Les voix des jours

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Les voix des jours / 15 – Les mystérieuses et inconfortables voies de la fidélité à la parole

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 19/06/2016

Fiore bianco rid« Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme… c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes… Mais malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous : c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux-prophètes. »

 Luc 6,22;26

La condition naturelle du prophète est l’échec. Ce sont les faux-prophètes qui sont écoutés et suivis, qui répondent parfaitement aux attentes de leur temps. Être suivi, connaître la renommée et les honneurs, a toujours été un signe clair de fausse prophétie et continue de l’être. Les vrais prophètes, par contre, sont toujours à contretemps, dérangeants, antipathiques, ennuyeux.

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Ils prennent la défense des pauvres, des opprimés, des orphelins ; ils luttent contre l’idolâtrie ; et ce faisant ils continuent de vivre dans une société où les pauvres sont piétinés et exploités, où les idoles se multiplient. À cause de leur dénonciation ils sont persécutés, lapidés, parfois même emprisonnés et tués. Parcourir l’histoire des prophètes d’hier et d’aujourd’hui nous apprend beaucoup sur les dynamiques du pouvoir et sur la nature des idéologies, qui sont en réalité des moyens que se donne la classe dominante pour plus de pouvoir et de privilèges.

Les vrais prophètes n’aiment pas leur condition de prophète. Ils ne la choisissent pas et, s’ils le pouvaient, ils feraient autre chose. Mais ils ne peuvent pas choisir, et c’est là l’essence de leur vocation. Ils ne réussissent pas à fuir, même s’ils essaient. Les prophètes ne sont ni meilleurs ni pires que les autres : ils sont simplement différents. Certains pensent même qu’ils sont inutiles, sinon nuisibles, parce que leurs vaines paroles ne changent pas le monde et qu’ils finissent par leurrer les pauvres et les marginaux en leur promettant un salut qui ne vient jamais.

Beaucoup le pensent. Mais ils se trompent. Les prophètes ne sont pas seulement incompris en raison de leur "chant" à contretemps. Ils sont aussi délibérément persécutés par ceux qui les comprennent fort bien et pour cela les combattent. Les Pharaon et les Hérode connaissent bien les prophètes et les craignent plus que tout. Mais quelqu’un croit en eux et les aime : ce sont les pauvres, les opprimés, les humbles, les délaissés, les lépreux, qui voient en eux un espoir de rachat de leur injuste condition, et qui sont anthropologiquement et spirituellement à même de comprendre leur voix. Le Royaume des cieux appartient aux "pauvres" et aux "persécutés à cause de la justice" parce que leur condition leur permet de le voir, de le comprendre, de le désirer.

Les puissants, au contraire, aiment beaucoup les faux-prophètes, au point de les adorer. Ils sont leurs adorateurs dévoués, parce que la fausse prophétie confond la conscience collective et qu’elle légitime les pouvoirs en place. Aujourd’hui comme hier abondent sur le marché des penseurs, des écrivains, parfois des religieux, qui génèrent des théories et des idéologies dans le seul but de justifier le pouvoir qui les soutient et les alimente. Quand l’élimination directe des prophètes n’est pas à leur avantage ou leur coûte trop, les puissants y recourent indirectement en soudoyant les faux-prophètes. Ils se comportent comme ces plantes qui, pour se défendre des attaques de certains insectes, sécrètent des odeurs et des substances pour attirer des insectes prédateurs de ceux qui les menacent.

La vertu nécessaire à qui exerce une fonction prophétique est la persévérance jusqu’au bout : il lui faut supporter la frustration alors que ne sont pas écoutées les paroles qu’il prononce par vocation, que les temps sont durs, les persécutions sans trêve, et que la parole prophétique doit continuer à être dite.

Mais pourquoi le prophète continue-t-il de parler alors qu’il ne voit ni la fin des injustices ni l’avènement d’un nouveau règne des pauvres ? Certainement pas parce qu’il espère convertir les puissants. Il sait très bien, et l’apprend en devenant adulte, que les pharaons sont inconvertibles. Il ne met pas non plus son espoir dans les révolutions des pauvres, parce qu’il sait que devenus puissants à leur tour, les pauvres d’aujourd’hui se comporteront comme ceux qui les opprimaient hier. Ils ne sont pas non plus les réformateurs aux petits pas, qui visent les possibles petites améliorations ici et là. Cette vision réformiste, tout aussi importante et essentielle, est celle des (bonnes) institutions, pas celle des prophètes.

L’annonce des prophètes est trop différente du statuquo, et aucune amélioration marginale ne pourrait répondre de façon appropriée à leur prophétie. Ils sont d’éternels insatisfaits, parce que ce qu’ils annoncent est un règne trop juste, un Dieu trop proche, un homme trop différent.

Mais ne confondons pas la prophétie avec l’utopie : si la parole utopique sert souvent à distraire de celle des prophètes, la dénonciation prophétique est au contraire toujours concrète. Elle appelle les personnes par leur nom, agit ponctuellement et visiblement, avec les "vases" et les "jougs" de tous. C’est un "déjà" qui indique un "pas encore". C’est pourquoi la parole des prophètes est toujours trahie, la terre promise jamais atteinte, et leur existence marquée d’une constante et croissante sensation d’échec et de souffrance.

Connaître les prophètes permet de comprendre que le bonheur n’est pas le plus important dans la vie. Si le prophète n’est pas heureux, c’est simplement parce que le bonheur ne l’intéresse pas. Il ne comprend ni ne répond à la question : « es-tu heureux ? » Il veut seulement rester « une voix qui crie dans le désert », sans attendre ni espérer que celui-ci fleurisse. Les vrais prophètes crient toujours dans le désert, où ni la chaleur ni la soif ne font taire leur voix. Et quand ils voient poindre le printemps, ils se demandent si ces bourgeons ne sont pas simplement le signe que leur voix a perdu vérité et prophétie.

Pourquoi donc le prophète continue-t-il de parler, crier, perdre la santé, le bien-être et parfois même la vie ? Parce qu’il ne peut faire autrement. Il est l’hôte d’un mystère qu’il ne possède ni ne connaît, et qui ne lui obéit pas. Mais s’il ne lui prête pas sa voix, il meurt assurément. Voilà le triste et merveilleux destin des prophètes. Dans un genre littéraire simple, unique et paradoxal, la splendide aventure de Jonas révèle au mieux cette dimension essentielle de la vocation prophétique (à côté d’autres dimensions toutes importantes). Jonas, comme Moïse, Jérémie, Élie…, ne répond pas tout de suite à l’appel. Au premier appel à aller prophétiser à Ninive, il fuit et s’embarque sur un bateau partant en direction contraire. Après avoir été miraculeusement sauvé du naufrage (grâce au poisson), il répond au second appel de YHWH et porte le message à la grande ville : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite » (3, 4). Et, chose exceptionnelle, la ville de Ninive et son roi se repentent et se convertissent immédiatement, totalement. Au vu de la conversion, Dieu change d’avis et ne détruit plus Ninive, agissant autrement qu’annoncé au moyen de Jonas. Nul prophète n’est maître de la parole qu’il est appelé à annoncer. Il sait que Dieu ne se laisse pas encager, même par la prophétie qu’il met lui-même dans la bouche des prophètes.

Le plus mystérieux dans l’histoire de Jonas est sa déception et sa rage face au repentir de Dieu : « Jonas le prit très mal, et il se fâcha. Il dit au Seigneur : "Ah ! Seigneur ! N’est-ce pas précisément ce que je me disais quand je vivais sur mon terroir ? Voilà pourquoi je m’étais empressé de fuir à Tarsis. Je savais bien que tu es un Dieu bon et miséricordieux, lent à la colère et plein de bienveillance, et qui revient sur sa décision de faire du mal. Maintenant Seigneur, je t’en prie, retire-moi la vie ; mieux vaut pour moi mourir que vivre !" » (4, 1-3).

Cette douleur et cette indignation de Jonas nous disent quelque chose d’important. Les prophètes sont de grands amants de la parole. C’est pourquoi ils en sont les gardiens. Comme les femmes, les mères, sont les gardiennes expertes du corps, les prophètes le sont de la parole. Ils ne vivent que de cela, ne sachant rien faire d’autre. Mais ils ne sont pas seulement les gardiens dévoués de leur parole : ils en sont aussi les grands défenseurs, aussi bien vis-à-vis des hommes que, comme Jonas, vis-à-vis de YHWH. Comme ils n’en sont pas les patrons, ils peuvent en être – et en sont – les protecteurs.

Plus qu’un artiste ne veille sur son œuvre, le premier rôle du prophète est de protéger la parole, même quand son auteur change d’avis. S’il ne le faisait pas, la parole qu’il annonce s’émousserait vite et se viderait. Les prophètes peuvent défendre la parole de Dieu, même face à Dieu. La parole est une chose très sérieuse : leur mission est de le rappeler à tous, à Dieu aussi, tout en sachant qu’ils ne seront pas écoutés. Si les prophètes n’aimaient pas la parole qu’ils annoncent plus qu’ils ne s’aiment eux-mêmes, ils seraient faux-prophètes, professionnels d’une parole qu’ils vendent sans la servir. Le paradoxe final de l’histoire de Jonas n’apparaît qu’en prenant radicalement au sérieux la prophétie, sans la transformer en une question seulement éthique ou religieuse. La fidélité du prophète à la parole de Dieu est plus radicale que son obéissance à Dieu. C’est dans cette paradoxale fidélité-obéissance que le vrai prophète est vraiment fidèle.

Quiconque a reçu une mission et l’a assumée de façon responsable peut comprendre cette dimension mystérieuse et paradoxale de toute vocation. Ce qu’il a vécu de plus précieux et de plus crucial a été de protéger ce rôle et cette œuvre justement vis-à-vis de qui les lui avait confiés, continuant d’y croire même quand la voix qui l’avait "appelé" se taisait ou changeait d’avis. C’est sur cette terrible et merveilleuse fidélité que se joue la vérité de toute une existence. L’étrange fidélité des prophètes ne les rend pas faciles à comprendre. C’est possible pourtant. Il nous faut au moins essayer.

Alors, après avoir commenté ces dernières années Genèse, Exode, Job et Qohéleth, nous commencerons dimanche prochain à découvrir le premier prophète écrivain, le plus grand peut-être : Isaïe. Un autre chemin imprévisible nous attend, sûrement fantastique. Ensemble.

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Les voix des jours / 15 – Les mystérieuses et inconfortables voies de la fidélité à la parole

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 19/06/2016

Fiore bianco rid« Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme… c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes… Mais malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous : c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux-prophètes. »

 Luc 6,22;26

La condition naturelle du prophète est l’échec. Ce sont les faux-prophètes qui sont écoutés et suivis, qui répondent parfaitement aux attentes de leur temps. Être suivi, connaître la renommée et les honneurs, a toujours été un signe clair de fausse prophétie et continue de l’être. Les vrais prophètes, par contre, sont toujours à contretemps, dérangeants, antipathiques, ennuyeux.

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Le contre-chant des prophètes

Les voix des jours / 15 – Les mystérieuses et inconfortables voies de la fidélité à la parole Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 19/06/2016 « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du ...
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Les voix des jours / 14 – Il nous faut réapprendre à nous donner le levain et l’art de préparer la pâte.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 12/06/2016

Surfinia rid« Le Seigneur me fit sortir par son esprit et me déposa au milieu de la vallée : elle était pleine d’ossements. Il me fit circuler parmi eux en tous sens (…) Il y eut un bruit pendant que je prononçais l’oracle et un mouvement se produisit : les ossements se rapprochèrent les uns des autres. Je regardai : voici qu’il y avait sur eux des nerfs, de la chair croissait et il étendit de la peau par-dessus ; mais il n’y avait pas de souffle en eux. (…) Le souffle entra en eux et ils se mirent à vivre ; ils se tinrent debout. »

Ézéchiel 37,1-10

Faire cohabiter des réalités différentes entre elles, voire contraires, est nécessaire à une bonne et heureuse vie en commun. C’est créer des alliances improbables et imprévisibles entre personnes et dimensions que le bon sens voudrait séparer et éloigner. Les termes "charismes" et "institutions", pas simples, disent quelque chose de cette nature dialogale et conflictuelle d’une bonne vie.

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Charisme et institution sont des principes, analogues aux "principes actifs" des enzymes. Quand manquent le "principe institution" et le "principe charisme", la pâte ne lève pas, le lait ne caille pas pour donner le fromage. Les institutions sans gratuité et sans le plus du charisme-charis deviennent des lieux privés d’humanité, laids et tristes ; quant à l’expérience charismatique, si elle n’est pas soutenue par des structures et des règles, elle ne dure pas, elle se clive et s’évapore.

Institutions et charismes sont coessentiels comme chair et os, esprit et corps, intelligence des mains et celle de l’esprit. Coessentiels et différents. L’institution est adulte, forte, hiérarchique, masculine. Le charisme est jeune, faible, fraternel, féminin. L’institution est Pierre, le charisme est Marie. L’institution est et doit être prudente. Le charisme est et doit être imprudent. L’institution est hostile au risque, le charisme l’aime. L’institution conserve, le charisme innove. L’institution rappelle et maintient, le charisme oublie et change. L’institution préserve de la mort, le charisme génère et régénère nouvelle vie. Sans gratuité on ne peut vivre, seulement survivre. Sans charis, le pain est toujours azyme. Nos grands-mères gardaient le premier levain en donnant une poignée de pâte fermentée à la voisine ; celle-ci en faisait une pâte avec de la nouvelle farine et rendait la poignée le lendemain, en sorte que tous pouvaient faire lever une pâte nouvelle. Merveilleux circuit du partage du pain.

La logique et la précieuse fonction du principe charismatique se comprennent mieux si on le pense en continuation du principe prophétique, central et fort dans la Bible hébraïque et chrétienne, mais aussi dans d’autres grands textes fondateurs des religions et des civilisations, et même présent et riche de traits splendides dans la vie et l’œuvre des grands poètes, écrivains, artistes.

En lisant la Bible et l’histoire humaine de ce point de vue, on se rend compte que les destinataires de la prophétie sont surtout les puissants, les forts, les rois, le temple, les institutions religieuses et politiques. Les prophètes arrivent pour convertir ceux qui détiennent un pouvoir.

Quand les prophètes manquent ou qu’on les fait taire, les institutions s’enferment sur elles-mêmes, oublient les pauvres, les piétinent, les oppriment, ou deviennent des structures qui alimentent les privilèges et les rentes des riches et des puissants. La parole prophétique est concrète et historique. Elle est toujours actuelle, même écrite il y a mille ans, même si on en désamorce la puissance en niant qu’elle nous concerne ici et maintenant.

Quand Jésus dans l’évangile de Matthieu condamne les "scribes et les pharisiens hypocrites", nous méconnaissons la force de ce qu’il dit si nous oublions que les "hypocrites" étaient les chefs des communautés chrétiennes à qui Matthieu s’adressait (et non ceux du temps de jésus). Ces responsables des premières églises de la fin du premier siècle commençaient déjà à se faire appeler "rabbi" et "maître", comme tous les chefs de communautés quand les prophètes se taisent. La parole prophétique nous convertit et nous sauve si nous avons conscience qu’elle est dite et écrite pour nous.

Le profil prophétique ne s’exprime pas que dans les paroles des prophètes. On le retrouve dans la vie et les paroles de nombreux personnages bibliques et beaucoup de livres. Job, Qohéleth, Ruth, le Cantiques des cantiques, les Psaumes, David, l’Apocalypse, beaucoup de lettres de Paul, contiennent des pages prophétiques qui s’ajoutent aux paroles des livres prophétiques qui, eux, ne contiennent pas que des paroles prophétiques. Le principe prophétique ne coïncide pas avec l’activité des prophètes ni, moins encore, avec leur enseignement : il est des paroles prophétiques non dites par des prophètes, et des paroles de prophète non prophétiques.

Parfois la prophétie est une expérience collective, qui implique plusieurs personnes. Une communauté se forme autour du prophète et/ou plusieurs prophètes partagent la même vie. Un phénomène prophétique intéressant est celui des communautés et mouvements charismatiques qui se forment autour d’une ou plusieurs personnes porteuses de charismes, spirituels, politiques, civiles, culturels, artistiques. Ces réalités collectives se caractérisent par le fait qu’elles s’identifient entièrement à la fonction charismatique-prophétique. L’inévitable risque de telles communautés et mouvements charismatiques est de méconnaître en leur sein, dès l’origine, la cohabitation du charisme et de l’institution.

Le charisme produit naturellement et nécessairement ses propres institutions qui, pour rester génératrices et authentiquement charismatiques, doivent sans cesse se reconvertir au charisme originel, en reconnaissant et valorisant leurs prophètes. Mais comme elles sont elles-mêmes "prophètes par vocation et mission", les communautés charismatiques ne ressentent pas le besoin d’accueillir et de valoriser les prophètes qui naissent en leur sein, et qu’elles combattent généralement comme faux prophètes. Alors elles commencent à décliner, à ne plus être charismatiques, faute d’avoir su laisser du champ à quiconque est porteur de la dimension prophétique. Paradoxalement, les lieux les moins accueillants aux prophètes sont les communautés prophétiques d’où ils proviennent. Nul n’est prophète dans ces patries, parce que l’institution absorbe toute dimension prophétique, monopolise le principe charismatique, et ne ressent pas le besoin d’une critique charismatique interne.

Sages sont les gouvernements charismatiques qui savent accueillir des personnes non conformistes et critiques et leur reconnaître un rôle coessentiel. Ils reconnaissent qu’elles sont providence et salut, et accueillent leurs inévitables critiques. Ils ont appris qu’à côté du bon grain des prophètes il y aura toujours l’ivraie des faux prophètes.

L’institution formule des statuts et des règlements toujours plus détaillés ; le charisme les change, les transforme, les simplifie. Quand le gouvernement des communautés charismatiques n’est composé que de conformistes qui suivent la vision et la parole de l’institution (cas général), elles perdent prophétie et générativité. La prudence bride la prophétie et l’innovation ; les règles et les paroles d’hier deviennent demain des camisoles de force.

La plus précieuse qualité des gouvernants de communautés charismatiques est la capacité de repérer les prophètes dispersés dans les périphéries, de leur accorder espace et écoute, de renoncer au consensus inconditionnel et à l’absence de critiques. C’est le désaccord, et même une certaine dose de conflictualité, qui signale la présence du charisme dans les institutions, notamment charismatiques.

Le premier rôle vocationnel de ces voix, de toute voix prophétique, est de prévenir et combattre la maladie de l’idolâtrie, qui fait naturellement son apparition dans les institutions charismatiques où la voix prophétique est en voie de disparition. La première et inévitable tentation de tous les prophètes est d’identifier leur propre voix à celle de YHWH, d’oublier que seules quelques-unes de leurs paroles sont différentes de toutes les autres.

Dans les rares communautés où on laisse vivre et œuvrer les prophètes, l’authentique miracle de la résurrection du charisme originel peut s’accomplir. Les institutions gardiennes d’un charisme tendent naturellement à devenir les sépulcres du premier événement prophétique. Quoi qu’elles fassent pour garder en vie le souvenir et la mémoire d’hier, cela reste un culte funéraire. Sans les résurrections, les morts restent dans leurs tombes, c’est la loi de la vie. Il n’y a qu’un seul bon deuil du charisme originel des fondateurs : sa résurrection. Nouvelle chair, nouveaux sang, muscles, nerfs, qui redonnent un nouveau corps au squelette du premier. Toute génération doit ressusciter des anciens et nouveaux squelettes. Mais seule l’imprudence des prophètes peut faire de la poignée de levain héritée des pères un pain multiplié pour rassasier les foules aujourd’hui affamées.

La prophétie est capable de tout cela, peut insuffler l’esprit sur les os des squelettes pour leur redonner vie. Sans elle les expériences charismatiques n’ont que deux tristes destins possibles : se terminer avec la mort de leurs fondateurs, ou devenir de simples institutions qui gardent mémoire de ce qui n’est plus – comme la photo d’une fête passée ou d’un ami lointain. Il suffirait simplement de prophètes pour que les sépulcres se vident et que la photo revive de sang et de chair.

Mais il y a une très bonne nouvelle : les prophètes existent, même s’ils sont difficiles à trouver. Comme l’esprit, leur parole souffle où et quand elle veut. Aucun métier ne la retient, elle échappe au bon sens. Elle fréquente des lieux improbables : dans le chant de Myriam au-delà de la Mer Rouge, dans l’ânesse de Balaam, le vieillard Siméon et surtout en tant de gestes muets. Les plus authentiques paroles prophétiques vivent parmi les pauvres, les petits, les ignorants, les délaissés, les désespérés et les ratés, sur la bouche des mères au chevet des moribonds. Pour rencontrer les prophètes dont nous avons tous un immense besoin, cherchons-les où ils ne devraient pas être. Implorons leur parole sur nos os. Puis apprenons à ressusciter.

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Les voix des jours / 14 – Il nous faut réapprendre à nous donner le levain et l’art de préparer la pâte.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 12/06/2016

Surfinia rid« Le Seigneur me fit sortir par son esprit et me déposa au milieu de la vallée : elle était pleine d’ossements. Il me fit circuler parmi eux en tous sens (…) Il y eut un bruit pendant que je prononçais l’oracle et un mouvement se produisit : les ossements se rapprochèrent les uns des autres. Je regardai : voici qu’il y avait sur eux des nerfs, de la chair croissait et il étendit de la peau par-dessus ; mais il n’y avait pas de souffle en eux. (…) Le souffle entra en eux et ils se mirent à vivre ; ils se tinrent debout. »

Ézéchiel 37,1-10

Faire cohabiter des réalités différentes entre elles, voire contraires, est nécessaire à une bonne et heureuse vie en commun. C’est créer des alliances improbables et imprévisibles entre personnes et dimensions que le bon sens voudrait séparer et éloigner. Les termes "charismes" et "institutions", pas simples, disent quelque chose de cette nature dialogale et conflictuelle d’une bonne vie.

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Le pain partagé du lendemain

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Les voix des jours / 13 – Ce qui compte vraiment, c’est de marcher jusqu’au bout.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 05/06/2016

Rosa rid« souffrance-épouse est ta douleur de n’éprouver aucune douceur qui ne soit celle de tous »

Davide Maria Turoldo, L’Uomo

Le plus grand défi dans toute expérience communautaire est de parvenir à donner vie à un "nous" qui ne finisse pas par manger les "je" qui l’ont engendré. Les noms collectifs ne sont du bon côté de la vie que s’ils sont accompagnés et précédés par les noms et pronoms personnels. Les "nous" sans les "je" sont à l’origine de toutes les pathologies communautaires et des régimes non libéraux, même quand,  vêtus en sauveurs, ils promettent la libération.

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Les communautés ne servent les personnes qui les composent qu’en se reconnaissant secondes, en acceptant que la plus simple personne précède le pluriel. Quand cet ordre naturel des pluriels et des singuliers est inversé ou nié, les cheminements personnels se détériorent, les vocations se fanent, la communauté se trahit elle-même.

Le destin de toute vocation est de générer de la vie nouvelle, de libérer les esclaves des pharaons, de l’autre côté de la mer. Mais chaque vocation est aussi une grande histoire d’amour. Elle se développe bien s’il lui est concrètement possible à la fois de libérer les opprimés et de gérer – chose délicate – les émotions narcissiques inhérentes à tout enchantement amoureux.

Au commencement il y a l’éros. La voix nous rencontre, nous appelle et nous séduit, et nous voilà dans le rêve des rêves. Tout chante autour de nous, un nouveau soleil intérieur brille, plus vrai et lumineux que celui qui resplendit au-dehors. Les sentiments s’enflamment, le cœur bat d’émotion, la voix qui nous appelle se fait proche comme le pain, comme les personnes. Expérience sublime, indispensable à tout envol sous le soleil. Qui l’a expérimentée la cherche encore toute sa vie.

Mais pour que la vocation se développe bien, il faut que l’éros murisse en philia (amitié). Alors le premier appel devient une expérience de compagnie et de fraternité. On quitte le registre prédominant du sentiment et de la passion, et on construit des communautés. Les sentiments et l’enchantement amoureux ne disparaissent pas pour autant, mais ils ne sont désormais ni le premier ni le seul langage. Cette période de la vie est très belle et longue en général : la vocation fait construire de nouvelles villes, fonder des œuvres, vivre une nouvelle fécondité avec la venue de nouveaux fils.

Après Ismaël, le fils de la chair, vient Isaac, l’enfant de la promesse. La foi aussi change : de sentimentale et intimiste, elle devient une grande histoire de peuple, elle s’épanouit en communauté. On retrouve dans l’amour des autres le même premier amour, et ensemble on célèbre une alliance nouvelle. La vocation s’ouvre, devient un événement collectif.

Cependant l’éros reste présent dans l’âge de la philia, parce que chaque aspect de l’amour est coessentiel à une bonne vie : Il n’est pas de bonne philia (ni d’authentique agapè) sans éros. Mais la maturation en philia change à jamais l’éros, l’ouvre, l’humanise.

Dans les vocations qui ne s’abîment pas en chemin, la philia, née de la maturation de l’éros, s’épanouit à son tour en agapè. C’est le temps de la pleine maturité, où les fleurs du printemps deviennent les fruits de l’été. La communauté qui a veillé sur la première vocation et l’a fait devenir une aventure collective partagée et féconde, devient maintenant un tremplin vers de nouveaux horizons de l’esprit. La communauté accomplit son rôle de bon pédagogue et introduit la personne à la vie adulte. On continue de vivre avec et pour les autres compagnons de voyage, mais avec une liberté et une vérité toutes neuves.

La libération promise par le premier appel atteint ici un premier objectif : nous libérer de la communauté même qui nous avait été donnée. On comprend qu’on a été envoyé pour une communauté plus grande que la nôtre : celle de tous. Nous découvrons que la famille qui nous a accueillis n’était pas la dernière parole, mais l’avant-dernière ; que notre destin habite la terre de tous ; que le ciel au-dessus de notre jardinet est trop petit pour contenir notre appel à l’infini.

Et nous partons, même en restant à la maison. Il n’est pas de liberté plus vraie et plus radicale que celle qui jaillit de l’agapè, nous fait devenir anima mundi et connaître la gratuité. Qui rencontre ces âmes ‘agapè’ sent battre l’univers entier, au-delà des confins limités d’une communauté ou d’un charisme particulier. Leur identité est réellement devenue universelle, leurs communautés ont toujours la porte ouverte.

Toutes les vocations ne parviennent pas au niveau de l’agapè. Beaucoup d’entre elles restent bloquées aux stades antérieurs. L’issue la plus commune est l’arrêt à la phase "érotique". On reste toute la vie dans le registre du sentiment, des émotions, du romantisme. Tombent dans ce narcissisme vocationnel les personnes qui ne quittent jamais le premier rêve, le réinventent et le recréent chaque fois qu’il disparaît. Au lieu d’interpréter la fin de l’enchantement amoureux comme un signe et une invitation à passer à un amour différent, plus mûr, elles restent prisonnières de leurs sentiments, en continuelle recherche narcissique d’expériences "spirituelles" sources d’émotions, stimulant les sens et les passions.

Leur vie devient un vol permanent de fleur en fleur, à la recherche de nouveaux pollens frais et enivrants. Elles sont en continuelle recherche d’amitiés, de rencontres et de communautés qu’elles "consomment" et délaissent vite après l’assouvissement. Leur vie répète une seule et monotone expérience de "consommation" émotive, sans jamais atteindre la phase "productive" et la libération des esclaves.

Les émotions et les sentiments sont l’aurore d’une vocation, pas le midi. Le premier dialogue, exclusif et rassasiant, doit devenir dialogue avec les hommes, les pauvres, les esclaves, avec toutes les voix du monde, celles des oiseaux, de la mer, des cailloux. Une seule voix ne suffit plus à exprimer aujourd’hui le premier appel. Trop de personnes cessent de croire en la vérité du premier appel parce qu’elles en recherchent la voix aux mauvais endroits, dans l’enfance de la vocation, les sentiments et les passions du cœur. Or cela n’en était que le berceau, qui doit maintenant servir à accueillir les enfants, les nôtres et ceux des autres.

La foi biblique ne se consomme jamais individuellement : elle génère sans cesse un salut encore à accomplir, pour les autres, et pour nous quelquefois. Noé est monté dans l’arche du salut qu’il avait construit par vocation. Moïse, par contre, n’arriva pas dans la terre promise : il ne la vit que de loin. En recevant une vocation nous ne savons pas si le salut sera pour nous aussi, ou seulement pour les autres. Mais ce qui compte vraiment, c’est de marcher jusqu’au bout. Le mont Nébo peut être un bon endroit pour mourir si avant de mourir nous avons vu notre peuple parvenir au salut.

Ces vocations bloquées aboutissent habituellement à une grande crise, car l’accoutumance aux émotions réduit, voire annule, le sentiment de plaisir de la consommation émotive. On finit par ne plus rien ressentir du tout, on prend cela pour une aridité spirituelle et, en identifiant la vocation à cette première et unique nourriture, on se perd. Il peut arriver que cette grande aridité ouvre une nouvelle phase et marque le début de la vie spirituelle. Mais cette heureuse issue est rare, parce que la personne qui traverse ces aridités "érotiques", au lieu d’être aidée à changer radicalement de registre, est souvent encouragée à continuer sa consommation intérieure en quête des émotions perdues. La maladie devient alors incurable. On ne comprend pas que pour passer d’un stade de la vie à un autre il suffit d’apprendre à mourir.

Pas moins fréquent est le blocage dans la phase de la philia, qu’il est plus difficile d’interpréter comme maladie ou échec vocationnel, parce que la frontière entre philia et agapè est beaucoup plus floue que celle entre éros et philia. Les personnes arrivées au stade de la philia font l’expérience de fruits qui ressemblent aux fruits typiques de l’agapè. Quand de l’éros individuel on parvient à la choralité de la vie communautaire, on vit une nouvelle fécondité en comparaison avec la phase érotique que stérilise le prolongement outre nature de son arc de vie temporelle. Il est donc facile de rester prisonnier de la communauté-philia, sans jamais parvenir à la vraie phase ‘agapique’.

Quand on parvient à l’âge de la philia, l’identité individuelle finit presqu’inévitablement par coïncider avec l’identité communautaire. On s’identifie à elle au point de ne plus savoir dire "je", mais seulement "nous". L’arrivée de la phase "agapè" devient alors libération de la philia communautaire, une grande bénédiction, qui survient comme une blessure, parfois très profonde et douloureuse.

On ne peut pas passer de l’éros à l’agapè sans traverser la philia, parce que la communauté-agapè est résurrection de la communauté-philia. Celle-ci est donc essentielle. Quand l’identité personnelle s’est identifiée pendant des années à l’identité collective, le passage à la nouvelle liberté de l’agapè est une véritable mort. La communauté-philia doit disparaître pour laisser place à la communauté-agapè. Cette disparition entraîne tout avec elle : le charisme, notre personnalité, parfois même la foi. Le désarroi est total et radical, mais il n’y a pas d’autre voie pour arriver à la terre de l’agapè. La sagesse des accompagnateurs pendant la crise de la philia est de savoir montrer la terre promise au-delà des flots qui emportent tout, de faire voir par-delà la mer un arbre beaucoup plus fécond et vigoureux que le bonsaï qui se meurt.

Seul qui a dépassé la phase de la philia (et de l’éros) devrait accompagner ceux qui luttent encore sur le gué. Trop de fleuves Jourdain ne sont pas traversés parce qu’ils n’ont jamais été repérés par les guides, ou qu’on les a confondus avec le Nil de l’antique esclavage.

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Les voix des jours / 13 – Ce qui compte vraiment, c’est de marcher jusqu’au bout.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 05/06/2016

Rosa rid« souffrance-épouse est ta douleur de n’éprouver aucune douceur qui ne soit celle de tous »

Davide Maria Turoldo, L’Uomo

Le plus grand défi dans toute expérience communautaire est de parvenir à donner vie à un "nous" qui ne finisse pas par manger les "je" qui l’ont engendré. Les noms collectifs ne sont du bon côté de la vie que s’ils sont accompagnés et précédés par les noms et pronoms personnels. Les "nous" sans les "je" sont à l’origine de toutes les pathologies communautaires et des régimes non libéraux, même quand,  vêtus en sauveurs, ils promettent la libération.

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Pour donner une âme au monde

Les voix des jours / 13 – Ce qui compte vraiment, c’est de marcher jusqu’au bout. Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 05/06/2016 « souffrance-épouse est ta douleur de n’éprouver aucune douceur qui ne soit celle de tous » Davide Maria Turoldo, L’Uomo Le plus grand défi dans toute expéri...
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Les voix des jours / 12 – La vie se fane quand elle s’arrête aux projets de jeunesse

Par Luigino Bruni

Publié sur Avvenire le 29/05/2016

Fiore Filippine rid rid« Sauve-moi, mon Dieu, de l’excès de paroles »

Sant’Agostino, De Trinitate

Les effets les plus marquants de nos actions sont non intentionnels, suscités sans qu’on y pense, alors que nous voulions le contraire peut-être. Cet écart entre intention et résultat est dû à notre incapacité de contrôler les processus libres et complexes auxquels nous donnons vie. Chacun de nos actes est une semence qui fleurit, croît et meurt selon des lois qui nous échappent. Si les résultats de ce que nous générons étaient dépendants de notre volonté et de notre intelligence, le monde serait trop triste et pauvre pour y vivre, privé des plus grandes surprises qui soient "sous le soleil".

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La vraie vie est liberté ; elle ne suit pas les règles que nous lui imposons, ne se laisse pas mettre en cage et dominer par notre volonté.

Les effets non intentionnels de nos actions sont toujours importants ; ils sont particulièrement décisifs dans les organisations à mouvance idéale et dans les communautés et mouvements nés de charismes ou de valeurs spirituelles. Les issues les plus heureuses y naissent d’événements imprévus, et les pires résultent de choix et de règles qui visaient, avec les meilleures intentions, de futurs développements et succès.

C’est surtout dans le rapport réciproque entre les fondateurs et les futures générations que les effets des actions dépassent les intentions. Qui donne vie à une organisation ou communauté idéale perçoit fortement à un moment donné le profond besoin de rédiger une "règle". Cette règle a diverses fonctions. C’est une carte d’identité de cette communauté nouvelle et unique, comportant photo et généralités. Mais c’est aussi une constitution qui contient les règles de gouvernance pour que les rapports entre les membres soient en cohérence avec la spécificité du charisme, et que le "vin nouveau" trouve de "nouvelles outres" capables de le contenir et de le faire mûrir.

Le premier but de toute bonne règle est d’assurer la fidélité au charisme de ceux qui viennent après. C’est justement autour de cette grande parole, fidélité, que se joue la qualité idéale, humaine, communautaire et spirituelle des futures générations. Dans la vie, dans toute vie, tout est affaire de fidélité. Elle est confiance, alliance, pacte nuptial, comme le disent les noms français et portugais de l’anneau nuptial – alliance, aliança – qu’en italien on appelle fede (foi).

Comme dans toute foi, la fidélité est un libre cheminement à la suite d’une voix qui un jour nous a appelés vers une terre promise et une grande libération. C’est un exode, un pèlerinage vers un mont qui s’élève au-dessus de nous, inconnu et mystérieux, un lieu de régénération et de salut personnel et collectif. C’est un aller d’où on ne revient jamais parce que la maison qui nous attend au retour est toujours nouvelle et différente. Jamais on ne la reconnaît ; il nous faut apprendre à la revoir et à la réentendre avec une âme toujours nouvelle après chaque voyage ; une âme qui grandit en cheminant jusqu’à coïncider un jour avec la terre entière et tout le ciel. La maison gardienne d’une vraie grande alliance change mille fois au cours de la vie, et, quelle que soit sa grandeur, elle devient toujours trop petite. Aucune maison née d’un appel ne coïncide avec la mesure de notre cœur, même si la tentation est toujours forte d’en abaisser le toit et d’en rapetisser les pièces pour l’habiter confortablement.

La fidélité n’est pas un processus simple, pas même cette première fidélité à nous-mêmes que tous nous cherchons et qui nous échappe, car le jour où nous l’acquerrions ne serait que le début d’une "grande trahison". Nous sommes fidèles à nous-mêmes tant que, grâce à une énergie morale qui nous est inconnue, nous rentrons à la maison après l’énième trahison et ouvrons la porte aux visiteurs toujours nouveaux qui viennent nous honorer, sans que la souffrance d’avoir laissé entrer quelqu’un par erreur ne ferme pour toujours la porte de notre cœur.

La fidélité au fondateur et au charisme est elle aussi délicate, sentier semé de dangers et d’embûches dans un bois merveilleux. Les premiers pièges sont disséminés par le fondateur lui-même tout au long du chemin, malgré sa volonté de bien faire et sa certitude morale de créer les conditions de salut du futur. Leur peur inévitable et nécessaire que la tradition du charisme ne se transforme en trahison conduit presque toujours les fondateurs à insérer dans leur règle des dispositifs de protection qui se transforment en pièges. Ils agissent comme ces épouses ou ces maris qui, par crainte d’être trahis, élaborent un système de contrôle de la vie du conjoint qui tue la mutuelle liberté et bientôt le couple lui-même. Or celui-ci vit et grandit tant que reste réelle et concrète l’option de la trahison que chaque fois librement on élimine.

La seule bonne gestion de la crainte naturelle des trahisons est l’accueil de l’absolue vulnérabilité de toute authentique fidélité. La construction d’une fidélité invulnérable est la première trahison de toute alliance, même si elle n’est ni voulue ni pensée. Nous ignorons si nous sommes fidèles tant que nous ne sommes pas au seuil de la mauvaise porte et découvrons que nous pouvons encore rentrer chez nous. Blinder une règle pour la protéger de possibles abus est le sûr chemin vers la stérilité spirituelle de la communauté. Chaque vulnus (blessure) est aussi une fissure et une possible fécondité. Une bonne alliance communautaire commence avec une règle qui ne craint ni la vulnérabilité ni le risque d’abus de confiance et de foi.

Cependant, même quand le fondateur a composé de bonnes règles courageuses et vulnérables, la responsabilité des futures générations n’est pas plus facile, en raison des pièges qu’elles-mêmes construisent au long de la route. L’un d’eux est l’interprétation du verbe "se souvenir". Dans l’Évangile se trouve un merveilleux passage qui devrait inspirer la gestion de la fidélité dans chaque communauté. Dans son dernier discours aux disciples après la résurrection, Jésus dit : « Je vous ai dit ces choses tandis que je demeurais auprès de vous ; le Paraclet, l’Esprit Saint… vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jean 14,25-26).

Dans le temps d’après les fondateurs l’Esprit assume trois fonctions essentielles : il est paraclet, il enseigne, il fait se ressouvenir. L’esprit est le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat, le défenseur, celui qui est de notre côté, qui nous protège et nous sauve. Il est ensuite celui qui nous enseigne "toutes choses", il est le maître dans le temps qui suit le fondateur, il est le charisme même. Cet enseignement s’accomplit par l’exercice d’une dimension particulière de la mémoire. Se souvenir est une opération fondamentale, pas un acte mnémotechnique mais un événement spirituel essentiel pour comprendre dans le temps présent l’esprit des paroles antiques, par delà la lettre. Se souvenir des paroles fondatrices est un processus complexe et pluriel, qui implique plusieurs protagonistes distincts et coessentiels : les premières paroles historiques, l’Esprit, et une communauté capable de se souvenir dans l’Esprit.

Une erreur fréquente consiste à confondre le "se souvenir" dans l’Esprit avec la reconstruction exacte des paroles prononcées. Cette erreur bloque les communautés au nom d’une fidélité absolue aux paroles et elle en fait perdre l’Esprit, qui est défense et créativité. La parfaite et totale fidélité devient totale et absolue trahison. Les documents des ipsissima verba des fondateurs n’aident pas à vivre fidèlement le souvenir spirituel ; ils finissent au contraire par empêcher le bon souvenir qu’assure le Paraclet. Dans le livre de Job, au chapitre 19, Job invoque le Paraclet pour qu’il le défende contre l’injuste condamnation d’Élohim. L’esprit défend les communautés vis-à-vis des fondateurs, en leur rappelant les seuls faits et paroles qui font vivre ici et maintenant.

Il n’est pas nécessaire de se souvenir dans l’Esprit de toutes les paroles. Les hérésies naissent souvent de paroles effectivement prononcées par un fondateur, mais non souvenues dans l’esprit. Tout bon souvenir est partiel, parce que la vie et le salut sont dans le souvenir des quelques paroles que seul peut générer un processus communautaire sage et risqué ; il est création de paroles vivantes et incarnées ; il n’est jamais le souvenir nostalgique des événements passés ; bien se souvenir, c’est revivre le même miracle du commencement avec des paroles antiques et nouvelles.

Les communautés vivantes et fécondes sont celles où chaque génération a osé décider de quelles paroles se souvenir et lesquelles laisser reposer dans l’attente du moment propice. Quand manque au contraire ce travail du souvenir partiel – qui frôle toujours la trahison et parfois la traverse – les bonnes intentions de fidélité inconditionnelle génèrent involontairement les pires résultats. Les évangiles ne sont pas un passage en revue de toutes les paroles de Jésus, mais seulement de celles rappelées dans l’Esprit. Chaque charisme vit tant que la communauté ne prétend pas se souvenir de toutes les paroles du fondateur, tant qu’elle affronte les risques du souvenir spirituel partiel, même quand le fondateur avait recommandé de se souvenir de tout. Les paroles de vie ne sont pas si nombreuses.

Tel est le beau paradoxe de toute tradition et de toute fidélité. Il n’est pas de plus grande trahison que celle d’un fils qui décide d’adhérer parfaitement aux projets de ses parents. Il n’est pas de rencontre plus banale que celle qui satisfait pleinement nos attentes, ni pire travailleur que l’exécuteur parfait des consignes. La vie adulte se fane quand elle se limite aux projets de jeunesse.

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Les voix des jours / 12 – La vie se fane quand elle s’arrête aux projets de jeunesse

Par Luigino Bruni

Publié sur Avvenire le 29/05/2016

Fiore Filippine rid rid« Sauve-moi, mon Dieu, de l’excès de paroles »

Sant’Agostino, De Trinitate

Les effets les plus marquants de nos actions sont non intentionnels, suscités sans qu’on y pense, alors que nous voulions le contraire peut-être. Cet écart entre intention et résultat est dû à notre incapacité de contrôler les processus libres et complexes auxquels nous donnons vie. Chacun de nos actes est une semence qui fleurit, croît et meurt selon des lois qui nous échappent. Si les résultats de ce que nous générons étaient dépendants de notre volonté et de notre intelligence, le monde serait trop triste et pauvre pour y vivre, privé des plus grandes surprises qui soient "sous le soleil".

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Le paradoxe de la fidélité

Les voix des jours / 12 – La vie se fane quand elle s’arrête aux projets de jeunesse Par Luigino Bruni Publié sur Avvenire le 29/05/2016 « Sauve-moi, mon Dieu, de l’excès de paroles » Sant’Agostino, De Trinitate Les effets les plus marquants de nos actions sont non intentionnels, suscités sans qu’on...
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Les voix des jours / 11 – Le travail quotidien est le levain de tout parcours vocationnel

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 22/05/2016

Pane rid« La tension de l’existence, l’aiguillon intérieur qui nous pousse à la vivre, tient au fait que chaque étape est nouvelle, inédite et unique, et qu’elle ne se répétera jamais. Quand nous ne sentons plus cet aiguillon, un sentiment de monotonie nous envahit, qui peut conduire au désespoir. »

Romano Guardini, Les âges de la vie

La dimension spirituelle de la vie est aussi réelle et concrète que la condition physique et psychique. Nous n’aurions jamais contemplé les étoiles, écrit un poème, honoré nos morts, si ne nous habitait, en plus de la chair et des os, un souffle invisible qui nous échappe et nous aime. L’honneur, la sincérité, la beauté, la douceur et toutes les béatitudes, sont affaires spirituelles, que ni le sang ni la chair ne peuvent nous révéler.

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Les âges de la vie sont aussi ceux de l’esprit, qui croît, évolue, change chaque matin, et se réveille différent de la veille. Une des plus grandes pauvretés de notre temps est la négation de la vie spirituelle ou sa réduction au biologique ou au psychique. Et comme on ne reconnaît plus l’esprit dans la chair et les émotions, il ne se trouve plus de maîtres capables de distinguer une dépression spirituelle d’une dépression psychologique. Nous sommes aveugles aux maladies de l’esprit, que nous confondons avec d’autres qui leur ressemblent. Nous ne les soignons pas et c’est ainsi qu’il y a dans le monde trop de souffrance spirituelle incomprise et non aimée.

La vie de l’esprit aussi a ses saisons, différentes pour chacun, comme et plus que pour le corps. Dans l’évolution spirituelle des personnes se passent des événements importants et cruciaux. L’un d’eux est ce qu’on appelle la vocation, fait moins rare qu’on pense, et que révèle un jour dans l’esprit de la personne l’irruption d’une voix qui l’appelle par son nom. Un événement imprévu, inattendu, toujours surprenant, qui change la vie pour toujours. Ces vocations prennent parfois des formes et des langages religieux, d’autres fois elles en prennent d’autres.

On ne comprend pas grand-chose à la vie si l’on pense que la vie spirituelle n’est qu’un fait religieux, alors qu’elle est avant tout et fondamentalement une réalité anthropologique. Beaucoup entendent en eux une voix qui les appelle, et ne savent pas ou ne veulent pas l’appeler Dieu. La voix existe et elle appelle, même quand on ne sait pas d’où elle vient. Dans l’humanisme biblique l’homme suit une voix qu’il ne voit pas, au nom imprononçable. Seules les idoles ont des noms et des visages bien visibles, mais muets.

Quand quelqu’un vit une authentique rencontre spirituelle, sa traversée des saisons de la vie s’enrichit et se complique. D’abord, quel que soit l’âge où advient cette rencontre, elle lui fait toujours faire une expérience de jeunesse. Rien autant qu’une vocation adulte nous fait redevenir jeunes. C’est le seul élixir de jeunesse qui soit sous le soleil, bien plus radical et puissant que tomber amoureux, ou devenir grands-parents. Elle nous nourrit vraiment du fruit de l’arbre de vie. Cette jeunesse d’esprit a des effets immédiats au plan psychologique, et parfois corporel. Les limites ne se font plus sentir, mélancolie et cynisme disparaissent, on veut changer le monde et le rendre meilleur. Les yeux, surtout, se mettent à briller d’une lumière typique, incomparable, d’une beauté plus frappante que celle de la jeunesse, et qui devient merveilleuse dans les jeunesses de l’esprit. En ce sens toute vocation est un baptême, c’est mourir et ressusciter, c’est renaître, c’est retourner en adulte dans le sein d’une autre mère.

La vocation - et la jeunesse qui la caractérise - est cependant particulièrement délicate chez les jeunes selon l’état civil. La jeunesse du corps couplée à celle de l’esprit libère une puissante énergie, pour les plus grandes et les plus folles actions, que seul un jeune touché dans son esprit peut entreprendre. Elle produit une générosité illimitée, une docilité infinie. On peut et l’on veut tout faire. Cette combinaison de deux jeunesses différentes produit cependant un autre effet : elle allonge la durée réelle de la jeunesse. Qui reçoit une vocation quand il/elle est jeune, reçoit aussi le don d’une plus longue jeunesse. Le lumineux enchantement des yeux dure longtemps, et accorde pendant de nombreuses années le don de rester réellement jeunes, enfants de l’évangile, de rester comme des ‘enfants’ toute la vie. Une jeunesse d’autant plus longue que l’appel a été plus fort et que les talents naturels et moraux de la personne ont été plus grands. Et cette longue et belle jeunesse naturelle-spirituelle génère presque toujours une belle et longue vie adulte et une vieillesse plus tardive et bonne. Elle constitue les arrhes d’un grand don à venir. Elle retarde la venue de la vie adulte, qui sera d’autant plus belle et féconde.

La possibilité que se maintiennent dans l’avenir les promesses de la longue et splendide jeunesse vocationnelle dépend beaucoup en réalité de la façon dont son infinie générosité sera utilisée par les responsables de communautés, organisations, mouvements à mouvance idéale ou charismatique. Qui se trouve en situation de responsabilité et d’autorité vis-à-vis d’une personne de cet âge, a un rôle difficile et délicat. Il doit en entretenir l’enchantement, parce que la jeunesse peu réaliste, émerveillée, idéaliste et inexperte est un bien commun rare et précieux. Mais il lui faut faire très attention, parce que si le développement humain et psychologique est bloqué durant la jeunesse spirituelle, il arrive un jour qu’après avoir été longtemps jeune la personne se réveille vieille avant d’avoir été adulte.

C’est dans ce "risque éducatif" que s’insère le discours sur le travail. La générosité et l’héroïsme typique de ces jeunes les portent souvent à négliger ou à ne pas s’intéresser aux études ou à la profession antérieure ou future, car est très fort en eux le désir de se consacrer totalement à la nouvelle réalité. Alors la vocation, au lieu de servir et de potentialiser les talents humains et professionnels, se transforme trop souvent en une sorte de profession en soi, qui absorbe tout le reste.

Ce n’est pas par hasard que "ora et labora" était dans l’ADN des premières expériences monastiques. Les premiers franciscains aussi vivaient de leur travail. La plupart des réformes de la vie monastique concernaient le travail, parce que ‘ora’ tendait peu à peu à manger ‘labora’. ‘Ora’ aide ‘labora’, mais le travail aussi aide la vie spirituelle, parce qu’il est en lui-même une activité spirituelle et charismatique. Qui est parvenu à sauver et développer une activité professionnelle tout en vivant dans une communauté charismatique le sait très bien. Il le sait si c’est un vrai travail qu’il a exercé, parce qu’il est difficile de vraiment travailler quand on développe sa vocation au sein de communautés idéales. On fait des petits ‘boulots’ pour subvenir aux besoins ou pour s’occuper, mais rarement on travaille vraiment, assumant les horaires, les responsabilités, la discipline et les fatigues d’un travail professionnel.

La racine de cette erreur, grave et fréquente dans la formation des jeunes vocations, est la vision aristocratique et gnostique selon laquelle les activités "spirituelles" sont supérieures à l’exercice d’un travail professionnel, comme si une liturgie ou une Messe étaient toujours, par nature, des activités plus morales et dignes qu’une simple heure de travail – thèse parfois soutenue par des exégèses originales du passage de l’évangile concernant "Marthe et Marie". Il n’est donc pas étonnant qu’une des crises fréquentes et sous-évaluées de la vie religieuse adulte est due à l’insuffisance de l’activité ‘travail’ dès les jeunes années. Cela est dû au fait qu’on considère le travail comme un mal nécessaire, qui vole du temps précieux au seul bon "travail" de la mission. Or quand une profession (comme enseigner ou soigner) est inhérente à la mission, il est encore plus important que la dimension travail soit distincte, cultivée, soignée, jamais instrumentalisée aux buts de la mission et ainsi dénaturée. Seul un travail aimé et respecté peut un jour être quitté, quand la vie appellera ailleurs. On "s’attache" à un travail mal fait dont on devient "esclave" ou "patron". Mais si le travail est au contraire vu et reconnu pour ce qu’il est réellement, on le quitte avec la même douloureuse dignité qu’en laissant un fils libre de suivre une route qu’on n’avait pas prévue pour lui.

Travailler réellement est vraie laïcité, expression du fait qu’on est tout simplement hommes et femmes. Le travail est la possibilité de sentir et d’écouter battre le cœur de sa ville, de son temps, des gens avec qui l’on vit.

Il n’est pas toujours possible de travailler réellement dans la vie. Mais il faut vivre le non-travail comme une indigence, non comme un privilège ou une élection ; il faut souffrir de ne pas être devenus travailleurs, et parfois, grâce à cette souffrance, s’en trouver guéris. Un responsable de communauté qui a réellement travaillé, ou qui a souffert de ne pas l’avoir pu, fera en sorte que les jeunes qui arrivent dans les communautés en raison d’une vocation puissent avoir la chance d’exercer une réelle activité professionnelle, peut-être pour quelques années, pour peu de temps, mais un vrai travail, pas des "petits boulots".

Un jour on sortant d’une Messe, j’ai vu un ouvrier réparer un dégât dans les égouts. Tandis que je le remerciais pour son travail, j’ai ressenti que cette gratitude avait la même saveur eucharistique (eu-charis). Quand nous séparons le pain de l’autel du travail qui l’a produit, nous brisons le pont entre le temple et la ville, et nos cultes ne sauvent personne. Le pain et le vin peuvent devenir sacrement de mort et de résurrection parce qu’ils étaient déjà morts et ressuscités quand notre travail les a faits nourriture et boisson. Quand au contraire l’eucharistie n’est plus gratitude à l’égard du vrai travail, on ne la comprend plus, le pain ne se multiplie pas et ne rassasie plus les foules.

Une société qui ne voit plus le travail manque de repères anthropologiques et spirituels pour comprendre le mystère de l’Eucharistie. Qui connaît la fatigue et la beauté du travail qui transforme en pain et vin le raisin et la farine, comprend comme il est beau de les porter sur l’autel. L’Eucharistie est un événement authentiquement humain et social tant qu’elle reste un fruit de la terre, de la vigne et du travail de l’homme. Et si à travers les saisons de la vie nous avons perdu le sens de l’Eucharistie, nous pouvons le retrouver en réapprenant à travailler. Le levain de tout pain, c’est notre travail quotidien.

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Les voix des jours / 11 – Le travail quotidien est le levain de tout parcours vocationnel

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 22/05/2016

Pane rid« La tension de l’existence, l’aiguillon intérieur qui nous pousse à la vivre, tient au fait que chaque étape est nouvelle, inédite et unique, et qu’elle ne se répétera jamais. Quand nous ne sentons plus cet aiguillon, un sentiment de monotonie nous envahit, qui peut conduire au désespoir. »

Romano Guardini, Les âges de la vie

La dimension spirituelle de la vie est aussi réelle et concrète que la condition physique et psychique. Nous n’aurions jamais contemplé les étoiles, écrit un poème, honoré nos morts, si ne nous habitait, en plus de la chair et des os, un souffle invisible qui nous échappe et nous aime. L’honneur, la sincérité, la beauté, la douceur et toutes les béatitudes, sont affaires spirituelles, que ni le sang ni la chair ne peuvent nous révéler.

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Le double miracle du pain

Les voix des jours / 11 – Le travail quotidien est le levain de tout parcours vocationnel Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 22/05/2016 « La tension de l’existence, l’aiguillon intérieur qui nous pousse à la vivre, tient au fait que chaque étape est nouvelle, inédite et unique, et qu’elle ne...
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Les voix des jours / 10 – Aucun toit n’est assez haut s’il ne touche pas le ciel

Par Luigino Bruni

Publié sur Avvenire le 15/05/2016

Margherita rid« Tout est dans la maturité »

W. Shakespeare, Le Roi Lear

Devenir adulte est une expérience merveilleuse. Ce fait spirituel et moral génère une joie qui compense et rend capable de surmonter la tristesse de la fin de la jeunesse et de ce qui fait sa beauté. Les formes et les temps de la maturité sont multiples, inscrits dans la chair et dans l’histoire de chacun.

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Il n’est aucune condition ni état de vie où cette expérience soit simple et prévisible. Mais quand il s’agit de personnes qui vivent et grandissent au sein de communautés idéales ou charismatiques, le moment de la métamorphose que provoque la maturation est un moment crucial, à haut risque d’échec. Il touche le cœur de la vocation, qui, une fois passée cette phase, change radicalement, jusque dans les aspects qui auparavant semblaient absolus et immuables.

L’entrée dans la maturité assume la forme d’une crise. Elle se manifeste dans le malaise, la critique, la tension du rapport avec la communauté dans laquelle nous avons grandi et où nous nous sommes épanouis. Après des années lumineuses et sereines, arrive le jour de la mutation du cœur, et la "maison" dans laquelle avait débouché notre plus grande histoire commence à changer d’aspect. Elle n’est plus pour nous bonté et amitié ; d’intime elle nous est devenue étrangère. Quelque chose se brise au-dedans, et ce qui jusqu’alors était notre première beauté et notre grand orgueil, la chose qu’on racontait tout de suite aux amis et collègues, devient distante et froide, et nous dérange. On revient du travail le soir, on ouvre la même porte, mais là où l’on entre, ce n’est plus la maison.

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Quand une personne commence une forte expérience idéale et donc vocationnelle, elle s’identifie complètement au début avec la communauté où elle vit et qui l’entoure. Elle voit incarnée dans cette communauté la même voix lumineuse qui l’appelle, et qu’elle idéalise au point de la faire coïncider avec l’Idéal même. Elle devient parfaite, infaillible, eschaton anticipé : toute grande histoire d’amour ne peut commencer qu’ainsi. Pour que la critique à l’âge adulte porte du fruit, il faut que la précède une jeunesse où la communauté ait été aimée inconditionnellement, ressentie et vécue comme la chose la plus grande et la plus belle. Le processus de la crise est parfois lent, douloureux pendant plusieurs années ; d’autres fois il est très rapide, et en quelques semaines ou quelques mois l’âme connaît une profonde souffrance spirituelle, qui fréquemment affecte aussi le corps et la psyché.

Au point culminant de cette crise on n’arrive à rester dans la communauté de la première vocation que si l’on parvient à comprendre que tout ce qui est en train de se passer est une très bonne chose, toute une bénédiction, et que nous sommes dans les douleurs du bon enfantement de la vie adulte ; à comprendre que le passé n’était pas une duperie, mais seulement la belle enfance de notre vie, forcément différente de ce que nous avions rêvée. C’est ainsi qu’on réussit à accueillir et à aimer l’idéalisation de la jeunesse, comme on aime les plus beaux souvenirs de l’enfance. On remercie la vie et ceux qui nous ont rendus libres de pouvoir vivre la crise de la maturité, et la blessure devient une grande bénédiction. Alors on continue le chemin dans une nouvelle maturité, une nouvelle liberté. D’enfant qu’on était, on devient mère et père de sa propre communauté. Commence alors une seconde et merveilleuse partie de la vie, et viennent des fruits d’une autre saveur. Un des plus étonnants sur terre est la beauté et la fécondité de qui a réussi à devenir adulte après avoir reçu en sa jeunesse une grande vocation.

Mais ces spectacles sont rares. Souvent en effet les vocations, même grandes, authentiques et sincères, ne réussissent pas à passer cette crise bénie de la maturité, parce que survient une maladie aussi grave que commune.

Pour en comprendre la nature, il faut avoir conscience que celui qui reçoit une vocation a invinciblement tendance à ne rien vouloir d’autre que répondre à cette voix forte, claire, infinie. Ses propres talents, passions, intérêts, affections sont tous orientés dans cette seule direction. Rien d’autre ne vaut, le reste n’est que paille. C’est dans ce merveilleux moment, quand la soif d’infini et le désir du paradis absorbent les meilleures énergies, que s’insinue cette typique maladie. La vocation, qui est un appel de toute la personne avec toutes ses facultés, mûrit bien si toute la personne s’y engage. Elle tombe malade si, au contraire, son identité se réduit à une seule dimension.

Avant, Franco aimait la musique, les études, avait beaucoup d’amis, était passionné de montagne. Après avoir rencontré la Voix, son seul intérêt est de répondre à l’appel, et il veut seulement devenir un moine bénédictin. C’est tout ce qu’il veut et demande. Il ne comprend pas que la vocation est une invitation à faire fleurir tout le champ de sa vie – musique, études, amis, montagne compris – ses passions, ses talents, tous appelés à se multiplier et à se transcender, parce que, sinon, elles vont s’infecter et empoisonner tout le corps.

À défaut d’orienter toutes les dimensions de la vie à la nouvelle et principale dimension, on ne commence en réalité aucun parcours vocationnel. Sa réduction à une seule dimension fait se faner et s’éteindre la personne : c’est le grand paradoxe de toute vocation. Au début du chemin la personne ne sait pas ; elle ne peut, ni ne "doit" savoir que c’est dans toutes les dimensions de la terre et du ciel que se trouve la beauté qu’elle cherche. Elle ne peut savoir que sa vie ne fleurira que si elle empêche cette première dimension vocationnelle d’absorber et de "manger" tout le reste. Elle ne le sait pas et ne peut le savoir. Mais les sages responsables de la communauté, eux, doivent le savoir. Ils savent, ils doivent savoir, que l’épanouissement et les fruits mûrs d’une vocation dépendent de la possibilité qu’a cette personne, dès l’aube de son nouveau jour, de développer toutes les dimensions de son identité, qui est toujours multiple : aucun mari n’est que mari, aucun artiste n’est qu’un artiste, aucun religieux est seulement un religieux. Aucun religieux n’est un bon religieux s’il n’est qu’un religieux. Ces responsables doivent alors tout faire pour éviter que cette belle jeune femme ne devienne avec le temps une personne à une seule dimension, même si c’est elle qui le veut et le demande de tout son être. Ils doivent protéger sa vocation de la réduction à une monoculture intensive où elle consumerait toutes ses énergies. Pour être féconde, toute vocation a besoin du temps et du libre espace de la pâture printanière, a besoin de fleurir dans d’autres champs que ceux qu’on pensait, à donner vie par de nouvelles greffes, de nouvelles boutures. Ils sont trop petits les jardins où nous cultivons notre vie s’ils ne sont pas la terre entière ; aucun toit de maison n’est assez haut s’il ne touche pas le ciel.

C’est précisément ce type de sagesse qui manque dans les communautés idéales et charismatiques, parce qu’elle est trop libre et risquée pour suivre les règles et procédures d’un bon et "prudent" gouvernement. Trop souvent les responsables, au lieu d’aider les personnes à dilater leur cœur et ouvrir les fenêtres, encouragent la monoculture et la recommandent comme seule bonne voie pour de solides bases à la vocation. Les personnes, surtout les plus belles et les plus exigeantes, sont ainsi encouragées à "manger" toutes les dimensions de leur propre humanité pour n’en nourrir qu’une, qui finira par mourir par manque de nourriture. La formation se réduit à la culture fonctionnelle de cette seule dimension. Les lectures permises sont toutes beaucoup trop semblables. Les intervenants des "exercices spirituels" sont exclusivement des experts en spiritualité et théologie, et toutes les autres beautés du monde restent à l’arrière-plan d’une vie qui s’appauvrit, qui perd progressivement toute biodiversité, fécondité, générativité.

Ainsi se produit une progressive et systématique simplification du paysage de l’âme et de la vie sociale. Dans les belles crèches de l’âme et des communautés disparaissent les bergers, les rois mages, les paysannes, et il ne reste qu’une grande et seule grotte, d’où bientôt disparaissent aussi le bœuf et l’âne, parfois même St Joseph. Pareille chose arrive à ces couples qui se consument en vase clos et se fanent par manque d’air et de soleil.

La profonde crise des vocations monodimensionnelles est radicalement différente de la bonne crise de la maturité. Elle est surtout remarquée par qui l’observe de l’extérieur : amis, parents, frères et sœurs. Ils voient se faner leurs amis, leurs grands enfants, s’éteindre en eux la lumière des premières années. Or la personne qui vit la crise ne comprend pas ce qui lui arrive, car il lui manque les repères pour voir clair dans ce qu’elle vit. Elle perçoit qu’elle est moins généreuse, joyeuse, enthousiaste, mais son propre examen se limite à son seul répertoire "spirituel", cherchant des solutions dans les mêmes textes et sources depuis longtemps épuisés. Ce sont des expériences de profonde et muette douleur, dont il est difficile de sortir. Les communautés qui ne savent pas susciter les premières bonnes crises de la maturité finissent par ne gérer que les mauvaises crises du flétrissement. Telle est la loi de la vie, la loi de l’extraordinaire vie qui naît de nos plus grands idéaux.

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Les voix des jours / 10 – Aucun toit n’est assez haut s’il ne touche pas le ciel

Par Luigino Bruni

Publié sur Avvenire le 15/05/2016

Margherita rid« Tout est dans la maturité »

W. Shakespeare, Le Roi Lear

Devenir adulte est une expérience merveilleuse. Ce fait spirituel et moral génère une joie qui compense et rend capable de surmonter la tristesse de la fin de la jeunesse et de ce qui fait sa beauté. Les formes et les temps de la maturité sont multiples, inscrits dans la chair et dans l’histoire de chacun.

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Les bonnes douleurs de l’enfantement de la vie adulte

Les voix des jours / 10 – Aucun toit n’est assez haut s’il ne touche pas le ciel Par Luigino Bruni Publié sur Avvenire le 15/05/2016 « Tout est dans la maturité » W. Shakespeare, Le Roi Lear Devenir adulte est une expérience merveilleuse. Ce fait spirituel et moral génère une joie qui compense et re...
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Les voix des jours / 9 – La tentation de "conformer" et l’antidote de "l’eccéité"

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 08/05/2016

Cardo Fucsia rid

« Ce qui doit primer dans notre cœur, dans l’éducation, c’est que ne manque jamais à nos enfants l’amour pour la vie… Et qu’est-ce que la vocation d’un être humain, sinon la plus haute expression de son amour pour la vie ? »

Natalia GinzburgLes petites vertus

Chaque vocation est une expérience d’une immanente beauté, une rencontre merveilleuse.

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Qui a connu cette beauté continue de la désirer toute sa vie. Cette rencontre n’arrive qu’une fois, mais elle est si forte et radicale qu’elle nous change pour toujours. La personne, à ce moment-là, fait la plus sublime des expériences humaines : elle comprend qui elle est vraiment, quelque chose de très beau et grand. Elle se sent un tabernacle d’infini, tout petit mais immense.

C’est pourquoi toute vocation et toute ‘promesse’ est irrévocable. On peut, à cause d’une trop grande souffrance, sortir du couvent ou cesser de peindre, mais de cette première beauté on ne sort jamais, tout simplement parce que cette vocation, c’est nous, ce qu’il y a en nous de plus vivant, de plus vrai. Ce jour-là on a vraiment l’impression que le monde entier n’a été créé que pour nous, pour moi. Il y a des enfants qui, pendant l’enfance, vivent une expérience spéciale : ils ont l’impression de se trouver dans un film, un dessin animé, une comédie où les parents, les amis, les enseignants, les personnes qui les entourent, interprètent le texte d’un scenario entièrement écrit pour leur seul bonheur. Quand survient le jour de la vocation on revit cette heureuse expérience de l’enfance : on ressent avec certitude que tout ce qui nous entoure a été créé comme un don pour nous ; que tout, dedans et dehors, est un unique, immense, admirable spectacle de beauté aimante, infaillible et évidente. La qualité d’une existence et de ses fruits dépend totalement de cette rencontre. Tout est là.

Ces épiphanies de beauté sont particulièrement fortes et pures dans les vocations artistiques et religieuses, mais la même expérience se répète aussi, sous diverses formes, dans les authentiques vocations professionnelles et scientifiques, ou dans la rencontre décisive avec qui deviendra notre épouse ou notre mari.

C’est un appel à remplir une mission, à assumer un rôle, un destin, à occuper sa propre place dans le monde. C’est quitter sa maison pour la terre promise, pour construire une arche du salut, pour la libération des esclaves, ne serait-ce que d’un seul.

Mais puisque la vocation, c’est nous, elle grandit avec nous, elle prend les traits de nos talents, de notre travail, tout simplement de notre vie. Quand la vocation naît et grandit dans une communauté, crucial est le rapport entre cette vocation, celle des autres avec qui l’on vit, et l’institution. C’est là que se joue l’épanouissement des vocations. Beaucoup s’affadissent ou s’éteignent parce qu’à un moment donné se gâte la dynamique individu-communauté. Que cette distance grandisse, c’est inévitable, parce que chaque vocation est unique et originale, et que ses formes et ses rythmes de développement ne coïncident jamais avec ceux de la communauté ; si elles coïncidaient, s’arrêterait le développement à la fois de la personne et de la communauté. C’est dans les écarts, les brèches, les non-alignements que la vie naît et renaît sans cesse. Le blocage de la vocation n’est donc pas dû à cette distance, qui en soi est bonne, mais à la manière de la vivre. Or c’est en cela que sont commises les plus graves erreurs.

L’erreur la plus fréquente est celle des responsables de communauté qui, face à la difficulté de gérer l’écart entre les formes et manières dont chacun vit sa propre vocation, croient éliminer la difficulté en demandant à la personne de se conformer aux modes et aux rythmes de la communauté, en perdant son originalité. Ce faisant, on perd de vue ce que les philosophes du Moyen Âge appelaient "l’eccéité", c’est-à-dire cette dimension de la vie qui fait que la marguerite que je vois en ce moment est précisément cette marguerite-là, et pas seulement une marguerite ; qui me fait voir Jeanne et pas seulement la sœur franciscaine qui est là. Les personnes sont concrètes, jamais abstraites, et la dimension la plus concrète de toute existence est justement sa vocation.

La première erreur est donc la fausse idée qu’on se fait de la communauté. Oubliant que les communautés sont constituées de personnes toutes différentes, on fixe un standard moyen, un ‘nous’ totalement abstrait par rapport auquel on mesure les écarts et les erreurs d’itinéraire des personnes concrètes.

Opération très commune et dangereuse parce qu’au nom d’un bien commun abstrait on éteint les personnes concrètes. On réussit peut-être à construire des personnes qui coïncident avec la moyenne, mais il est dommage que dans le processus de la transformation se perde ce qu’il y a de meilleur dans la personne et aussi dans la communauté.

La tentation/erreur d’oublier "l’eccéité" est très fréquente, parce que les communautés savent comment faire pour qu’on se conforme à la norme. Les constitutions, statuts, règlements, décisions et délibérations, conseils et directives : tout vise à préserver dans la durée l’unité des communautés, à éviter que le gouvernement d’un corps communautaire ne se dissipe et ne s’effiloche dans les multiples interprétations et discordances des divers membres. Mais un gouvernement sage tient pour sûre une chose : il faut le plus possible éviter d’exercer ce pouvoir, parce qu’une vocation réduite à la conformité finit par perdre sa splendeur et sa liberté, sa plus grande beauté.

Quand, au contraire, les parcours individuels, donc latéraux et tangentiels, sont découragés et réprimés, on revit le mythe de Procuste qui amputait les jambes de ses "hôtes" plus longues que le lit, et étiraient celles qui étaient trop courtes. Les communautés-Procuste utilisent des règlements, des statuts, des paroles des fondateurs comme matériau pour construire un lit à taille unique, dans lequel tout le monde doit entrer, sans tenir compte des mesures vocationnelles des différentes personnes.

Le facteur crucial, très commun et d’une certaine façon inévitable, de ce processus réducteur est le rôle joué par la personne individuellement. Celui qui a reçu une vocation commence à rapetisser son âme pour la faire entrer dans les dimensions du "lit standard" communautaire, et puis à s’auto-amputer volontairement pour gommer la différence entre sa propre mesure vocationnelle et celle que requiert la communauté. La plus grande sagesse que les responsables de communautés vocationnelles puissent avoir – chose rare – est d’empêcher ces processus d’autodestruction, surtout dans les premières années, quand la personne éprouve une certaine satisfaction à sa conformer à la norme culturelle commune. L’attitude vraiment responsable à l’égard d’une vocation, surtout quand elle est encore jeune, consiste à l’aider à ne pas perdre sa propre personnalité, à cultiver et à garder ce qui la fait unique. Si elle n’est pas encouragée en ce sens, si même elle en est empêchée, la vocation perdra ses promesses de beauté, et dépérira. Plus de midi après l’aurore, plus de fruits mûrs à la fin du printemps.

Une organisation-communauté vertueuse est au contraire semblable au bon artisan qui construit le ‘lit’ en fonction de la personne réelle : ce sont les personnes dans leurs diversités vocationnelles qui rendent fécondes les communautés. Certes de telles personnes sont difficiles à gérer, comme le sont les enfants. Mais elles sont splendides comme la vie, comme les enfants. Seules les personnes, dans leur mystère, contiennent le principe actif de l’évolution des communautés et de l’accomplissement de leur charisme. Le syndrome de Procuste cesse alors d’amputer l’avenir de chacun, car le sort de ces communautés est inscrit dans l’épilogue même du mythe : Procuste est capturé et mis à mort, subissant le supplice qu’il avait lui-même fait subir à ses victimes.

Il arrive aussi qu’une vocation soit bloquée par un rapport néfaste avec le passé et sa première beauté. Le but de la première rencontre était la révélation de notre place dans le monde (comme le dit la parole même, chaque -vélation est à la fois un dévoilement et une nouvelle découverte). Veiller à maintenir en soi la vocation, c’est résister à la nostalgie de la première beauté, c’est ne pas revenir à l’origine. Quand on songe la nuit à l’antique rencontre, on en revoit le lieu, on en regarde les photos, on lit les lettres et le journal intime des premiers temps. Mais rien ne se passe : le miracle ne revient pas parce qu’il ne le peut pas. Jusqu’au jour où doucement nous comprenons que cette antique beauté n’est pas dernière nous, mais tout simplement devant et autour de nous. Ce n’est pas le retour à la maison d’Ulysse, c’est plutôt le partir d’Abraham.

Parfois c’est en découvrant la beauté de la nature que nous commençons cette nouvelle, fascinante et libre phase de notre vie. Après avoir vécu cinquante ans à la campagne, un jour nous découvrons les fleurs. Nous les regardons et nous voyons en elles : nous y voyons la même beauté qui nous avait enchantés, enthousiasmés. Dans une fleur de cardon, nous découvrons toute la beauté de l’univers, et reconnaissons la première beauté, qui n’avait jamais disparu de la terre.

À cela s’ajoute une grande espérance : cet itinéraire de la nouvelle beauté peut survenir aussi dans des communautés-Procuste, malgré la perte du surplus. Il suffit qu’il en reste un peu, ne serait-ce que le souvenir de la première intégrité. Alors, comme chez les plantes, d’un petit reste de vie tout recommence à fleurir.

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Les voix des jours / 9 – La tentation de "conformer" et l’antidote de "l’eccéité"

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 08/05/2016

Cardo Fucsia rid

« Ce qui doit primer dans notre cœur, dans l’éducation, c’est que ne manque jamais à nos enfants l’amour pour la vie… Et qu’est-ce que la vocation d’un être humain, sinon la plus haute expression de son amour pour la vie ? »

Natalia GinzburgLes petites vertus

Chaque vocation est une expérience d’une immanente beauté, une rencontre merveilleuse.

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La beauté devant nous

Les voix des jours / 9 – La tentation de "conformer" et l’antidote de "l’eccéité" Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 08/05/2016 « Ce qui doit primer dans notre cœur, dans l’éducation, c’est que ne manque jamais à nos enfants l’amour pour la vie… Et qu’est-ce que la vocation d’un être huma...
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Les voix des jours / 8 – Dans sa générosité, celui qui fait vraiment naître est vulnérable

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 24/04/2016

Tronchi sulla battigia rid« Il est des valeurs humaines inséparables de la vulnérabilité. Il y a de l’excellence dans une vie qui par nature est sociale, dépendante des autres, qui au lieu de prendre, retenir, piéger et contrôler, laisse place à l’ouverture, à la réceptivité, à l’émerveillement »

Martha NussbaumLa fragilité du bien

Les organisations sont des organismes vivants qui évoluent et changent au cours du temps. Beaucoup de transformations sont bonnes et génératrices de vie. D’autres le sont moins, certaines mènent à de malheureux déclins.

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Un phénomène particulièrement important est ce qu’on appelle le "changement de mission" (mission shift), dans les organisations, mouvements, associations, qui, en se développant, s’éloignent du but qui les avait fait naître, parce que certaines de leurs activités, d’abord nées en fonction de la mission, ont fini, de moyens qu’elles étaient, par devenir la fin, le but.

On démarre des activités accessoires, par opportunisme ou par nécessité, puis progressivement et presque toujours involontairement ces activités absorbent toujours plus les énergies et ressources qui servaient auparavant à développer la mission originelle. C’est là un des nombreux et importants phénomènes où la limite entre le bien, le moins bien et le mal est quasiment impossible à distinguer, parce qu’ils cohabitent, grandissent ensemble, et qu’à la claire apparition du "mal" il est presque toujours trop tard pour intervenir efficacement.

L’organisation et les personnes changent ensemble. L’identité originelle reste vivante et féconde tant qu’elle est capable d’évoluer de pair avec les personnes ; mais si l’on franchit le "point critique", invisible mais réel, le fruit du changement finit par empoisonner l’identité. De ce paradoxe dépendent en grande partie la qualité et l’évolution des organisations.

Le changement de la mission et la tension entre moyens et fins sont importants en toute forme de vie organisée, mais ils sont décisifs dans les réalités qui naissent d’idéaux, de charismes, de "missions" grandes et complexes. Le changement de mission n’y est pas seulement un processus délicat : il peut conduire à leur mort.

Ces communautés et mouvements peuvent mourir d’une transformation en quelque chose de trop différent du charisme originel – une organisation peut même être déjà morte alors qu’elle semble en grande forme. Une école née d’un charisme éducatif peut mourir de sa fermeture, mais peut aussi mourir en son charisme du fait qu’elle est devenue, jour après jour, une institution qui s’est éloignée de sa première mission. Elle portera encore du fruit et s’en nourrira, mais il aura une autre saveur, sans que la communauté ne s’en aperçoive peut-être, car son palais s’est peu à peu habitué à autre chose. On était né pour promouvoir une cause ou servir un idéal, et voilà qu’on promeut et qu’on sert autre chose, d’autres gens. La servante devient la maîtresse.

Si une entreprise qui fabrique des chaussures n’a été fondée hier que pour faire du profit (chose rare), elle ne change pas de nature en devenant d’abord une fabrique de sacs à main, puis d’équipements sportifs, et en finissant dans la finance spéculative. Il arrive aussi qu’une activité accessoire (par exemple des produits pour chaussures) devienne peu à peu l’activité principale. Dans tous ces cas, la mission (faire du profit) reste cohérente, et seuls changent les façons et les moyens de la réaliser.

Il en va tout autrement quand nous avons affaire non pas à une entreprise mais à un ordre religieux missionnaire, qui, il y a cent ans, a fondé un hôpital pour servir les pauvres et annoncer l’Évangile. Comment rester tranquille alors que cet hôpital s’est peu à peu agrandi, modernisé, a drainé toujours plus de ressources économiques, spirituelles et humaines, tandis que l’Évangile et les pauvres se sont toujours plus éloignés à l’horizon. Un jour même ils ont disparu, car l’hôpital est devenu si beau et si coûteux que seuls les riches clients peuvent y être soignés. Il est dommage que pour croître et se développer ainsi il ait consumé presque toutes les énergies de la communauté. Dans de tels cas, la transmutation des moyens en fin peut causer la mort de la mission originelle, parce que l’œuvre-fille a mangé jour après jour son géniteur.

Il est particulièrement difficile de gérer une telle évolution, parce que ces organisations ont ceci de différent qu’elles vivent et grandissent dans une radicale incertitude concernant leur futur. Celui-ci ne se révèle que jour après jour. Quand naît une œuvre, quand s’ouvre une communauté dans un nouveau pays, personne ne sait vraiment à quoi mènera cette nouvelle fondation. La principale indigence des réalités idéales et charismatiques est en effet qu’elles ignorent où elles aboutiront.

Seule l’origine leur est connue, encore qu’imparfaite et partielle. Elles sont comme ces antiques messagers porteurs d’un message inscrit sur leur nuque. Le vrai nom des communautés nées de charismes n’apparaît qu’à celui qui le lit et l’explique. Le destinataire du message n’est pas la communauté qui le porte et le transmet. La découverte d‘une identité n’est jamais une opération narcissique ; elle est un don qu’on reçoit de qui sait nous regarder différemment. Et un charisme n’est jamais donné pour que l’autoconsommation de la communauté qui l’incarne. Quand nous ne ressentons plus le besoin que d’autres que nous lisent le message que nous portons inscrit sur la nuque, quand nous cherchons des miroirs pour le déchiffrer nous-mêmes, le charisme se réduit une petite affaire, socialement inutile sinon néfaste, et bientôt s’éteint.

Quand une œuvre nouvelle naît d’une communauté, nous ne savons donc pas si le "fils" qu’est cette œuvre sera bien celui de la promesse ou celui qui, involontairement et inconsciemment, un jour nous tuera. S’il sera Isaac ou Œdipe. Nous ne pouvons connaître leur destin qu’au cours de son accomplissement au gré des ambivalences, des contradictions, des rencontres aux carrefours de l’histoire. Mais il arrive aussi que ce ne sont pas les œuvres ni les activités qui dénaturent les communautés idéales et les font mourir. Parfois, c’est la communauté elle-même, fille du charisme, qui finit par le ruiner.

Faux réformateurs, échecs ou retards dans les réformes, crise si radicale et destructrice qu’on ne peut la surmonter. Les générations qui suivent celle de la fondation ne parviennent pas à garder le charisme et à le faire grandir : le fondateur génère des fils qui finissent par tuer le charisme qu’ils ont reçu en héritage.

Qui fonde une communauté ou une organisation à mouvance idéale craint au-delà de tout que la génération successive, ses "fils", perdent et trahissent l’identité charismatique. Cette crainte est dans les chromosomes de toute bonne fondation ; s’il n’en est pas ainsi, nous n’avons tout simplement pas affaire à un charisme, mais à une organisation ordinaire. Cependant le fondateur sait, ou devrait savoir, qu’il serait mortel de transformer cette crainte naturelle en phobie, ou en panique, et de bloquer et d’empêcher ainsi la continuation de l’expérience originelle.

L’exposition de la mission et du charisme originel au risque de leur dénaturation est la condition préalable à leur accomplissement, à leur fécondité, à leur bonne croissance. Dans la fondation d’une réalité idéale ou charismatique il arrive inévitablement que les fondateurs traversent cette épreuve décisive. La possibilité que continue l’expérience charismatique au-delà du fondateur, et que passe le charisme d’une génération à une autre, dépend entièrement de la capacité de gérer cette tension vitale, inévitable, décisive. Il faut vaincre la tentation d’empêcher la génération successive de naître, vivre et grandir. En chaque fils peut se cacher Œdipe, en chaque fils se cache Œdipe. En chaque fils peut se cacher Isaac, en chaque fils se cache Isaac.

La dernière et la plus grande tentation de toute fondation charismatique est d’empêcher la naissance du "fils" par peur qu’il tue le père. Le fondateur identifie totalement le charisme à sa personne, il le blinde au point de le rendre intransmissible, l’empêche de renaître de multiples fois en de nombreuses générations. Ainsi meurt le charisme avec le fondateur. Beaucoup de communautés ont simplement péri de cette manière, par manque de générosité, incapables de vraiment générer. Plus un charisme de fondation est grand, plus forte est la tentation du refus de générer par peur de mourir. Aucune fondation de communauté ne peut se soustraire au risque de la dégénérescence, sous peine de dépérir sûrement : si elle accepte d’évoluer elle peut se perdre en chemin, mais si elle s’y refuse, elle périt certainement.

La régénération des communautés advient quand le fondateur ou refondateur est capable de faire naître d’autres hommes et femmes libres de donner leur vie pour la même "mission" que la sienne. Cette liberté est aussi possibilité d’en abuser, de dénaturer, de blesser, et même de faire périr le don. Mais sans que soit donnée cette liberté, si risquée et vulnérable soit-elle, les charismes ne peuvent s’épanouir ; ils se fanent par manque de fils, ou parce que les fils qu’ils génèrent et font grandir sans cette liberté sont trop "petits" pour répéter les miracles de la première génération. Seul le risque de la confiance vulnérable permet aux charismes de continuer de fleurir.

L’admirable mystère de la transmission des dons entre générations habite le libre espace de la tension vitale entre confiance et trahison. Nos fils peuvent devenir meilleurs que nous si nous leur donnons la liberté de devenir pires que nous, de trahir nos rêves et nos promesses. Il n’y a sans doute pas de plus grand don.

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Les voix des jours / 8 – Dans sa générosité, celui qui fait vraiment naître est vulnérable

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 24/04/2016

Tronchi sulla battigia rid« Il est des valeurs humaines inséparables de la vulnérabilité. Il y a de l’excellence dans une vie qui par nature est sociale, dépendante des autres, qui au lieu de prendre, retenir, piéger et contrôler, laisse place à l’ouverture, à la réceptivité, à l’émerveillement »

Martha NussbaumLa fragilité du bien

Les organisations sont des organismes vivants qui évoluent et changent au cours du temps. Beaucoup de transformations sont bonnes et génératrices de vie. D’autres le sont moins, certaines mènent à de malheureux déclins.

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Générer de la liberté est risqué

Les voix des jours / 8 – Dans sa générosité, celui qui fait vraiment naître est vulnérable Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 24/04/2016 « Il est des valeurs humaines inséparables de la vulnérabilité. Il y a de l’excellence dans une vie qui par nature est sociale, dépendante des autres, qui au ...
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Les voix des jours / 7 – Les faux réformateurs et leurs séduisants évangiles sans croix.

par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 17/04/2016

Margherita gialla rid« L’invention des croix a été une grave et terrible erreur »

Évangile de Thomas

Ce qui rend particulièrement complexes et délicats les processus de changement des organisations à mouvance idéale et des communautés charismatiques, c’est qu’à la différence de nombreuses organisations économiques et bureaucratiques où le changement est planifié en fonction d’objectifs fixés par les propriétaires, la réforme y procède vers l’inconnu.

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Quand le soi-disant réformateur est un faux prophète, il se présente avec des certitudes sur les changements à opérer, en connaisseur du bien que la communauté attend au terme du chemin qu’il souhaite, veut et promeut lui-même. Comme un ange n’apportant que sa lumière.

Un des éléments qui rendent complexe et difficile la résolution des crises dans les communautés idéales et charismatiques est l’apparition des faux réformateurs. Si la communauté est déjà éteinte, au point de ne plus ressentir le besoin de réforme, il n’en sort ni bons ni mauvais "prophètes". Si elle est au contraire bien vivante, elle fait naître ensemble les bons et les mauvais prophètes, d’autant plus nombreux qu’est vivant et fécond le charisme originel.

L’abondance des faux prophètes est aussi le signe du dynamisme charismatique d’une communauté. Et plus il y a de lumière dans le charisme, plus fréquentes, subtiles et dangereuses sont les hérésies gnostiques. Dans les églises primitives pullulaient les apôtres et les faux prophètes. Ne commettons donc pas l’erreur de croire que les phases positives ne génèrent que de bons prophètes et que les crises n’en génèrent que de mauvais. En fait l’histoire nous enseigne exactement le contraire. La même fécondité spirituelle du début du christianisme a généré Paul de Tarse et Simon le magicien.

Nombreuses sont les formes historiques concrètes des fausses prophéties. Dans les communautés idéales et/ou charismatiques, les plus subtiles et pernicieuses parmi les fausses prophéties et réformes sont celles qui recourent au registre de la lumière. Elles sont des variantes actualisées de l’antique hérésie gnostique, qui se présentent en offrant une lumière nouvelle, une connaissance différente. La gnose, dans ses riches et multiples expressions, fut le principal ennemi idéologique du christianisme des premiers siècles. Elle a pénétré de nombreuses communautés, et aurait pu en provoquer la mort si elle n’avait été fortement combattue et finalement vaincue, grâce à l’action des meilleurs prophètes et théologiens, d’Irénée à Augustin.

Les expériences spirituelles et idéales sont naturellement et radicalement tentées par la séduction gnostique, parce qu’elles sont essentiellement des expériences de lumière et d’intelligence. Qui se met à vivre un idéal ou un charisme est attiré par la nouveauté de sa lumière et de son discours (logos). Il lui est donné d’autres yeux et voit de nouveaux horizons, d’autres cieux, d’autres beautés, avec une lumière qui ouvre son intelligence à une autre connaissance du monde et des choses.

Il ne faut pas s’étonner qu’en de telles communautés la phase gnostique survient à un moment donné. Elle menace surtout les communautés aux charismes plus lumineux et spirituels, car elle est une maladie du charisme lui-même, une forme de névrose qui touche sa part la plus belle et la plus brillante. Les expériences spirituelles restent authentiques et continuent de générer de belles et bonnes choses tant qu’elles ne perdent pas contact avec l’histoire, tant qu’elles restent incarnées et donc limitées, partielles et entremêlées d’obscurité, tant que l’esprit vit dans la chair et que tous deux suivent les lois et les rythmes l’un de l’autre.

Beaucoup d’expériences charismatiques périssent à leur naissance parce que l’esprit se désincarne et s’évapore à la recherche d’une perfection sans ombre. Les phases gnostiques accompagnent l’existence historique des fondateurs, et c’est en surmontant ces tentations que les communautés continuent de vivre au-delà d’eux - il est des communautés nées d’authentiques charismes qui se sont éteintes en quelques années parce que leurs fondateurs se sont laissés séduire et dévorés par la névrose gnostique.

Après la phase de fondation, la tentation gnostique est un passage obligé, toujours décisif. Alors que s’achèvent les vrais ‘miracles’ et les ‘résurrections’ qui avaient caractérisé la saison fondatrice de la communauté, quelques-uns croient pouvoir recréer les antiques miracles au moyen de techniques et drogues spirituelles. Ils imitent les athlètes qui, incapables de reproduire leurs premiers records, au lieu de changer d’entraînement et de travailler dur, tombent dans le piège du dopage. La gnose est une sorte de dopage spirituel qui promet les performances de la jeunesse sans travail ni fatigue, et qui, si elle n’est pas résolument combattue, contamine rapidement toute la communauté.

C’est en effet sur cette souffrance et cette frustration de ne plus pouvoir répéter les premières prestations charismatiques, c’est sur l’invincible nostalgie des signes et de l’ambiance des premiers temps que la plante gnostique prend facilement racine. Au lieu de repartir du noyau entier du premier message, nécessairement fait de chair et d’esprit, le réformateur gnostique accomplit une double opération : il reconstruit une image partielle et désincarnée du charisme originel et il y ajoute des révélations secrètes dont – dit-il - il serait détenteur par des expériences privées et des communications spéciales, qu’il orne d’éléments spectaculaires et pseudo-mystiques, avec des techniques d’accès plus profond et spirituel au message idéal.

La réforme gnostique s’accompagne donc de promesses d’expériences mystiques spéciales, seulement accessibles à un petit nombre d’initiés aux secrets et mystères sur lesquels s’appuient sa force messianique et sa promesse. Ce sont toujours des expériences élitistes, opaques, loin du peuple et des pauvres.

Le discrédit jeté sur l’expérience concrète et sur le corps génère ensuite une exception éthique, un consentement des illuminés à des actes charnels et à des méfaits qui blessent autrui, mais que les habitants de ce nouveau règne "en couleurs" considèrent licites et nécessaires.

Ce sont des élaborations baroques, multicolores, des mondes peuplés d’êtres fantastiques et de "vérités" absentes du message originel. Les disciples de ces faux prophètes assument vite des regards et des attitudes d’initiés, l’esthétique de leurs yeux et de leur visage change, et, en nouveaux "saints", ils se séparent du peuple non (encore) illuminé.

Quand le charisme est encore vivant et sain, on reconnaît facilement les faux prophètes à leurs intérêts personnels matériels ou à leurs intentions schismatiques ; il est plus difficile de reconnaître les faux prophètes de la lumière et de l’intelligence, parce qu’ils emploient le même répertoire symbolique et les mêmes paroles qui un jour avaient fondé la communauté et attiré un grand nombre. Ce sont des loups déguisés en agneaux, parfois même en bons pasteurs. Les graves crises des communautés idéales sont toujours des crises de lumière et d’intelligence, d’autant plus menacées d’hérésies de lumière et d’intelligence qu’elles sont graves. C’est la raison pour laquelle les faux prophètes souvent ne sont pas démasqués, ont du succès et tuent les communautés.

L’art fondamental de la gestion des crises profondes et des grandes réformes est la détection des symptômes gnostiques dans ce qui apparaît renouveau et salut. Art difficile, parce que le réformateur gnostique, à la différence des autres faux prophètes, utilise des vérités et des paroles de l’authentique charisme originel, étayant son discours avec des propos du fondateur.

Dès le début l’intelligence du serpent s’est présentée dans l’histoire avec des paroles et des propos semblables à ceux d’Élohim, et plus séduisants. Les chromosomes gnostiques se trouvent dans l’ADN du charisme authentique, car la gnose construit son salut en combinant à sa manière certains éléments du charisme fondateur. Elle élimine les éléments ordinaires, gris, métissés, et n’assume que la part lumineuse du patrimoine génétique originel, donnant vie à un organisme aux traits provenant du premier corps. La réforme gnostique apparaît ainsi extrêmement fascinante et lumineuse, élixir de l’éternelle jeunesse, arbre de vie, photo de nos vingt ans qui par magie prend vie.

Les réformes proposées par la gnose se présentent toujours comme le soleil de midi, et, au nom de cette lumière sans ombre, refusent l’opaque réalité de la limite. Incarnation, imperfection, péché deviennent des paroles maudites, scandales à condamner et dépasser pour donner vie à la saison de pleine maturation qui va commencer. C’est la proposition d’un ‘eschaton’ à l’envers : alors que les expériences mystiques authentiques vivent un ‘déjà’ imparfait, et visent un ‘pas encore’ jamais pleinement réalisé, les gnoses se présentent comme un ‘déjà’ parfait, accomplissement d’un ‘déjà vécu’ imparfait. Les réformateurs gnostiques apparaissent plus resplendissants que les fondateurs, parce qu’il leur manque l’ombre de la vraie réalité. Or, face à la lumière du soleil, seul le corps projette l’ombre.

Sur la scène des feintes passions de ces fausses réformes la mort est absente. Ce sont des "évangiles" sans calvaire et sans croix, où on ne roule pas la pierre, le tombeau n’étant qu’une confortable chambre à coucher. Ce sont d’exécrables représentations du deuil de la vie. Ils renoncent à la vie pour ne pas se salir les pieds sur le seul chemin qu’ont les humains sous le soleil. Les résurrections sans crucifix ne sauvent personne. Ce sont des esprits fantômes qui fuient les chairs blessées d’autrui et les victimes, et qui s’enferment dans un ruminement psychique et émotif. Les faux prophètes gnostiques se reconnaissent à l’absence des signes des clous dans leur propre corps et dans les corps qu’ils touchent et embrassent.

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Les voix des jours / 7 – Les faux réformateurs et leurs séduisants évangiles sans croix.

par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 17/04/2016

Margherita gialla rid« L’invention des croix a été une grave et terrible erreur »

Évangile de Thomas

Ce qui rend particulièrement complexes et délicats les processus de changement des organisations à mouvance idéale et des communautés charismatiques, c’est qu’à la différence de nombreuses organisations économiques et bureaucratiques où le changement est planifié en fonction d’objectifs fixés par les propriétaires, la réforme y procède vers l’inconnu.

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La maladie de la lumière est mortelle

Les voix des jours / 7 – Les faux réformateurs et leurs séduisants évangiles sans croix. par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 17/04/2016 « L’invention des croix a été une grave et terrible erreur » Évangile de Thomas Ce qui rend particulièrement complexes et délicats les processus de changement d...
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Les voix des jours / 6 – Voir aussi dans l’obscurité, au-delà des fausses lumières

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 10/04/2016

Fiore Fragola rid

« Il est des qualités ou des excellences que le moi ne peut s’attribuer de lui-même : la pureté, le charme, la modestie, l’humour, toutes les perfections qui disparaissent au moindre frôlement, parce qu’elles ne peuvent exister que sans s’en rendre compte. En d’autres termes, ce n’est jamais le sujet lui-même qui est et peut le dire. »

Vladimir JankélévitchLe pur et l’impur

Dans la vie les expériences décisives ne sont pas faciles à reconnaître et à nommer, parce que si nous découvrions en elles la bénédiction, leur blessure ne laisserait en nous aucun signe, ne nous enseignerait rien.

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Si nous étions capables d’entrevoir une nouvelle pureté dans ce qui nous semble, et peut-être est, un passage impur ; si nous comprenions que nous sommes fortifiés par une maladie qui nous fait sentir faibles ; si nous prenions conscience que naît une nouvelle et vraie mansuétude quand nous luttons de toutes nos forces pour la survie de notre entreprise…, ces expériences perdraient leur valeur, et disparaîtrait cette grâce/charis qui a sauvé jusqu’à présent le monde, et continue de nous sauver. En effet la nature et les sourires des enfants nous convertissent ; ils nous donnent les plus grandes joies, non pas en voulant nous convertir et nous rendre heureux, mais simplement parce qu’ils sont ce qu’ils sont. Le volontarisme est utile en beaucoup de choses, mais pas en celles qui sont vraiment décisives, où il nous faut seulement "savoir tenir debout", dans l’ignorance.

Quand une personne entreprend un parcours idéal par vocation – religieuse, civile, artistique, poétique – elle expérimente toujours au début une grande lumière, souvent amplifiée par la force de la jeunesse. Cette lumière à la fois intérieure et extérieure illumine le meilleur en nous et l’appelle : nous reconnaissons en elle la voix que nous attendions depuis toujours, et nous voilà en chemin à sa suite. Nous déplaçons alors tous les meubles dans la chambre de notre âme, pour faire toute la place à cette nouvelle lumière. Au début de tout chemin vocationnel il y a cette voix et cette chambre vidée devenue très lumineuse. Cela nous nourrit, nous désaltère, nous fait vivre. Nous ne voulons et n’avons besoin de rien d’autre.

Après cette phase d’illumination nue, qui peut durer de longues années, en commence une seconde. Jour après jour nous repeuplons la chambre de nouveaux objets, meubles, bibelots, tableaux, rideaux, armoires, vêtements, statues, crucifix. C’est l’édification de la religion et du culte. Il ne peut en être autrement, parce que la construction symbolique du milieu de vie illuminé par l’expérience spirituelle originelle est le premier acte par lequel les hommes reconnaissent et aiment les vocations. Au début cette construction et ce remplissage sont surtout des opérations sociales et collectives : nous ne construisons ni n’achetons les meubles et les armoires, car la communauté les fournit. Il ne nous reste qu’une place pour la photo des parents ou de la fiancée. Plus tard, si la vocation grandit et mûrit comme il faut, commence progressivement, et presque toujours inconsciemment, le besoin de personnaliser la décoration en ajoutant de nouveaux objets, des choses personnelles.

C’est une période de la vie particulièrement créative, qui coïncide en général avec les années de la jeune maturité, quand la première voix prend peu à peu les formes de notre personnalité, et que se crée une symbiose entre la lumière et les plus beaux traits de notre caractère. D’abord "consommateurs" de lumière, nous devenons peu à peu "producteurs", en un jeu de sublime réciprocité, conscients de ne pas être les maîtres de la lumière que nous consommons et produisons, mais aussi que les œuvres que nous réalisons ne seraient pas apparues sans notre part, sans notre "oui" laborieux et créatif, grâce auquel cette voix/logos a pu s’incarner. Le poète sait que la voix qui l’inspire n’est pas sienne, mais aussi que sans son application, sa docilité, son talent, cette voix ne serait pas devenue poésie, à la fois sienne et non.

Les créations et les créatures se multiplient, tandis que s’amplifient le succès et la sensation de porter beaucoup de fruit dans une existence féconde.

Mais sans que nous en prenions conscience durant le processus, l’antique chambre intérieure commence à s’assombrir, car les nouveaux meubles et produits, ajoutés aux anciens, occupent toujours plus d’espace, au point d’obstruer les fenêtres et d’entraver la lumière. Cependant, au cœur du processus de remplissage, celui qui par ses œuvres a obstrué la fenêtre n’a pas l’impression d’être dans l’obscurité. Ses œuvres, nées de la rencontre avec la première lumière, éclairent son environnement d’une lumière très semblable à l’originelle, dont elle se distingue à peine. La moindre lumière qui pénètre de l’extérieur cède la place à la lumière émanant de ses œuvres, qui finit par la suppléer toute entière. La lumière change et décroît chaque jour, mais ses yeux s’habituent peu à peu à cette autre et plus faible lumière qui émane de ses œuvres et de ses fruits, au point qu’il en oublie les couleurs de la chambre de sa jeunesse.

Mais quand la lumière de la maison ne provient plus que de nos œuvres, aussi lumineuses qu’elles soient, notre créativité diminue, la lumière s’affaiblit, ce que nous faisons ne nous surprend plus. C’est un lent processus, et des années peuvent s’écouler avant qu’avec les autres nous nous apercevions que la lumière a changé. Il s’agit là d’une forme de narcissisme spirituel qui emprisonne souvent les personnes aux fortes vocations et aux grands talents. Elles se nourrissent d’elles-mêmes en pensant se nourrir encore de la première lumière – du fait, en un certain sens, qu’il s’agit (presque) de la même chose. Certaines personnes restent très longtemps dans leur chambre tapissées et illuminées d’une seule lumière, celle qui émane, toujours plus artificielle et faible, de leurs propres constructions.

Un jour la lumière réfléchie et artificielle s’épuise par manque d’alimentation. Trois scenarios se présentent alors. Le premier est l’adaptation à cette obscurité : les pupilles se dilatent jusqu’à voir dans l’obscurité quasi-totale ; mais on finit par perdre la vue sans s’en apercevoir et pour survivre on développe les autres sens. Un second est l’irrépressible envie de sortir de cette chambre obscure : on fuit, on cherche une autre habitation, on retourne à l’existence d’avant la rencontre vocationnelle, et l’on ne veut plus entendre parler de cette lumière qui nous avait séduit et dont on se sent trompé et condamné.

Mais il existe une troisième issue : la réforme et le début d’une nouvelle vie spirituelle. Alors que s’éteint la lumière, un songe vient nous sauver : une nuit nous rêvons de la première lumière et de ses couleurs, et l’invincible nostalgie nous prend d’un vrai soleil (beaucoup de personnes devenues non voyantes continuent pendant longtemps de rêver en couleurs). Nous nous mettons alors à ôter frénétiquement les objets, œuvres et meubles, qui nous semblent à présent tous éteints et pesants, pour dégager la fenêtre et revoir la lumière originelle et ses couleurs. Assoiffés de soleil nous libérons progressivement la chambre des œuvres et des idoles qui s’y étaient accumulées au long des années et des cultes.

Mais à ce point une nouvelle surprise nous attend. Quand nous ouvrons la fenêtre après avoir déblayé la chambre, nous découvrons que dehors il fait nuit. Où donc est la première lumière si ardemment cherchée ? Entre la première illumination et la réforme, les années ont passé et s’est accumulée l’expérience des propres limites, de la souffrance, de l’injustice, de la mort, des erreurs et des péchés (surtout l’idolâtrie). Et ce soleil que nous cherchons nous échappe.

Certains croient qu’il a disparu pour toujours, et ils restent bloqués dans leur cheminement. D’autres sortent de la maison, et se mettent en chemin sur la terre, dans l’attente d’une nouvelle aurore. Pour eux commence alors une nouvelle étape de la vie spirituelle et morale, l’une des plus rares, sublimes, extraordinaires. Ils ont vidé et libéré leur chambre mais à leurs yeux le ciel est obscur. La réforme, difficile libération d’une obscurité, aboutit dans une autre. Mais la nouveauté est cruciale : la nouvelle obscurité est vraie, spacieuse, ample et vive. Le principal défi de la vie spirituelle consiste à savoir distinguer cette seconde obscurité de la première. Elles sont très différentes en fait. La première emprisonne, la seconde sauve.

Après les réformes, personnelles et communautaires, il faut apprendre à voir dans cette obscurité. C’est pourquoi peu de réformes réussissent. Elles finissent ensablées, déçues de n’avoir pas trouvé la lumière désirée. En fait, les communautés n’aiment pas et "tuent" les authentiques réformateurs ; au lieu de la lumière qu’elles attendaient elles ne trouvent que l’obscurité. Elles préfèrent trop souvent les faux prophètes, grands installateurs de nouvelles lumières artificielles.

Nos réformes, celles de l’âme comme celles des communautés, réussissent dans la mesure où nous savons rester dans cette nouvelle obscurité, l’habiter, l’aimer, puis regarder au-delà, jusqu’à voir les étoiles au fond du ciel obscur, jusqu’à découvrir leur nouvelle et autre lumière, "clarite et presiose et belle". La nuit aussi a sa luminosité : les paysans le savent bien, comme les vagabonds nocturnes. Sa lumière est moins forte mais plus vraie que celle des réverbères.

Le premier fruit de toute réforme est la reconnaissance que la lumière de la vie adulte est différente de la lumière artificielle qu’on s’était fabriquée ; elle est moins aveuglante que celle de la jeunesse, mais pas moins vraie. Elle fait resplendir la vérité qui chemine dans les nuits des réformes, celles de l’âme comme celles des communautés. Dans l’attente, douce et aimante, que les sentinelles annoncent l’aube.

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Les voix des jours / 6 – Voir aussi dans l’obscurité, au-delà des fausses lumières

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 10/04/2016

Fiore Fragola rid

« Il est des qualités ou des excellences que le moi ne peut s’attribuer de lui-même : la pureté, le charme, la modestie, l’humour, toutes les perfections qui disparaissent au moindre frôlement, parce qu’elles ne peuvent exister que sans s’en rendre compte. En d’autres termes, ce n’est jamais le sujet lui-même qui est et peut le dire. »

Vladimir JankélévitchLe pur et l’impur

Dans la vie les expériences décisives ne sont pas faciles à reconnaître et à nommer, parce que si nous découvrions en elles la bénédiction, leur blessure ne laisserait en nous aucun signe, ne nous enseignerait rien.

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Quand renaît la lumière

Les voix des jours / 6 – Voir aussi dans l’obscurité, au-delà des fausses lumières Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 10/04/2016 « Il est des qualités ou des excellences que le moi ne peut s’attribuer de lui-même : la pureté, le charme, la modestie, l’humour, toutes les perfecti...
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Les voix des jours / 5 – Réformer est un humble et miraculeux artisanat

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 03/04/2016

Logo Voci dei giorni rid« Une communauté n’est jamais fondée une fois pour toutes. Le premier fondateur ne peut pas être le seul point de référence. Les besoins de la société changent, les communautés évoluent, leurs membres grandissent. Elles ont besoin d’être en permanence ‘refondées’. Le mythe fondateur demeure mais la forme qu’il prend en s’incarnant est appelée à changer. C’est ici que la présence de sages ‘réformateurs’ est nécessaire. Ils sont capables d’avancer, en maintenant et en approfondissant le mythe fondateur, en émondant et remodelant ce qui semblait essentiel dans les premières années, mais qui en réalité ne l’était pas ».

Jean Vanier, Le mythe fondateur

Les histoires des communautés, organisations et mouvements qui ont été capables de vivre au-delà du temps des fondateurs présentent quelques constantes : ils ont eu des réformateurs et ont su raconter de nouvelles histoires à côté des récits fondateurs.

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Les réformateurs permettent qu’un charisme fondateur reste vivant et fécond, et que les communautés retournent aux demandes charismatiques originelles en en changeant les réponses. Quand il n’y a pas de réformateurs ou qu’ils sont pris en otage, non reconnus, les expériences charismatiques et idéales déclinent inévitablement, n’ayant pas de prise sur la réalité présente, manquant donc absolument de jeunes et de ‘vocations’, parce qu’elles n’ont pas été capables de traduire le premier message et la première expérience. Une crise spirituelle et morale profonde frappe ses membres les plus engagés et motivés : dans un premier temps ils souffrent de l’absence de jeunes et de nouvelles vocations, puis ils deviennent indifférents et ils finissent même par éprouver une certaine joie en souhaitant, du fait de leur déception, que personne ne revive leur triste expérience existentielle. C’est une crise de mauvais vieillissement, qui de la vie ne fait voir que décadence et déclin. L’apparition de ces symptômes dans des communautés charismatiques concrètes révèle l’urgent besoin d’une réforme.

En temps de fondation, les charismes produisent plus de semences qu’il n’en peut fleurir dans la première saison ; elles pourront germer dans les phases successives, quand les premières auront vieilli. Les potentialités d’un charisme dépassent celles qui se manifestent dans la fondation. Il est des veines profondes qui, venues pourtant de la même source, n’apparaissent pas tout de suite mais sont destinées à émerger en temps de sécheresse ou après les tremblements de terre. Les pauvretés concrètes, aimées et embrassées par l’Église au cours de ses deux millénaires dépassent de beaucoup celles qu’ont aimées et embrassées Jésus de Nazareth et ses disciples. Les pauvres de Mère Teresa, de Francesca Cabrini, de Don Oreste Benzi, de Vincent de Paul, de Frei Hans, ne sont plus ceux de la Palestine de Pilate : ces nouveaux charismes ont fait pour les pauvretés, au nom de Jésus Christ, "des choses plus grandes" que celles que lui-même et sa communauté historiques ont réalisées.

Un processus analogue se vérifie pour chaque charisme : au cours de son développement il découvre des dimensions qui n’étaient pas apparues pendant la vie du fondateur. Le fondateur crée la communauté-mouvement à travers un processus de découverte du charisme, qui se révèle à lui progressivement pendant toute son existence. Plus difficile est la prise de conscience, dans la communauté qu’il a fondée, que cette découverte progressive du charisme se poursuit après la première fondation, et que, si elle s’interrompt, c’est le premier charisme lui-même qui est stérilisé.

Parfois c’est le François historique qui comprend que l’Église à reconstruire n’est pas la petite église de San Damiano ; d’autres fois c’est l’esprit de François parmi les Franciscains qui le comprend et se met au travail. C’est le François d’après François qui mène à son accomplissement la fondation de Francesco di Bernardone. Quand au contraire le processus de fondation se bloque à la première génération, parce qu’on le croit complet et définitif à la mort du fondateur, le charisme est empêché de mûrir et de se révéler en plénitude, d’illuminer et d’expliquer aussi des faits et des événements de la génération fondatrice. De même que dans nos maisons quelques pommes placées au milieu des kiwis les aident à mûrir, de même le François qui continue de vivre après lui, par une mystérieuse solidarité inter temporelle, fait mûrir le premier François. Sans Bonaventure ou Bernardin de Sienne, nous comprendrions moins son charisme. Les premiers bénéficiaires du courage des réformateurs sont les fondateurs eux-mêmes, qui réussissent à dire de nouvelles choses, différentes parfois, grâce à qui les a libérés des limites de leur vie temporelle. Les réformateurs font rouler les pierres des ‘sépulcres’ de leurs fondateurs et les en font sortir ‘vivants’. Les vraies réformes ne sont pas qu’une actualisation du charisme : elles sont une continuation de la première fondation, aux fruits et miracles différents mais non moins merveilleux. Les seconds ‘miracles’ sont nécessaires à la révélation des premiers.

Pourquoi donc de si précieuses réformes sont-elles rares et toujours douloureuses ?

Toutes les sociétés humaines ont tendance à tuer les prophètes qui pourraient les sauver. Et pour survivre au temps de leur naissance, les premières nouveautés charismatiques ont dû faire une sorte d’hybridation entre le nouveau et l’ancien, pour empêcher que l’ancien ne rejette et n’étouffe le nouveau. Ainsi, autour des premiers bons arbustes, la première génération développe-t-elle naturellement une végétation ancillaire qui protège les nouvelles tendres pousses et leur permet de fleurir à l’ombre des plantes plus robustes et résistantes aux intempéries. Les intuitions charismatiques s’entourent ainsi d’un sous-bois auxiliaire, s’habillent d’infrastructures, de langages, de règles écrites et non écrites, parfois de son cru et parfois héritées de la tradition ou du contexte historique. Cette hybridation – processus différent et parallèle à la production idéologique qui accompagne la naissance d’un idéal et dont nous avons déjà parlé dans ces pages – devient à un moment donné une camisole de force qui bloque la croissance et ferme l’avenir. Les réformes viennent desserrer et, dans le meilleur des cas, briser ce revêtement initial devenu camisole de force, ce bouclier protecteur devenu cuirasse d’acier.

L’extrême difficulté de l’opération libératrice consiste à savoir distinguer la camisole de force de la ‘personne’ qui l’endosse. Dans les plus grandes et plus riches communautés charismatiques, l’hybridation entre ancien et nouveau a été profonde et a duré des années, et des morceaux de cuirasse ont pénétré la chair, mêlant la peau à l’armature. La première compénétration entre ancien et nouveau se trouve dans la règle écrite que le fondateur a laissée à ses héritiers, où cohabitent des parts de nouveauté et des parts de revêtement, en une coexistence dont le fondateur lui-même est à peine conscient.

Les réformes sont donc douloureuses parce qu’en ôtant la cuirasse elles arrachent quelques lambeaux de chair. D’où la tendance quasi irrépressible des communautés à rejeter les réformateurs dont elles auraient pourtant urgemment besoin. L’exigence naturelle et nécessaire de protéger et sauver le charisme finit par bloquer toute tentative de réforme. Au nom de la pureté du charisme, on le condamne à la stérilité. La pureté se transforme en purisme infécond parce qu’a manqué le courage charismatique d’arracher quelques lambeaux de peau, blessure par laquelle serait passé le seul salut possible.

Toute traduction est une certaine trahison, mais la peur de la trahison ne doit pas empêcher la bonne traduction. Car sans elle les splendides poésies des charismes restent incompréhensibles à qui voudrait les écouter et les comprendre dans l’autre langue qu’est la sienne.

Beaucoup d’expériences idéales et charismatiques seraient encore vivantes et fécondes aujourd’hui si, de la souffrance d’une blessure, elles avaient su faire naître une réforme.

Les réformes échouent trop souvent parce qu’on a étouffé les vrais réformateurs ou qu’on a écouté les faux prophètes – ou les deux. Il faut dire que les sages réformateurs et les faux prophètes se ressemblent trop. Quand il est trop facile de repérer les réformateurs, c’est presque toujours parce qu’il s’agit de faux prophètes. Un réformateur se reconnaît d’abord au fait qu’il ne se présente pas comme tel à la communauté. Il faut se méfier des réformateurs qui se donnent ce titre et se présentent au peuple en ‘réformateurs par vocation’. Le premier art des réformateurs est artisanal : savoir ramasser les pierres d’hier, parfois même les cendres, pour humblement construire avec elles, plein d’espérance, une nouvelle église San Damiano, plus petite que l’ancien temple, mais où l’on peut écouter en silence la première voix, et quelquefois réapprendre à prier.

Quand les processus de réforme réussissent, les communautés vivent une authentique résurrection, puis une pentecôte. Les diverses langues se comprennent entre elles, et l’on a de nouvelles histoires à se raconter. Les réformes sont aussi une nouvelle évangélisation, de bonnes nouvelles à se dire les uns aux autres. De nouvelles histoires fondatrices accompagnent les premières, qu’elles font revivre et chanter encore. La crise est toujours une pénurie d’histoires capables de nous émouvoir, de nous faire bouger du dedans et ensemble. Les réformes repeuplent d’histoires nouvelles les communautés et le monde : des morts qui ressuscitent, des aveugles qui voient, de l’eau changée en vin, des pauvres qui deviennent citoyens d’un royaume différent.

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Les voix des jours / 5 – Réformer est un humble et miraculeux artisanat

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 03/04/2016

Logo Voci dei giorni rid« Une communauté n’est jamais fondée une fois pour toutes. Le premier fondateur ne peut pas être le seul point de référence. Les besoins de la société changent, les communautés évoluent, leurs membres grandissent. Elles ont besoin d’être en permanence ‘refondées’. Le mythe fondateur demeure mais la forme qu’il prend en s’incarnant est appelée à changer. C’est ici que la présence de sages ‘réformateurs’ est nécessaire. Ils sont capables d’avancer, en maintenant et en approfondissant le mythe fondateur, en émondant et remodelant ce qui semblait essentiel dans les premières années, mais qui en réalité ne l’était pas ».

Jean Vanier, Le mythe fondateur

Les histoires des communautés, organisations et mouvements qui ont été capables de vivre au-delà du temps des fondateurs présentent quelques constantes : ils ont eu des réformateurs et ont su raconter de nouvelles histoires à côté des récits fondateurs.

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Sans cuirasse on ressuscite

Les voix des jours / 5 – Réformer est un humble et miraculeux artisanat Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 03/04/2016 « Une communauté n’est jamais fondée une fois pour toutes. Le premier fondateur ne peut pas être le seul point de référence. Les besoins de la société changent, les communa...
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Les voix des jours / 4 – Hors de "chez soi", c’est des points de vue cachés qu’on voit et qu’on est levain

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 20/03/2016

Acquasantiera S Anastasia VR 01 rid« Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ? Il leur dit : "C’est un ennemi qui a fait cela". Ils lui disent : "Veux-tu que nous allions l’enlever" – "Non, dit-il, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous ne déraciniez le blé avec elle. Laissez l’un et l’autre croître jusqu’à la moisson". 

(Matthieu, 13, 27-30)

« Un de mes amis s’est exclamé avec surprise à son retour de vacances à l’étranger : "Il y a là-bas beaucoup plus d’aveugles que chez nous". Je lui ai répondu : "Non, mais là-bas les aveugles sortent davantage de chez eux parce qu’il y a moins de barrières dans l’espace public ; ils ont des infrastructures adaptées, et une culture qui encourage les aveugles à vivre en public".

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Ce dialogue avec Giulia, une collègue sicilienne non voyante, m’a beaucoup fait réfléchir. Faire en sorte que les différences, les difficultés, les pauvretés puissent émerger est un grand et puissant indicateur du degré de civilisation d’un peuple, une haute forme de richesse des nations.

La plus belle place du monde est celle où nous pouvons tous nous rencontrer, différemment doués et malhabiles. La meilleure classe est celle qui réunit les élèves brillants et ceux qui brillent autrement. Sourds, aveugles, boiteux, dépressifs et gens heureux, tous invités au banquet de la convivialité des différences. Il est des pauvretés qui, rendues publiques, à la vue de tous, enrichissent un peuple. En ce sens il est vrai que "la pauvreté est la richesse des peuples". La première pauvreté d’une personne, d’un peuple ou d’une communauté, est la dissimulation de ses propres pauvretés.

Les civilisations ont toujours décidé quelles blessures montrer, lesquelles cacher et nier. Durant des millénaires nous avons emprisonné chez nous les pauvretés de nos enfants et les nôtres, et nous-mêmes avec elles. Elles devaient rester invisibles, et beaucoup le restent encore. Nous les découvrions parfois en temps de crise, par une urgence, une odeur provenant de la porte d’en face. Les crises font apparaître des pauvretés invisibles. Les pauvretés de notre âme feraient notre richesse et celle des autres si nous pouvions les raconter à qui sait écouter, si "nous sortions de chez nous".

Des pauvretés hier invisibles deviennent aujourd’hui visibles, commencent à émerger par un processus de libération progressive qui embellit nos villes. Mais de nouvelles pauvretés sont en train de naître, volontairement tenues cachées, parfois, par ceux qui en tirent profit. Qui voit les pauvres enchaînés aux salles des jeux de hasard ? Les vitres opaques les cachent, et les adeptes des ‘jeux’, envoûtés par la machine, s’enferment dans une solitude autodestructrice qu’exploitent des escrocs privés et publics. Et qui voit les enfants qui dorment dans des chambres quelque part, pour faciliter les rencontres diurnes et nocturnes des mères ?

Le premier pas libérateur de ces esclaves postmodernes consisterait à les voir, à nettoyer les vitres de leurs prisons, à y entrer en les éclairant de notre regard. Dans un pays qui n’a pas la force de fermer ces prisons et en ouvre sans cesse de nouvelles, il ne reste aux citoyens que nous sommes que la possibilité d’une résistance morale, de faire vivre la ville.

Il y a aussi des pauvretés personnelles qu’au cours des siècles nous avions appris à transformer en richesses collectives, et qui retombent dans le règne de l’indigence invisible et solitaire.

C’est le cas de la prière. La prière naît d’abord d’une indigence, de l’expérience de la pauvreté, du manque ; elle naît de l’intuition profonde que nous sommes plus grands que les limites de notre corps et de l’univers. La foi et les religions avaient réussi à transformer ces indigences en liturgies communautaires, en églises, temples, pèlerinages, processions, qui ont (presque) toujours été des formes élevées de biens communs et du Bien commun. On sortait de chez soi et on se mettait en chemin en compagnie des autres, en reconnaissant que l’on était tous indigents et mendiants. On commençait à prier, transformant ces pauvretés en richesse. Nous pouvons (et devons) prier dans le secret de notre chambre, mais quand nous parvenons à prier ensemble, à nous reconnaître les uns les autres affamés de sens et d’éternité, l’indigence commune devient richesse publique, pour toute la cité.

Même celui qui ne croit pas (ou ne croit plus) que nos prières trouvent un Tu qui les accueille, sait que la présence de communautés où l’on prie ensemble est un don de la cité qui fait grandir sa liberté. Cette indigence anthropologique demeure, mais nous n’avons pas de lieux reconnus pour la célébrer ensemble. Nous ne savons plus partir en pèlerinage, parce que font défaut les destinations et donc les routes, et que nous ne voyons plus celles qui déjà existent. Comme cette pauvreté ne sort plus en public, elle ne devient pas richesse.

Les pauvretés, les difficultés inavouées et discriminées sont des maux individuels et communautaires dont nous n’avons pas toujours conscience. Quand dans une communauté on ne voit plus de pauvretés et de problèmes, demandons-nous si nous sommes plus riches, ou s’ils ne parviennent pas à sortir au grand jour, à traverser les murs de nos barrières civiles et morales. La moindre pauvreté est souvent le signe d’une crise, d’une pauvreté communautaire.

Ce paradoxe général se vérifie tout particulièrement dans les communautés spirituellesAcquasantiera S Anastasia VR 02 rid ou à mouvance idéale. Dans les meilleurs moments, pleins de vie, on s’y sent libre de partager les biens et les richesses comme les ‘maux’ et les pauvretés. Quand au contraire s’affaiblit l’esprit de la communauté, le partage des biens diminue comme les demandes d’aide, sans qu’on s’en aperçoive, parce qu’on pense que la diminution de la pauvreté est le fruit de l’augmentation des biens et de la richesse. Une communauté renaît quand ses membres recommencent à se redonner l’un à l’autre à la fois les biens et les multiples pauvretés et souffrances. 

Il existe un autre type de pauvretés et de problèmes communautaires qui deviennent richesse en sortant au grand jour. Une communauté idéale-charismatique ne survit au-delà de sa fondation, ne surmonte la crise du passage de la première génération aux suivantes, que si elle parvient à faire émerger les dissensions, les critiques, les différences d’interprétation, de vision, de lecture du "charisme" et des fondateurs, qu’en général on a tendance à considérer comme des choses qu’il ne faut pas laisser paraître. La santé morale de telles communautés se mesure, en fait, à la diversité des voix capables de s’exprimer et de chanter ensemble, y compris celles qui semblent discordantes et ne sont en réalité que des voix différentes.

L’Église a survécu après deux millénaires parce que, dans les premiers siècles surtout, elle a été nourrie et purifiée par de nombreux charismes théologiques et spirituels, très différents entre eux, parfois dissonants, mais qui ont empêché ensemble la création d’une pensée unique, monolithique. Elle s’est même nourrie de ses hérésies, en affinant et purifiant, pour s’en défendre, son propre kérygme, en développant de nouveaux anticorps qui l’ont protégée du virus de l’idéologie de sa propre foi.

Dans toute communauté qui vit et grandit de génération en génération, l’arrivée, du dedans ou du dehors, de nouvelles personnes porteuses d’innovations cause inévitablement des problèmes à ceux qui les gouvernent, mais ce renouveau est indispensable. Certes, toutes ces innovations ne sont pas bonnes, tous ces problèmes ne sont pas richesse. Certains naissent du narcissisme et leur développement pourrait provoquer la désagrégation de la communauté / mouvement / organisation. Le facteur crucial est l’impossibilité de discerner la nature de l’instance innovatrice à son apparition, à ses premières manifestations. Il n’est possible de discerner ces charismes "secondaires" qu’en les laissant croître, en leur permettant tous de s’épanouir. Ce sont les ‘bons’ charismes qui guérissent les ‘mauvais’.

La force intrinsèque du charisme originel lui permet de se développer correctement et de produire naturellement ses anticorps. Mais si l’on freine les personnes innovatrices, perçues comme menace et appauvrissement, ou si, pire encore, le gouvernement de la communauté s’arrange pour faire émerger les seules instances qu’il qualifie de "bonnes", les communautés tombent malades et finissent souvent par mourir.

Il faut dix "faux prophètes" pour en avoir un bon, et si la communauté tient absolument à ne générer que des bons prophètes, elle n’en produit que des mauvais. Dans le domaine de l’esprit, le bon froment seul n’est pas fécond. Plus se développe la vie spirituelle d’une communauté, plus s’amplifie le spectre des critiques, objections, protestations, qui, loin d’être pauvreté, sont tout ensemble richesse. Il arrive en effet que les personnes qui à l’origine apparaissent problématiques et dangereuses, grandissent et mûrissent et finalement se révèlent très précieuses ; tandis que d’autres, qui semblaient dociles, car flatteuses, deviennent peu à peu de véritables tumeurs du corps, qui à leur suite se stérilise et n’attire plus de nouveaux membres.

Dans les premières phases qui suivent la fondation, ce ne sont pas les responsables des communautés/mouvements qui sont les plus aptes à discerner les bons réformateurs des schismatiques et hérétiques ; s’ils suivent leur seul discernement ils sélectionnent les mauvaises personnes, qui leur ressemblent trop. À la différence des entreprises, si dans les organismes à mouvance idéale c’est la "propriété" d’aujourd’hui qui sélectionne les élites, il y a peu de chance qu’émergent les seuls authentiques réformateurs capables d’assurer la survie de l’idéal originel. C’est une vocation qui fait émerger ces réformateurs essentiels, un appel intérieur qui s’adresse parfois à un Paul de Tarse, un ancien persécuteur.

Mais des "barrières architectoniques" empêchent ici aussi que la diversité sorte à la vie publique, des barrières érigées dans le passé pour de larges rues et de grands palais adaptés à la ville et à la culture d’alors. Pour réussir, il nous faudra le courage et la force d’abattre les barrières, de changer les rues, les feux de signalisation et les trottoirs. C’est le grand air des places et des jardins qui nous guérit et qui nous sauve.

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Les voix des jours / 4 – Hors de "chez soi", c’est des points de vue cachés qu’on voit et qu’on est levain

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 20/03/2016

Acquasantiera S Anastasia VR 01 rid« Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ? Il leur dit : "C’est un ennemi qui a fait cela". Ils lui disent : "Veux-tu que nous allions l’enlever" – "Non, dit-il, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous ne déraciniez le blé avec elle. Laissez l’un et l’autre croître jusqu’à la moisson". 

(Matthieu, 13, 27-30)

« Un de mes amis s’est exclamé avec surprise à son retour de vacances à l’étranger : "Il y a là-bas beaucoup plus d’aveugles que chez nous". Je lui ai répondu : "Non, mais là-bas les aveugles sortent davantage de chez eux parce qu’il y a moins de barrières dans l’espace public ; ils ont des infrastructures adaptées, et une culture qui encourage les aveugles à vivre en public".

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Sortir pour nous enrichir

Les voix des jours / 4 – Hors de "chez soi", c’est des points de vue cachés qu’on voit et qu’on est levain Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 20/03/2016 « Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ? Il leur di...
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Les voix des jours / 3 – Les charismes fondent des communautés vulnérables, mais régénérables.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 13/03/2016

Logo Voci dei giorni rid« Le philosophe se reconnaît à ce qu’il a ‘inséparablement’ le goût de l’évidence et le sens de l’ambigüité. Quand il se borne à subir l’ambigüité, elle s’appelle équivoque. Chez les plus grands elle devient thème, elle contribue à fonder les certitudes, au lieu de les menacer ».

M. Merleau-Ponty, Éloge de la philosophie

Plus que les intérêts, ce sont les idéaux qui font avancer le monde. Parfois c’est nous qui les faisons naître dans la partie la plus lumineuse de notre âme. D’autres fois, ce sont les idéaux des autres qui nous appellent, et nous découvrons qu’ils vivaient déjà en nous, dans l’attente seulement d’être allumés.

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Commencent alors des aventures sublimes et génératrices. Les grands idéaux innovateurs, capables de faire naître des communautés, naissent souvent d’une personne porteuse d’un don ou d’un charisme particulier, capable de donner vie à d’importantes expériences collectives, de transformer son milieu et son temps. Un tel idéal est profondément lié à la personnalité du ‘fondateur’. Il s’incarne en lui, croît et se nourrit de ses talents et de ses traits de caractère. Les ‘communautés charismatiques’ prennent source et force dans cet entrelacement entre le charisme et la personnalité des fondateurs. Mais pour que la communauté se développe sans blocage, est nécessaire un processus long et complexe de différenciation entre la ‘perle’ et le ‘champ’ qui l’a abritée, entre la personnalité du fondateur et la ‘personnalité’ du charisme. Car s’il y a coïncidence entre le charisme et le talent de la personne qui l’incarne et l’annonce, le charisme ne peut survivre au-delà de la personne elle-même. Quand, par contre, le charisme est une ‘valeur ajoutée’ à la personne, et qu’il donne vie en conséquence à des communautés et mouvements, cette valeur ajoutée devient la source qui alimente la communauté au-delà de son fondateur, parce qu’elle est plus grande que lui.

Tout grand charisme dépasse la personne qui en est gratifiée. La détermination de cette valeur en plus, et donc de l’écart entre le charisme et la personne qui le détient, est fondamentale. Mais cette opération à la charge des continuateurs d’une communauté charismatique s’avère un travail collectif difficile, car il leur faut comprendre qu’à la racine d’une telle communauté il n’y a pas eu seulement un charisme-idéal : il y a eu aussi son idéologie.

L’idéologie a son cycle de vie. Elle naît très vite, et commence avec l’idéalisation des figures clé de la communauté que sont le(s) fondateur(s) ou d’autres personnes aux talents et dons particuliers. On passe ainsi de l’idéal annoncé par le leader à l’idéalisation de sa personne, qui perd peu à peu contact avec les limites, les erreurs, les ombres typiques de la condition humaine. Autour de lui se créent un mythe et une mythologie, qui en font une personne toujours plus spéciale et unique, dotée d’une sorte d’infaillibilité éthique et spirituelle. En conséquence, le cercle des personnes qui travaillent et dialoguent avec les leaders se réduit progressivement, et leurs rapports avec eux sont toujours plus asymétriques. Rencontrer le leader ou parler avec lui devient une circonstance rare, rituelle et mythique, tandis que la première fraternité est reléguée en arrière-plan.

Ainsi se vérifie la paradoxale impossibilité dans laquelle se trouve la personne qui a reçu un charisme de fraternité de le vivre dans la communauté qu’elle a elle-même créée. La première victime de l’idéologie est en effet la fraternité communautaire originelle. Dans l’authentique première phase des idéaux, elle en est le principe fondamental qui implique tout le monde, y compris le fondateur et ceux et celles qui ont assumé des rôles de premier plan ou de responsabilité.

Mais quand la communauté grandit, quelques unes de ces figures sortent progressivement du jeu de la fraternité et de l’égalité ; on les pare d’un statut exceptionnel, qu’au-delà du fondateur on applique aussi à tout son entourage. Plus fortes et remarquables sont les qualités charismatiques des fondateurs, plus probable et grave risque d’être la crise de cette fraternité et solidarité d’où sont nées les communautés. Les communautés fondées par des leaders aux petits talents spirituels sont moins innovatrices, mais plus fraternelles. Celles qui sont nées de grands talents spirituels génèrent beaucoup plus de vocations, mais produisent plus vite des idéologies qui dévient de la fraternité originelle.

La seconde phase de l’idéologie, qui suit naturellement et logiquement celle de l’idéalisation du fondateur, est la coïncidence qu’on produit entre le charisme qu’incarne et annonce le fondateur et sa personne. Comme un rapport spécial s’établit nécessairement entre un charisme et la personne qui l’incarne, les fondateurs de communautés charismatiques, et surtout leurs disciples, risquent fort de ne pas savoir différencier l’idéal qu’ils proposent de l’idéalisation idéologique des personnes charismatiques.

La valeur ajoutée que représente l’expérience idéale par rapport à la personne charismatique se compose de charisme et d’idéologie. Mais dans la phase de fondation, la forte personnalité du leader couvre la part d’idéologie, qui joue cependant un rôle essentiel dans la croissance et le développement de la première génération de la communauté. Car il n’y a pas que le fondateur qui développe et potentialise l’idéologie : la communauté aussi le fait.

La bonne foi des fondateurs et des disciples, privés de toute intentionnalité, rend le processus encore plus compliqué. Mais il faut, en passant de la première génération à celles qui suivent, bien différencier le charisme originel de l’idéologie qui l’a suscité. Si cette délicate opération chirurgicale n’est pas menée avec succès, l’idéologie bloque le futur développement du charisme, et souvent en décrète la fin.

C’est l’idéologie, et non l’idéal, qui produit les crises des communautés idéales, et ce n’est qu’en l’éliminant que ces crises pourront être surmontées. Mais l’idéologie agit en premier et nous rend incapables de la voir parce qu’elle se pare d’idéal.

C’est pourquoi les idéologies haïssent les crises et les nient radicalement, jusqu’à ce qu’elles soient trop évidentes et qu’il soit trop tard pour y remédier. Une caractéristique fondamentale de l’idéologie est en effet qu’elle exclut de l’horizon des possibles la crise ou le déclin. Pour elle tout est lumière, alors qu’il ne s’agit que de sa lumière artificielle et qu’elle ne voit pas l’ambivalence de la réalité. En conséquence, quand durant la seconde ou troisième génération l’idéologie du charisme met en crise le charisme, la communauté manque des repères nécessaires pour voir, lire, comprendre et surmonter la crise.

Le premier pas pour résoudre la crise est la prise de conscience qu’elle concerne non pas le message originel de la communauté (le charisme) mais l’idéologie qui en est sortie. Le discernement de la nature idéologique de la crise est cependant très difficile, parce que la création idéologique est intrinsèque à la phase de fondation, et concerne certains choix, paroles et attitudes des fondateurs eux-mêmes. Traiter la crise requerrait une liberté d’interprétation du charisme et de son idéologie que celle-ci a justement éliminée. Ainsi finissent beaucoup de communautés charismatiques. Pour éviter ce déclin, il aurait fallu tenter de pénétrer dans leur chair au bistouri pour en extraire l’idéologie et sauver le charisme.

Plusieurs scenarios s’ouvrent ici, dont regorge l’histoire des religions et des mouvements à mouvance idéale. Ces scenarios rappellent certains aspects du paradigme de deux grandes hérésies christologiques des premiers siècles du christianisme : le monophysisme et le pélagianisme.

Le scenario relatif au ‘monophysisme’ (reconnaissance de la seule nature divine du Christ, en niant sa nature humaine) est simple et ordinaire : en refusant ou en manquant d’admettre la part humaine et donc idéologique de la personne du fondateur, on ne différencie pas l’idéal originel de son idéologie, et tout devient charisme. Alors toutes les paroles, les actions, les épisodes de la vie du leader charismatique finissent par avoir le même poids fondateur et la même nature. L’idéologie ne se voit pas, et la maladie devient incurable du fait qu’elle croît sans qu’on s’en aperçoive.

L’autre scenario rappelle fortement le pélagianisme, grand ennemi théologique de St Augustin. L’esprit de Pélage réapparaît quand une partie de la communauté se met à penser qu’elle peut ‘se sauver’ par elle-même, sortir de la crise en se détachant de la figure historique du fondateur et de son charisme originel. Elle entrevoit un salut, mais sans ‘sauveur’. Face au malaise dû à l’incapacité de libérer le charisme de son idéologie, elle juge que la crise est celle du charisme et de la figure historique du fondateur, non pas celle de son idéologie. Elle écarte le fondateur, ou y fait allusion comme à une vague et lointaine référence éthique et symbolique, perdant contact avec sa personne concrète et historique. Cette communauté/mouvement peut continuer à vivre, mais se différencie substantiellement de la première communauté.

Par contre, les communautés qui sont parvenues à grandir dans le temps sans tomber dans de nouvelles versions de ces deux ‘hérésies’, sont entrées avec confiance dans le cœur de l’expérience historique de la fondation, du fondateur et de son mythe, assumant tous les risques que comporte cette délicate opération. Elles l’ont voulu parce qu’à un moment donné, grâce à l’intervention d’authentiques ‘réformateurs’, elles ont compris qu’il n’existait pas d’autre scenario possible pour survivre.

Les communautés idéales et charismatiques restent bien vivantes dans le temps si chaque génération a le courage de s’employer à faire renaître l’idéal des cendres de son idéologie. Pour cela il leur faut d’abord la voir, la comprendre, l’accueillir, l’aimer et lui demander de mourir.

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Les voix des jours / 3 – Les charismes fondent des communautés vulnérables, mais régénérables.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 13/03/2016

Logo Voci dei giorni rid« Le philosophe se reconnaît à ce qu’il a ‘inséparablement’ le goût de l’évidence et le sens de l’ambigüité. Quand il se borne à subir l’ambigüité, elle s’appelle équivoque. Chez les plus grands elle devient thème, elle contribue à fonder les certitudes, au lieu de les menacer ».

M. Merleau-Ponty, Éloge de la philosophie

Plus que les intérêts, ce sont les idéaux qui font avancer le monde. Parfois c’est nous qui les faisons naître dans la partie la plus lumineuse de notre âme. D’autres fois, ce sont les idéaux des autres qui nous appellent, et nous découvrons qu’ils vivaient déjà en nous, dans l’attente seulement d’être allumés.

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La trahison de l’idéal

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Les voix des jours / 2 – Le miracle de l’arbre et de la bouture : résister à la mort

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 06/03/2016

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« Heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants… Il est comme un arbre planté près des ruisseaux : il donne du fruit en sa saison, et son feuillage ne se flétrit pas ».

Psaume 1

L’intelligence des êtres humains n’est pas la seule intelligence de la planète. Il y a des intelligences différentes : celle des animaux, celle des insectes, celle des plantes. La botanique et d’autres sciences nous révèlent que les plantes, les végétaux, ressentent, apprennent, voient, souffrent, se souviennent, décident, s’entraident et collaborent entre eux, et nous sont beaucoup plus semblables que nous le pensons.

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Les paysans et les jardiniers le savent bien ; chaque jour ils voient et sentent, du toucher de la main, que les plantes réagissent, que leur comportement répond à une loi de réciprocité entre elles et avec nous. Elles vivent et croissent bien dans nos jardins et nos maisons en notre compagnie solidaire, et ont tendance à se flétrir en absorbant nos névroses et négativités – la mort d’une plante près de nous est toujours un message.

Nous pouvons tous expérimenter la richesse de la vie des plantes. Entrons pour cela sans hâte dans un bois ou un parc, sans casque d’écoute, sans courir obnubilés par nos calories. Nous sommes entourés d’une foule de messages que nous ne comprenons plus parce qu’un jour nous nous sommes mis à courir trop vite, laissant dès lors s’éteindre de nombreuses langues non humaines qui avaient habité la terre durant des millénaires. Ce n’est qu’en ralentissant, en nous mettant à leurs pas, que nous pouvons rentrer en harmonie avec la "voix" des plantes et de beaucoup d’autres formes de vie.

Les arbres, le monde végétal, ont pour caractéristique fondamentale qu’ils sont enracinés dans le sol. Cet ancrage à la terre les a désavantagés dans l’évolution, les empêchant de fuir les prédateurs, de s’éloigner des fléaux écologiques (incendies, changements climatiques). Ils se tiennent immobiles et paisibles près de nous – quoi de plus docile qu’un pêcher ou qu’un jonc ? Au cours de quelques millions d’années, ils ont appris à survivre en perdant de 50 à 80% de leur corps, survivant même quand ils sont dévorés et réduits à peu de chose. Pour parvenir à ce qui nous semble un miracle, c’est avec tout leur corps que les plantes développent leurs fonctions vitales.

Nous autres animaux avons un grand avantage sur les plantes en matière d’évolution, grâce au développement et à la différenciation des organes. Nous avons des poumons pour respirer, des oreilles pour entendre, des yeux pour voir. Les plantes, au contraire, n’ayant pas d’organes, voient, respirent, ressentent par toute l’amplitude de leur corps. Nous avons un système hiérarchisé pour penser et décider ; les plantes, elles, "pensent et décident" par les feuilles, les rameaux, le tronc, les racines. Leur vulnérabilité sédentaire les a portées à distribuer leurs fonctions vitales dans toutes leurs cellules. Nos organes spécialisés nous ont permis une grande efficacité et un énorme succès cognitif, dont une grande vulnérabilité est cependant le coût : la perte d’un organe vital peut nous faire mourir. Il est beaucoup plus difficile de tuer une plante qu’un animal. La grande vulnérabilité des plantes les a rendues plus résistantes à la mort.

La vulnérabilité et la résilience végétales ont beaucoup à nous dire. Les entreprises des siècles passés se sont structurées à la manière des animaux : forte division du travail et système hiérarchisé. Cette organisation fonctionnelle et hiérarchique a permis aux entreprises de beaucoup courir, de se déplacer à la recherche d’opportunités, de réagir aux stimuli et aux changements environnementaux, de devenir en ces décades de grands "changements climatiques" des organismes bien plus performants que les communautés civiles et politiques, qui sont beaucoup plus lentes, démocratiques, diffuses, liées au territoire. Les entreprises sont les grands vainqueurs de l’évolution super rapide de notre temps.

Mais voilà qu’à cheval sur les deux millénaires le milieu humain a complètement changé avec l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux, qui ressemblent beaucoup aux plantes. La métaphore même du réseau et de la toile d’araignée (web) nous rappelle fortement la vie diffuse des végétaux, à l’opposé des organes et des fonctions hiérarchiques animales. Aujourd’hui, celui qui veut se mouvoir dans ce nouveau milieu doit respirer, écouter, se souvenir, parler par tout son corps, comme les plantes. Il doit donc repenser et renverser la rigidité hiérarchique. Qui veut aujourd’hui survivre et grandir dans la nouvelle économie est de plus en plus appelé à décentrer et distribuer toutes les fonctions (y compris l’entrepreneuriale), à renoncer à un contrôle hiérarchique de tous les processus et décisions, en activant et responsabilisant toutes les cellules du corps.

Il se trouve qu’en Europe surtout, dans notre modèle de développement, nous avons connu et connaissons des entreprises organisées selon le paradigme végétal : les coopératives. La force de la coopération réside dans le fait d’avoir distribué les fonctions dans le corps entier, d’avoir préféré à la rigide organisation hiérarchique un actif fonctionnement participatif. Les coopératives ont appris à respirer, sentir, décider avec tout leur corps, et, ce faisant, elles ont appris à repenser les droits de propriété de l’entreprise et son gouvernement. Comme elles sont ancrées dans le territoire, elles sont beaucoup plus lentes et en général moins efficaces que les entreprises capitalistes, mais elles se sont montrées bien plus résistantes et résilientes aux crises ambiantes, externes et internes.

Leur faillite, quand elle advient, est souvent due au fait d’avoir renoncé à la métaphore végétale pour imiter les animaux, plus véloces et attirants, en adoptant leur gouvernance et leur culture. Quand elles perdent leur aptitude à utiliser toutes leurs cellules pour vivre, les coopératives et les entreprises communautaires ne récoltent que les inconvénients de l’ancrage au territoire, comme un renard pris au piège des braconniers est infiniment plus vulnérable que l’arbre qui le retient prisonnier.

Il est probable que les protagonistes capables d’habiter avec succès le "temps de la toile d’araignée" seront des organisations toujours plus diffuses et horizontales, semblables aux ‘vieilles’ coopératives. La plaie des entreprises de la nouvelle économie, celle du web, est que ces entreprises ont changé en matière de culture et de gouvernance, mais pas encore en ce concerne les droits de propriété. Les propriétaires des nouveaux géants du web sont encore trop peu nombreux, les profits (énormes) Pianta in vetrina rid sont concentrés en peu de mains. Les défis du nouveau capitalisme ‘végétal’ seront les droits de propriété et donc la distribution de la richesse, thèmes aujourd’hui muets parce que nous continuons à penser à la manière du siècle dernier, gérant les choses par la seule politique et par les taxes. Tant que nous ne penserons pas à de nouvelles formes de propriété ‘diffuses dans les nouvelles forêts’, nous continuerons à imiter les plantes tout en restant prédateurs.

Mais la vulnérable résistance des plantes peut encore nous dire d’autres choses.

Pensons aux communautés spirituelles et à mouvance idéale, ou à notre vie intérieure. Les communautés capables de résister à la mort des fondateurs, de surmonter des crises graves, étaient diffuses et capables de respirer et de voir par leur corps tout entier. Si les leaders ou les fondateurs monopolisent le cœur ou la tête de leur communauté, leur mort est aussi celle de l’entière communauté. Si par contre le charisme est répandu dans tout le corps, les communautés peuvent continuer de vivre après le temps du fondateur, et même survivre à la perte d’une grande partie de leur corps.

Le bon développement de la vie intérieure et spirituelle peut, lui aussi, être vu comme une transformation progressive de l’âme sur le modèle de l’arbre. Si notre intériorité se structure sur le modèle animal, toujours en mouvement et sans racines, nous devenons très vulnérables aux coups portés à nos organes vitaux : relations, travail, certitudes. La trahison d’un ami, la mort d’un conjoint, l’âge de la retraite, la crise de notre foi… suffisent à nous anéantir dans une authentique mort spirituelle. Une bonne éducation, celle des jeunes surtout, consiste donc à apprendre à ressentir, souffrir, aimer, parler, voir par l’âme toute entière. On va alors plus lentement, mais aussi beaucoup plus loin et plus haut, et l’on réussit à survivre à la perte de 50, 90, voire 99% du ‘corps’, à renaître d’un petit reste encore vivant dans un coin.

Pour sortir vivant des grandes crises, morales et physiques, il suffit dans l’organisme d’un bout de tissu vivant et sain, sauvé des prédateurs. Il arrive souvent que ce petit bout de vie soit simplement notre travail : nous retournons au bureau, détruit par les malheurs, dévoré, abandonné, persécuté, mais en remettant en route notre p.c. et en ouvrant la persienne comme d’habitude, nous sentons physiquement que la vie repart et revivifie peu à peu tout le corps. Dieu parla à Moïse de l’intérieur du buisson tandis qu’il travaillait, paissant le troupeau de son beau-père. Le travail a souvent été le lieu des plus grandes théophanies. Nous nous sommes relevés d’authentiques morts de l’âme en sachant encore préparer un repas, en continuant durant des années à dresser la table avec le même soin qui faisait sentir à quelqu’un qu’on l’aimait, en récitant encore la seule prière dont nous nous souvenons. Une magnifique bouture est alors apparue, un grand arbre parfois, chargé de nombreux fruits.

 

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Les voix des jours / 2 – Le miracle de l’arbre et de la bouture : résister à la mort

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 06/03/2016

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« Heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants… Il est comme un arbre planté près des ruisseaux : il donne du fruit en sa saison, et son feuillage ne se flétrit pas ».

Psaume 1

L’intelligence des êtres humains n’est pas la seule intelligence de la planète. Il y a des intelligences différentes : celle des animaux, celle des insectes, celle des plantes. La botanique et d’autres sciences nous révèlent que les plantes, les végétaux, ressentent, apprennent, voient, souffrent, se souviennent, décident, s’entraident et collaborent entre eux, et nous sont beaucoup plus semblables que nous le pensons.

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Le temps de la toile d’araignée

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