de se lever. C’est le fameux syndrome du burn-out, comme on dit en anglais, littéralement ‘brûlé’.
Beaucoup de multinationales le mettent désormais en compte dans le développement normal d’une carrière de manager, étape fréquente à cause de la façon dont ce type de travail est conçu, planifié, primé. Le premier burn-out est suivi d’un second, puis d’autres encore, car après le traitement on revient aux mêmes relations, à la même culture pathologique productrice de mal-être. Les victimes de choix de cette nouvelle épidémie des riches sont les consultants des multinationales, les analystes de la finance, avocats et experts en marketing des grands bureaux d’études juridiques et professionnelles, et surtout beaucoup de managers et dirigeants de grands entreprises, banques, fonds d’investissement, compagnies d’assurances ; mais des signaux préoccupants viennent aussi des administrations publiques, des ONG, de l’économie sociale, et de certaines œuvres nées de charismes religieux, en raison de l’envahissement de cette idéologie managériale désormais enseignée dans les universités, les instituts de gestion et les masters en management du monde entier.
On trouve à la racine de ce nouveau mal-être au travail un véritable paradoxe. Une règle d’or de cette culture managériale et organisationnelle est l’interdiction de mêler les langages et émotions de la vie privée à ceux de la vie en entreprise. Des paroles comme don, reconnaissance, amitié, pardon, gratuité, que tous reconnaissent fondamentales dans les relations familiales, sociales et communautaires, doivent absolument être laissées à la porte des lieux de travail, au motif d’être impropres, inefficientes, et surtout dangereuses. Mais au-delà de la rhétorique des équipes de travail, un examen attentif des dynamiques réelles au sein de ces nouvelles entreprises capitalistiques fait voir des dirigeants toujours plus seuls en interaction avec d’autres individus seuls, en rapports fonctionnels fragmentés avec de nombreux partenaires et responsables qui changent selon la tâche et le contrat. Ces organisations sont plus hiérarchiques que les organisations traditionnelles, même si elles affichent un look participatif.
D’un côté ces nouvelles entreprises cultivent des comportements de séparation (leurs dirigeants ne se ‘mélangent’ pas avec leurs subalternes dans les restaurants d’entreprise ou les cercles récréatifs ou sportifs), mais d’un autre, pour sélectionner et motiver leurs managers, elles emploient les paroles mêmes des milieux familiaux, des relations d’amitié, d’idéal, éthiques, spirituelles. On parle d’estime, de mérite, respect, passion, loyauté, fidélité, reconnaissance, communauté, paroles et codes qui suscitent les mêmes dynamiques apprises et pratiquées dans la vie privée et familiale. Exigence du même engagement, mise en jeu des mêmes passions.
Un petit retour en arrière dans l’histoire nous fait voir que la première métaphore relationnelle qui a inspiré les premières entreprises de l’ère moderne est la ‘communauté’. Les premiers ateliers d’artisanat puis les entreprises familiales des 19ème et 20ème siècles ont construit des organisations sur le paradigme relationnel de la famille et de la communauté, sous la grande influence sociale et économique, au moyen-âge, des communautés monastiques et des couvents. Communautés hiérarchiques (et paternalistes), mais communautés. Puis, toujours en Europe, est apparue dans la seconde moitié du 20ème s. la métaphore ‘politique’ : les entreprises, notamment les grandes, reproduisaient la lutte des classes typique de leur temps, et l’usine était la photo de la société politique, avec ses conflits et ses coopérations.
Nous voilà au Troisième Millénaire et quelque chose d’inédit advient dans les grandes entreprises, qui s’apparente à la culture du monde religieux, et, sous d’autres traits, du monde militaire. Dans les entreprises traditionnelles du premier et du second capitalisme, on demandait beaucoup aux salariés et aux dirigeants, mais pas trop, et surtout, jamais on ne demandait tout. Il restait les autres milieux de vie (famille, communauté, religion, parti…) où l’on investissait des pans de vie non moins importants que celui du travail. Au contraire on exigeait beaucoup, tout dans certains cas, dans la sphère religieuse (couvents, abbayes, monastères) et, différemment et à un moindre degré, dans la sphère militaire (nation et terre). On pouvait s’y consacrer tout entier parce que la promesse en valait la peine (Dieu, le Paradis, la Patrie).
Le grand bluff dangereux des organisations modernes du capitalisme se cache dans leur usage de registres symboliques et motivationnels similaires à ceux de la foi dans le passé, mais – là est le problème – en les dénaturant et en les redimensionnant radicalement.
Le nouveau capitalisme s’est rendu compte que sans activer les motivations et symboles les plus profonds de l’homme, les personnes ne donnent pas le meilleur d’elles-mêmes. Il est beaucoup, presque tout, demandé aux nouveaux cadres : qu’ils sacrifient leur temps, leurs priorités, passions, émotions, sacrifice injustifiable par le seul fait du contrat et de la rémunération, si grande soit-elle. Dans ces relations de travail, seul le don de soi peut justifier ce qui est demandé et donné. Mais si l’entreprise reconnaissait vraiment tout le ‘don de soi’ qu’elle demande à ses employés, elle créerait des liens communautaires (cum-munus) qu’en réalité elle ne veut pas, parce que ces relations deviendraient ingérables et incontrôlables. On se limite alors à la reconnaissance des dimensions moins profondes et vraies du don de soi, et l’on fait tout pour ramener chaque comportement dans le seul cadre du devoir et du contrat.
Tant que les cadres sont jeunes, le jeu des promesses, attentes, reconnaissances et attentions réciproques entre l’entreprise et l’employé fonctionne et produit une spirale croissante d’engagement, de résultats et de gratifications. Mais avec le temps, ces investissements affectifs et relationnels non reconnus s’accumulent en crédits émotifs, jusqu’au jour où l’on comprend qu’ils ne seront jamais soldés. Le ‘contrat narcissique’ originaire entre alors en crise, et les gratifications des premières années se transforment en délusion et frustration. Commence la phase de l’insécurité, de la déconsidération, où l’on se sent ‘perdant’, et survient l’écroulement de l’image que l’on s’était jusqu’alors construite du ‘travailleur idéal’. On comprend que le jeu n’en a pas valu la chandelle, celle de sa propre vie, entre-temps consumée, voire épuisée et éteinte. Mais le jeu continue avec d’autres jeunes, que d’autres remplaceront bientôt – combien de jeunes ‘se consument’ (ou ‘se sacrifient’) dans ces organisations, comme dans les armées et les cultes païens !
Si on les instrumentalise, les grandes paroles de la vie ne portent pas de fruit. Elles ont besoin de grands espaces, d’être accueillies dans leur complexité, et surtout leur ambivalence, qui fait qu’elles sont vivantes, vraies, capables de générer. Par nature elles ne se laissent pas employer à but lucratif, pas à long terme en tout cas. L’histoire nous livre un immense recueil de tentatives d’emploi, à bénéfice privé, des grandes paroles de l’homme. La magie, l’idolâtrie, ne sont que cela. Toute idéologie, dans son essence, n’est qu’une tentative d’en manipuler une ou plusieurs (liberté, égalité, fraternité), en en réduisant la complexité et l’ambivalence pour les contrôler et contrôler ainsi personnes et consciences. L’idéologie managériale est en train de manipuler estime, reconnaissance, communauté, parce qu’elle les emploie sans gratuité, sans assumer la responsabilité des coûts émotifs et des blessures relationnelles que l’ambivalence de ces grandes paroles produisent inévitablement.
Nous voulons tous le paradis, tous nous voudrions vivre de manière héroïque, mais les entreprises et leurs objectifs ne sont pas le lieu où ces promesses peuvent s’accomplir. En vérité, le ciel de leur terre est trop bas pour être celui de la terre promise.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 18/01/2015
Sachons voir qu’Il y a une religion dans le capitalisme, car il sert essentiellement à satisfaire les mêmes préoccupations, tourments et inquiétudes auxquels répondaient précédemment les dites religions.
Walter Benjamin, Le capitalisme comme religion, 1921
En ce temps où de divers bords on réfléchit, parfois même profondément, à la précarité des modèles économiques et financiers mis en place au cours des dernières décennies, il y a un aspect qui pèse trop dans notre vie politique, démocratique et sur notre santé pour qu’on le néglige à ce point. Il s’agit de la culture managériale des organisations, en passe de devenir une véritable idéologie mondiale, développée et enseignée dans les principales universités et mise en œuvre par capillarité dans les multinationales et les sociétés mondiales de conseil en gestion. Cette idéologie pénètre de nombreux domaines de la vie sociale, en se présentant comme une technique libre des valeurs, qui a su recycler les codes symboliques que la civilisation occidentale a associés au cours de siècles à la bonté de la vie et à la richesse.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 11/01/2015
Deux prisonniers, dans deux cellules voisines, communiquent par des coups répétés sur le mur. Le mur est ce qui les sépare, mais aussi ce qui leur permet de communiquer. De même entre Dieu et nous. Toute séparation est un lien.
Simone Weil (L’ombre et la grâce)Innovation : en botanique cette parole signifie les bourgeons et les nouvelles pousses. Les innovations ont donc besoin de racines, de bonne terre et que la plante soit vivante. Elles sont floraison, engendrement. Et ces innovations productrices d’aliments, de jardins et de parcs, requièrent le travail patient du paysan ou du jardinier, qui veille et s’occupe d’elles pendant les durs gels de l’hiver. C’est ainsi que le bourgeon se développe en fleur, que la vigne produit du bon vin, que le figuier redevenu sain redonne des fruits après des années de stérilité.
[fulltext] =>Pour comprendre ce qui se passe actuellement dans notre économie et notre société, il nous faut revenir au sens botanique du mot innovation, très révélateur des causes de la crise et de la direction à suivre. La logique de l’innovation-bourgeonnement nous parle d’abord de subsidiarité : nos mains et la technologie ne peuvent être qu’auxiliaires de l’innovation, ils peuvent aider la pousse à fleurir, non faire la floraison. L’innovation est un processus qui dépend peu des interventions artificielles des ‘mains’ : elle se fait, avant tout, par sa force intrinsèque. Il est donc illusoire de vouloir augmenter les innovations dans notre économie sans s’occuper d’abord de la santé de l’humus, des arbres et des plantes. La raison du manque d’innovations n’est pas le refus de fleurir du bourgeonnement ou la paresse des jardiniers.
La crise actuelle vient du dessèchement de l’humus séculaire qui a nourri notre société et notre économie, l’humus des vertus et de la force génératrice du sacrifice. Aujourd’hui, sur ces anciennes terres fertiles, fleurit et se développe surtout le chiendent. Aussi, pour revoir les innovations des bonnes plantes, nous faut-il recommencer à amender les terres, sauver les arbres fragiles, en planter de nouveaux sur d’autres terres. C’est l’humus (adamah) qui nourrit l’homo (Adam) et génère l’authentique humanisme.
En réalité, il y a aujourd’hui beaucoup d’innovations qu’on ne voit pas, non enregistrées, qui ne se trouvent pas là où nous les cherchons. Beaucoup d’arbres qui innovent aujourd’hui ont des formes différentes des arbres d’hier, semblent étranges, et poussent dans des terrains où ne s’attend pas à les trouver. Nous cherchons le beau et le bon où nous avions l’habitude de les voir : nous ne les voyons plus, et nous en attristons. En réalité il nous suffirait de changer de lieu et de regard pour reprendre aussitôt espoir.
En traversant un centre-ville, nous voyons des magasins fermés, des bureaux vides, loués souvent pour d’immondes salles de pari, des tanières du hasard ; et nous avons raison de nous attrister face à ces arbres secs, jadis couverts de bourgeons.C’est l’appauvrissement du regard, de la vision collective, qui rétrécie les horizons et nous enferme dans les problèmes et les maux, effectivement toujours nombreux. Les peuples guérissent quand dans les souffrances du "déjà" ils savent voir un "pas encore" possible et meilleur. L’espoir revit et grandit quand dans la forêt qui tombe on sait voir l’arbre qui pousse, et, à travers cette nouvelle poussée, rêver et préparer le bois et la forêt de demain. L’arbre qui pousse existe déjà, il nous faut seulement apprendre ensemble à le reconnaître et l’aider dans sa floraison. Souvent, dans les crises de l’existence, la vue d’arbres différents et pleins de bourgeons nous éclaire, et, clignotant des yeux, nous voyons autrement et davantage. Mille couleurs égaient les Naples de nos jeunes et de nos pauvres, mais endormis et avachis de consommation hors des rues et des périphéries, nous ne les remarquons plus, et, aveugles au soleil et au bleu du ciel, nous empêchons les couleurs des jeunes et des pauvres de raviver nos villes.
Si nous regardons bien les trames de l’histoire, nous nous apercevons que les économies et les civilisations ont été capables de se relever, de repartir et de se développer quand elles ont su découvrir un nouveau salut dans un autre lieu, toujours périphérique. Quand manque le pain pour la foule, c’est dans les mains d’un garçon qu’on trouve les cinq pains du nouveau miracle, que des yeux différents savent voir et valoriser.
L’après-guerre en Europe a produit d’authentiques miracles parce que ses leaders politiques, économiques et spirituels ont su favoriser l’intégration – par le suffrage universel, mais aussi par les usines, l’école pour tous… - des millions de paysans émigrés venus des pays du sud, dont des femmes et beaucoup de jeunes. Et en les émancipant, non sans erreurs et contradictions, ils ont permis à tous de s’élever. Il n’y a pas d’autre voie : l’énergie nécessaire aux reprises est la faim de vie et d’avenir des jeunes et des pauvres.
Contrairement à ce qu’enseignent certains célèbres experts en innovation, beaucoup de grands fleuves de richesse et de travail sont nés de ceux qui, désespérés, n’ont cessé de cogner la roche de leurs poings jusqu’à s’en abîmer les mains. Un jour quelqu’un d’autre a répondu, les poings sont devenus dialogue, les larmes une source. Mais les jeunes et les pauvres avides de vivre ne suffisent pas pour un avenir meilleur. Pour que les pauvres et les exclus puissent devenir moteur de changement dans un pays, le rôle des institutions est essentiel. Cruciales entre toutes : les institutions financières.
Les fondateurs des caisses rurales, caisses d’épargne et banques populaires à la fin du 19ème s. ont compris que pour transformer artisans et métayers en entrepreneurs et coopérateurs, il fallait des institutions financières, les banques traditionnelles n’y suffisant plus. Cette nouvelle saison d’industrie et de travail nécessitait de nouvelles banques territoriales pour que ces communautés puissent générer une nouvelle économie. Ils demandèrent aux familles, aux églises, aux partis, de s’impliquer dans un nouveau développement, de recueillir leurs petites économies dans des banques populaires, démocratiques, intégratrices.
Une nouvelle économie foisonne aujourd’hui (la "quatrième" économie dont j’ai parlé ici dimanche dernier), nécessitant de nouvelles institutions financières qui sachent d’abord la voir et la reconnaître bonne, puis lui faire confiance et enfin lui donner crédit. Faute de nouveaux repères culturels et économiques, les institutions financières traditionnelles – le grand économiste Joseph A. Schumpeter le savait déjà très bien il y a plus de cent ans – sont incapables de comprendre les innovations de "ligne de faîte". Celles-ci, contrairement à celles de "fond de vallée", sont typiques de ces périodes de transition où certains se retrouvent sur la ligne de faîte de leur temps, et commencent à apercevoir et indiquer de nouveaux horizons. Les institutions consolidées, financières en particulier, réussissent à croire aux innovations de ‘vallée’, propres au monde tel qu’il est et qu’il a été. Elles financent donc deux catégories de sujets : les sujets ordinaires de l’économie ‘normale’, et les malhonnêtes. Mais les institutions traditionnelles ne réussissent pas à comprendre, ne les voyant pas, les innovations de ligne de faîte, qui n’en seraient pas si elles les comprenaient. C’est ainsi que de nouveaux entrepreneurs de la "quatrième économie" qui se présentent à la banque avec peu de capitaux matériels (n’en ayant pas besoin) et en général sans expérience (parce que jeunes), ne sont pas admis au bureau des prêts, bloqués au test des algorithmes et indicateurs de l’économie d’hier.
Il faut donc faire naître d’urgence des institutions financières différentes, qui, pour donner confiance et crédit à de nouveaux projets entrepreneuriaux, ne cherchent pas derrière les garanties d’hier, mais devant celles de demain, générées par un projet encore imaginaire, mais qui peut devenir réalité si elles savent le voir et l’encourager ; et l’accompagner. Une nouveauté clé des institutions financières de la "quatrième économie" est qu’elles doivent se considérer comme de vrais partenaires des projets, beaucoup plus et autrement que dans la pratique actuelle. Les protagonistes de la nouvelle économie parlent un langage différent de celui du monde des "affaires" ; ils n’ont pas été formés dans les écoles de management et connaissent peu le langage, pourtant nécessaire, des comptes et des bilans. Il est donc indispensable que l’institution financière qui entrevoit la capacité de l’innovation à générer profit et travail, ne se limite pas à l’octroi d’un prêt, mais assiste ces nouveaux entrepreneurs, se faisant mains bienfaisantes du jardinier. Le profil du banquier de la "quatrième économie" sera d’être moins ‘guichet et bureau’ et davantage ‘présence’ sur les lieux de production, plus entrepreneur que financier, plus expert en arbres et bourgeons qu’en chimie.
Tandis qu’à Nairobi je conclus cet article, je regarde par la fenêtre la marche matinale de milliers de jeunes qui, dans le seul bon vêtement qu’ils ont, sortent des taudis pour aller travailler dans la proche et chaotique zone industrielle. Et je vois, dans la souffrance qui monte de ces périphéries, renaître une réelle espérance. Car ce n’est qu’en travaillant que nous pouvons un jour espérer sortir en bon vêtement de notre baraque, et ne plus y retourner.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 11/01/2015
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 4/01/2015
Par quel moyen sauverez-vous le monde et quelle voie normale avez-vous pu lui trouver, vous, hommes de science, promoteurs des industries, des assurances, du salaire et du reste ? Par quel moyen ? Avec quel crédit ? Qu’est-ce que le crédit ? À quoi vous conduira le crédit ?
Fëdor Dostoevskij (L’Idiot)
Tandis que nous souffrons d’une crise trop longue, il nous faut, pour ne pas espérer vainement, savoir regarder au vivant foisonnement d’une nouvelle vie, d’entreprises, d’emplois, d’innovations dans le sous-bois de notre économie. Ce foisonnement est réel. Mais la qualité de la nouvelle phase de notre capitalisme dépendra de l’économie qui sera capable aujourd’hui d’ « attirer », d’absorber et de valoriser toute la jeune énergie, intellectuelle et technologique qui émerge au-dedans comme au dehors de "la toile" qu’est le web.
[fulltext] =>À ce jour, le capitalisme financier et globalisé semble de loin le mieux équipé pour s’attirer la composante la plus créative de notre société. Il l’est en raison, certes, de ses puissants moyens financiers, mais aussi de la grande fascination que ses symboles exercent sur les meilleurs jeunes. C’est sa capacité d’englober et de recycler la composante la plus créative de chaque génération qui a fait, jusqu’à ce jour, le grand succès du capitalisme du XXème siècle – comme nous le montrent Eve Chiapello et Luc Boltanski dans leur ouvrage "Le nouvel esprit du capitalisme", paru en France chez Gallimard, et depuis peu chez Mimesis pour l’édition italienne.
Il nous faut prendre conscience que notre économie se compose d’au moins quatre économies diverses (même si ceux qui projettent les politiques fiscales, financières, industrielles, continuent de penser qu’il n’y a qu’un seul capitalisme).
La première, que nous pouvons encore appeler "capitalisme", est faite d’entreprises, banques, compagnies d’assurances, fonds d’investissement, qui ne font que saisir des opportunités de profits ou, toujours plus souvent, de rentes. Il s’agit le plus souvent de grandes organisations aux multiples propriétaires, gérées par des managers payés plus que de raison, qui opèrent à l’échelle mondiale et choisissent les lieux de leur siège fiscal et de leurs sites de production pour la moindre taxation possible et le maximum de gains. Ils réussissent parce qu’ils ont de quoi payer d’excellents conseillers fiscaux, authentiques ‘saints’ des paradis fiscaux et syndicaux.
Ce capitalisme crée d’efficaces organisations philanthropiques, et sponsorise à doses homéopathiques, sur ses profits, la recherche scientifique et des activités sociales ; mais son but, le seul but qui le dope, est de faire le plus d’argent possible dans les plus brefs délais. Les multinationales des jeux de hasard en sont un exemple typique. Elles comprennent désormais beaucoup d’entreprises non cotées en bourse, achetées par des fonds privés qui en ces années de grave pénurie financière et monétaire, acquièrent à prix fort avantageux des milliers d’entreprises en difficulté. Elles les "sauvent" parfois, financièrement parlant, mais rarement sauvent leurs emplois ; le projet du fondateur y perd son âme, même si, à but lucratif, on garde son nom et ses marques d’origine.
Ce processus se réalise à vaste échelle, et parfois s’entremêle avec une économie illégale en quête des mêmes entreprises en crise de capitaux. Ce phénomène d’incorporation vaste et profond dénature une grande part de notre "made in Italy", sans que personne n’y prête attention. Les capitaux qui s’attirent ainsi ne sont (presque) jamais bons. « Combien y a-t-il d’entreprises de cette première catégorie ? » ai-je demandé récemment à un ami grand connaisseur de l’économie italienne. Il m’a répondu : « 90% des grandes entreprises anonymes non liées à une famille propriétaire ».
La seconde économie est faite d’entreprises qui ne ressemblent aux premières que dans la forme. On s’en rend compte dès qu’on entre dans leurs locaux et qu’on parle avec les entrepreneurs, managers, salariés. C’est une autre culture qui les anime, un horizon plus profond et plus ample. C’est le capitalisme des entreprises familiales. Derrière le projet d’entreprise, il y a une personne concrète, une famille : c’est donc radicalement différent. Ce capitalisme familial n’est pas en soi garantie de correction, bonne gestion et moralité (on le voit tous les jours). Mais la présence d’une famille à la tête d’une entreprise garantit le plus souvent la volonté des propriétaires de la faire durer, sans chercher à maximiser les profits en des temps très brefs. Sans la visibilité dans l’entreprise de cet axe du temps et des perspectives, le travail ne peut être l’ami des capitaux et des patrons. Cette seconde économie est le mur porteur de notre système économique et civil.
Et il y a une troisième économie, celle qu’on appelle parfois ‘Troisième Secteur’. C’est l’importante économie coopérative et sociale, celle des organisations à but non lucratif, de la finance territoriale et éthique, des entreprises à "mouvance idéale", et de tout ce pullulement d’activités économiques nées du cœur de la communauté chrétienne et de la société civile organisée. Cette économie naît d’idéaux plus grands que l’économie. En temps de crise elle continue de croître, mais elle traverse une période de crise, du fait surtout de l’épuisement de son humus éthique. Les seconde et troisième économies sont en effet celles qui souffrent le plus de la détérioration du capital des vertus civiles qui ont fait naître ces entreprises au cours des dernières décennies. Par contre le premier capitalisme se développe fort bien dans les terrains devenus pauvres d’humus civil – la prolifération des multinationales des jeux de hasard dans les déserts des institutions et des familles le montre bien.
Mais il y a une quatrième économie (au-delà, on pourrait aussi parler des économies publique, criminelle, souterraine…). Elle crée des emplois et innove dans le champ de ce qu’on appelle l’économie du partage (sharing economy), qui cherche des financements pour de nouvelles entreprises hors des circuits traditionnels, sur le réseau (crowd-funding), et qui croît à rythme exponentiel. C’est le travail qui naît du monde bariolé de la consommation critique, d’une importante agriculture biologique de dernière génération, où le chef d’entreprise agricole est de plus en plus souvent une jeune femme, diplômée, parlant quatre langues, qui partage son temps entre son entreprise et des voyages internationaux.
Beaucoup de nouveaux emplois fleurissent ainsi dans le domaine des biens culturels, de l’art, de la musique, ou des anciens moulins à eau restaurés pour produire du travail et une indépendance énergétique. Il y a là une grande beauté, qui peut réellement nous sauver. Cette autre économie n’est pas très visible, mais ses multiples activités, très diverses, ont un dénominateur commun : une même tendance à la collaboration, en vue d’un travail et d’une richesse qui ne naissent pas d’abord de la concurrence, mais de la coopération et de la recherche d’un avantage commun.
Cette économie a surtout pour acteurs des jeunes, dont beaucoup sont immigrés ; ils sont motivés non par la recherche du profit maximum mais par le développement durable, l’esthétique, la créativité collective, le plaisir de voir des territoires mal en point et pollués refleurir ; ils inventent des applications (Apps) pour gérer (exemple révélateur) les produits frais ‘hors date de péremption’ des supermarchés, transformant ainsi des rebuts en salut de nombreuses familles pauvres. Une nouvelle économie où gratuité et marché (pas n’importe lequel) croissent ensemble.
Le capitalisme financier-spéculatif non seulement entre en puissance dans la seconde économie, celle des entreprises familiales, mais pénètre aussi le Troisième Secteur, fort de ses puissants moyens et d’une rhétorique efficace. La seule possibilité de salut pour ces secondes et troisième économies, non encore assimilées, est de faire naître une grande alliance avec la quatrième, jeune et créative, qui se meut dans d’autres "milieux", a d’autres "langages", pense, agit et publie en trois dimensions.
Ces deux économies diverses du premier capitalisme doivent aujourd’hui réussir à faire entrer la quatrième économie dans leur terrain. Et entretemps agir aussi sur les zones contigües au premier capitalisme, zones métisses de frontières. En-deçà de certaines limites, variables et mobiles selon les époques, même le premier capitalisme peut produire de bons fruits. Chaque époque l’a expérimenté. C’est quand, comme aujourd’hui, il déborde de ses berges et inonde maisons et champs qu’il devient l’ennemi de l’économie, du travail, du bien commun. Ce sont les rencontres inattendues, improbables, qui produisent le plus. C’est la biodiversité, dans ses multiples formes, naturelles et civiles, qui nous nourrit et nous enrichit.
Pour remporter ce défi qui semble à ce jour impossible, un tournant symbolique, linguistique et de communication est nécessaire. L’économie civile (la seconde et la troisième économie) ne doit plus recourir aux seuls vocabulaires de l’éthique, des vertus, de l’altruisme, du don, de la solidarité. Elle doit recourir au registre sémantique du partage, de l’excellence, de la créativité et l’appliquer à des objectifs supérieurs aux seuls profits. C’est en leur demandant des choses difficiles et en leur présentant des défis ardus que l’on peut attirer les meilleurs, surtout quand il s’agit des jeunes. Le monde de l’économie civile n’attire pas assez de jeunes créatifs et innovants parce qu’il n’a pas su rénover son propre code symbolique, traduire ses grandes paroles "gratuité, fraternité, bien commun" en d’autres termes et nouveaux signes, capables d’enthousiasmer les meilleurs dans les meilleures années de leur vie, et de transformer leur enthousiasme en travail et en projet de vie. Il est encore temps de nous y mettre, au moins d’essayer.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 4/01/2015
Par quel moyen sauverez-vous le monde et quelle voie normale avez-vous pu lui trouver, vous, hommes de science, promoteurs des industries, des assurances, du salaire et du reste ? Par quel moyen ? Avec quel crédit ? Qu’est-ce que le crédit ? À quoi vous conduira le crédit ?
Fëdor Dostoevskij (L’Idiot)
Tandis que nous souffrons d’une crise trop longue, il nous faut, pour ne pas espérer vainement, savoir regarder au vivant foisonnement d’une nouvelle vie, d’entreprises, d’emplois, d’innovations dans le sous-bois de notre économie. Ce foisonnement est réel. Mais la qualité de la nouvelle phase de notre capitalisme dépendra de l’économie qui sera capable aujourd’hui d’ « attirer », d’absorber et de valoriser toute la jeune énergie, intellectuelle et technologique qui émerge au-dedans comme au dehors de "la toile" qu’est le web.
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